WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le rôle de l'Union Européenne dans le processus de réconciliation au Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Jacques- Abby Habimana
Université catholique de Louvain - Master en relations internationales 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS.

L'appui de l'UE auprès de la CNUR en tant que mécanisme de réconciliation et de gestion des conflits au Rwanda nécessite une attention particulière, en vue de donner plus de valeur et d'efficacité à ses activités. Il en est de même du soutien accordé aux autres secteurs d'intervention dans le cadre de la reconstruction du Rwanda post-génocide.

Lors de notre enquête, nous avons constaté qu'il reste beaucoup à faire pour rendre plus efficaces l'intervention de l'UE auprès de la CNUR. Par exemple, le manque d'un programme spécifique dans les activités prévues, l' absence de suivi et d'évaluation des activités par l'UE, l'abandon des activités déjà en cours, etc., sont des remarques que nous pouvons faire à la CNUR et à l'UