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Efficacité de la politique monétaire de la BEAC (banque des états de l'Afrique Centrale ) et mécanismes de transmission: une évaluation empirique du canal du taux d'intérêt au Cameroun de 1995 à  2006

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par Eric Joël NGOUNOU NZOKOM
Institut sous-régional de statistique et d'économie appliquée Cameroun - Ingénieur d'application de la statistique 2008
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

CONTEXTE ET JUSTIFICATION

La stratégie de politique monétaire suivie par la BEAC d'avril 1973 à octobre 1990, avait pour objectif final le développement économique de ses États membres. Les instruments de politique monétaire utilisés étaient : les taux d'intérêt, les plafonds globaux de réescompte avec les limites individuelles (par pays) de réescompte, les réserves obligatoires et surtout le contrôle qualitatif ou sélectif du crédit. Au cours de cette période, la BEAC n'avait pas d'objectif ou de cible intermédiaire quantifié déclaré, du fait de l'absence d'un cadre cohérent de formulation de politique monétaire.

Grâce à un environnement économique international porteur, cette politique a fonctionné sans trop de difficultés jusqu'en 1985-1986. A partir de cette date, avec l'effondrement des cours mondiaux des produits de base1(*), la zone a connu une expansion rapide du crédit intérieur et des mécanismes de gestion monétaire et de contrôle bancaire défaillants. La situation monétaire s'est alors considérablement détériorée2(*). En effet, sous l'action conjuguée de l'effondrement des cours mondiaux des produits de base et de l'expansion rapide du crédit intérieur en 1985-1986, les avoirs extérieurs nets de la zone (en F.CFA) sont passés de 109.2 milliards à fin décembre 1985 à -140 milliards en décembre 1986 et -242 milliards en 1989. Le Compte d'Opérations qui totalisait 209,7 milliards au 31 décembre 1985 est devenu débiteur de 74,8 milliards au 31 décembre 1987. Reflétant cette évolution, le taux de couverture extérieur de la monnaie3(*) est revenu de 63,7 % à 13,6 % alors que les statuts imposaient un minimum de 20 %.

Face à l'ampleur de la crise, la stratégie monétaire de la BEAC s'est avérée limitée et inopérante. En particulier :

ü la politique des taux d'intérêt était caractérisée par une trop grande rigidité par rapport à une conjoncture interne et externe très fluctuante ;

ü la politique de sélectivité du crédit n'a pas eu les effets escomptés. Au contraire, elle a introduit des distorsions importantes au niveau de l'allocation des ressources ;

ü la technique des plafonds globaux de réescompte était rigide et constituait un facteur « bloquant » pour la concurrence interbancaire ;

ü les réserves obligatoires enfin, étaient utilisées comme un élément de sanction des banques, alors qu'elles constituent en réalité un instrument de régulation de la liquidité bancaire, particulièrement lorsque les établissements de crédit sont surliquides et « hors banque ». Toutes ces évidences mises en commun, ont inévitablement conduit à une série de reformes monétaires et bancaires, visant à assainir tout le système bancaire.

C'est ainsi qu'en octobre 1990, à la suite de la prise de conscience des échecs de leur politique monétaire, les pays de la zone CEMAC ont adopté une nouvelle stratégie de politique monétaire, caractérisée par les innovations ci-après :

ü L'institution de la Programmation Monétaire en juillet 19914(*) : qui sert désormais de cadre de détermination macroéconomique des objectifs monétaires et de crédit de la Banque (objectif de refinancement et objectifs intermédiaires, à savoir la masse monétaire M2 et les crédits à l'économie). Ceux-ci sont arrêtés sur la base des prévisions à court et moyen terme de l'évolution de l'activité économique. La mise en oeuvre de cette programmation, s'explique par la nécessité de l'atteinte de l'objectif final désormais clairement défini : la « stabilité monétaire ». Cette stabilité monétaire signifie de façon opérationnelle, au plan externe, un taux de couverture extérieure supérieur ou égal à 20 %  et, au plan interne, une inflation faible qui ne diverge pas fondamentalement de celle de la zone Euro. Le taux d'inflation en moyenne annuelle ne devrait pas dépasser le seuil de 3% l'an.

ü Le renforcement du dispositif de surveillance bancaire avec les conventions portant création de la COBAC le 16 octobre 1990, et portant harmonisation de la réglementation bancaire en Afrique Centrale, le 17 janvier 1992.

ü La promotion d'un système financier intégré : sous l'impulsion de la théorie de la « répression financière » développée par McKinnon et Shaw, la BEAC a procédé à la libéralisation du système financier dans son ensemble ; ce qui s'est concrétisé par la mise en place du Marché Monétaire en juillet 1994. Un nouveau dispositif de régulation monétaire basé sur les mécanismes de marché a été mis en place, consacrant l'abandon des instruments de contrôle direct et sélectif du crédit (taux privilégiés ou de faveur, plafonds de refinancement par banque...). En effet, depuis l'instauration du Marché Monétaire en juillet 1994, le mode d'intervention de la BEAC repose sur le contrôle de la liquidité bancaire. Lequel contrôle s'exerce sur l'offre de monnaie centrale grâce à la politique de refinancement mise en oeuvre exclusivement sous forme d'avance sur titre au niveau du Marché Monétaire. Ces avances sont limitées quantitativement par l'application d'un plafond appelé « objectif de refinancement » et sont accordées à un prix fixe (TIAO ou TIPP)5(*). Cette politique peut éventuellement être complétée par une action sur la demande de monnaie centrale à travers l'imposition des réserves obligatoires.

Une interrogation inhérente à la mise en oeuvre de cette politique monétaire est celle de savoir si les réformes instituées dans cet environnement, ont porté leur fruit depuis le parachèvement de celles-ci par la dévaluation du franc CFA. Notamment plusieurs chercheurs de la zone Franc ont soupçonné une certaine inefficacité de leur politique monétaire à l'instar de Nubukpo (2003) en Afrique de l'Ouest. Une vérification empirique du cas de la BEAC ne serait pas fortuite, et spécialement son outil privilégié qu'est le taux d'intérêt. De plus, étant donné que l'appréciation de ce nouveau dispositif de politique monétaire doit être fait dans un milieu relativement assaini, nous avons choisi de limiter la période d'étude à 1995-2006.

La littérature économique et financière s'attache davantage à étudier le niveau des taux directeurs décidé par les banques centrales qu'à la manière dont l'économie réelle réagit aux variations des taux d'intérêt. Pourtant, pour que la politique monétaire joue pleinement son rôle, il est souhaitable que les mécanismes par lesquels une variation des taux directeurs a un impact sur le comportement des agents économiques et sur la croissance, c'est-à-dire que les circuits d'interactions entre la sphère monétaire et l'économie réelle, soient efficaces. Dès lors, comme le souligne Auray (2003), le problème de la transmission monétaire et le rôle de la monnaie dans l'explication des fluctuations économiques se trouvent au centre des interrogations de nombre de chercheurs. En effet, depuis les travaux de Say (1803) qui énoncent que l'offre crée sa propre demande, les économistes ont débattu sur la question du voile monétaire. D'un coté, les tenants de la pensée classique considèrent qu'il existe une dichotomie parfaite entre secteur réel et secteur monétaire, la monnaie ne permettant que le passage de l'un à l'autre des pôles. De l'autre coté, c'est autour des travaux de Wicksell (1898), Walras (1900), Fisher (1911) et Pigou (1918) que s'organise l'évolution de la théorie de la monnaie et de l'intérêt depuis le début du siècle jusqu'à la première guerre mondiale. (Auray 2003)

Or, l'on constate dans l'analyse macroéconomique contemporaine l'émergence d'un consensus à propos de l'impact non négligeable de la politique monétaire sur l'activité économique. Cependant, c'est seulement à la parution du livre de Friedman et Schwartz (1963) que l'idée d'une influence de la monnaie sur les fluctuations économiques est réellement acceptée. Ces auteurs expliquent la crise de 1929 par la diminution de la masse monétaire durant cette période. L'idée véhiculée par Friedman et Schwartz (1963) se diffuse largement au sein des économistes. (Auray, (2003))

Dès lors, l'analyse macroéconomique cherche à mettre en évidence l'importance de la monnaie dans les fluctuations. Sims (1972) joue un rôle clé dans cette démarche, en démontrant empiriquement, la causalité de la masse monétaire sur le produit global.

Notre objectif est autre, en ce sens que nous nous interrogeons sur la pertinence de la mise en oeuvre de la politique de la BEAC et donc, nous ambitionnons d'analyser le fonctionnement de la politique monétaire de la BEAC. Explorer les voie de transmissions de cette politique monétaire sur l'économie. Cette analyse se fera principalement par l'étude des canaux de transmission de la politique monétaire sur l'économie, notamment le canal du taux d'intérêt. Enfin nous ferons une évaluation de l'efficacité de l'instrument mis en oeuvre, au moyen du délai de réaction de l'économie à une impulsion monétaire.6(*)

QUESTION DE RECHERCHE

Dans le souci de réussir notre recherche, nous pensons qu'il serait souhaitable d'apporter des réponses aux quelques questions suivantes : Le canal du taux d'intérêt fonctionne t-il en zone CEMAC ? Quelle est l'ampleur d'un impact de la politique monétaire (variation du taux d'intérêt) sur le produit global et l'inflation? Quels sont les délais de réaction du secteur réel suite à une impulsion monétaire ? ...

Nous formulons donc la question centrale de notre recherche de la façon suivante :

Le mécanisme de transmission de la politique monétaire de la BEAC basé sur le taux d'intérêt a-t-il été efficace sur la période 1995-20067(*)?

OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

L'objectif principal de notre travail est d'analyser sur le plan économétrique, la pertinence du mécanisme traditionnel de transmission de la politique monétaire de la BEAC par le canal du taux d'intérêt dans le cas du Cameroun sur la période 1995-20068(*).

Nous décomposons cet objectif en deux objectifs spécifiques :

Examiner le sens de la réaction des variables réelles suite à une impulsion monétaire (variation du taux d'intérêt).

Évaluer l'ampleur et la persistance des effets d'une variation du taux d'intérêt sur les variables réelles.

Nous postulons dans le but d'atteindre ces objectifs les hypothèses de recherches suivantes :

Hypothèse1 : Toute variation du taux d'intérêt de la BEAC induit une réaction du PIB et du niveau des prix du Cameroun, dans le sens prévu par la théorie économique.

Hypothèse2 : Toute variation du taux d'intérêt de la BEAC a un impact significatif qui se prolonge dans le temps, sur le PIB et le niveau des prix au Cameroun.

MÉTHODOLOGIE

Les travaux académiques sur les questions de transmission monétaire se divisent en trois catégories :

ü La première méthode consiste à construire des modèles macro-économiques intégrant différents impacts. Ces modèles permettent de déterminer les différentes élasticités des composantes de la demande finale à des variables de politique monétaire considérées exogènes (voir par exemple Strauss-Kahn (1986)).

ü La deuxième approche est fondée sur une conception qualitative et institutionnelle de la politique monétaire. Considérant que les autres méthodes ne parviennent pas à identifier de façon satisfaisante les effets de la politique monétaire, Romer et Romer (1990) ont étudié les rapports et les minutes du Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale et du Comité Fédéral de l'Open Market de 1945 à 1987. Ils ont repéré au total six dates correspondant à un passage à une politique monétaire restrictive. Les deux auteurs ont transformé ces informations qualitatives en une variable muette qui prend la valeur 1 aux dates où la politique monétaire devient restrictive et la valeur 0 dans le cas contraire. Cette variable est introduite comme variable explicative dans des régressions standard. Romer et Romer (1990) ont obtenu une baisse du PIB réel à chaque restriction monétaire.

ü La troisième méthode se concentre sur les co-variations observées entre une variable représentative de la politique monétaire et des variables macroéconomiques. Friedman et Schwartz (1963) ont par exemple étudié les variations concomitantes ou retardées de la politique monétaire et des agrégats réels. Il s'agit d'analyses économétriques directes fondées uniquement sur les liens statistiques entre les taux d'intérêt et les variables réelles (modèles vectoriels autorégressifs ou VAR). C'est dans les années 80 que Sims (1980, 1986) en a répandu l'usage avec le développement de modèles VAR.

Afin d'étudier les mécanismes de transmissions monétaires et les effets de la politique monétaire dans les fluctuations économiques, Sims (1980) propose d'utiliser un outil d'analyse des fluctuations centrées sur les innovations statistiques d'un modèle vectoriel autorégressif (VAR)9(*). La non neutralité des chocs monétaires semble alors incontestable. A la suite des travaux fondateurs de Sims, de nombreux auteurs ont cherché en utilisant le cadre de la méthodologie VAR, à confirmer ou infirmer l'hypothèse de non neutralité de la monnaie.

À l'exemple10(*) de : Litterman et Weiss (1985), Blanchard et Watson (1986), Bernanke (1986), Blanchard (1989) et Gali (1992).

Blanchard (1989) montre ainsi, que les chocs monétaires influencent les variations du PNB réel américain. Cependant, la difficulté de mesurer la véritable contribution des chocs monétaires demeure tant le traitement de la non stationnarité et les hypothèses d'identification des sources d'impulsion sont différentes selon les travaux. Malgré ces difficultés, l'utilisation de la méthodologie VAR initialement proposée par Sims (1980) s'est généralisée dans la littérature. Ce type de représentation dynamique a ainsi permis d'étudier les effets de la politique monétaire et de caractériser les régularités qui se dégagent à la suite d'une impulsion monétaire.

L'utilisation de modèles VAR permet en outre de mettre en évidence le comportement des agrégats de l'économie à la suite, par exemple d'une modification de la politique monétaire. Le choix des variables, le nombre de retards, l'hypothèse de récursivité ont alors été examinés dans de nombreuses études11(*) telles : Sims (1992), Bernanke et Blinder (1992), Leeper et Gordon (1992), Strongin (1995), Leeper, Sims et Zha (1996), Christiano, Eichenbaum et Evans (1999) et (2001).

Comme nous l'avons annoncé plus haut, nous spécifierons un modèle dont l'estimation se fera suivant une approche VAR structurelle (SVAR). En effet, nous partons d'une formulation théorique proposée par Artus (2001). Nous allons donc évaluer l'impact de l'action de la politique monétaire de la banque centrale sur l'économie par l'action des variables monétaires (taux d'intérêt), sur des variables macroéconomiques (le niveau des prix, le produit global ou PIB).

Nous organisons notre travail en deux grandes parties : un cadre théorique de trois chapitres, et un cadre empirique de deux chapitres. Sur le plan théorique, nous faisons tout d'abord un certain nombre de rappels théoriques sur l'efficacité de la politique monétaire, ensuite nous décrivons la politique monétaire de la BEAC et enfin nous faisons une revue de la littérature sur les questions de la transmission monétaire. Sur le plan empirique, nous spécifions le modèle qui nous permet de résoudre notre question de recherche et enfin nous présentons les principaux résultats de notre travail.

* 1 Les produits de base à savoir (cacao, café, coton, banane, pétrole brut, canne à sucre...) constituaient et constituent encore l'essentiel des richesses des pays de la BEAC.

* 2 Indicateurs macroéconomiques et monétaires « dans le rouge » et système bancaire fragilisé.

* 3 C'est-à-dire le rapport des avoirs extérieurs bruts aux engagements de la Banque Centrale.

* 4 Quoi qu'elle ait vraiment été appliquée à partir 2000.

* 5 Taux d'Intérêt des Appels d'Offre ou Taux d'Intérêt de Prise en Pension.

* 6 Eu égard aux grands principes de politique économique : Une politique = Un objectif, des instruments, une évaluation au moyen des délai de réaction et de l'ampleur des impacts sur les variables objectifs (Lange, (1970)).

* 7 Nous avons choisi de focaliser notre études sur la période 1995 à 2006 parce que nous estimons que le processus de reforme de la politique monétaire a été parachevé en 1994 par la dévaluation du F.CFA et le lancement du Marché Monétaire sous-régional ; de plus un test de rupture de Monte-Carlo peut aisément être mis en oeuvre et il en sortira que le comportement de l'ensemble de nos variables change à partir de 1994-1995 ; enfin l'indisponibilité des données à jour (illico presto) nous conduit à nous arrêter en 2006.

* 8 Cette analyse intègre la détermination du sens de réaction (la réaction est-elle conforme à la théorie économique ?), des délais de réactions et de l'ampleur des effets, de manière à pouvoir se prononcer sur l'efficacité de ceux-ci.

* 9 Cette méthodologie s'est développée afin de répondre à la critique des méthodes d'identification généralement utilisées dans les modèles économétriques traditionnels. Dans Macroeconomics and Reality, Sims (1980) affirme que la construction des modèles macroéconométriques comporte trop d'hypothèses non testées qui conduisent le modélisateur à imposer a priori des restrictions trop fortes. Il déplore notamment l'absence de tests sérieux sur la structure causale, en particulier sur la distinction entre variables exogènes et endogènes. Ces restrictions imposées lors de l'écriture et de l'estimation économétrique ne se justifient pas et doivent être remises en question. Il propose donc de traiter toutes les variables de façon symétrique, sans condition d'exclusion ou d'exogénéité.

* 10 Cités par Auray (2003).

* 11 Idem.

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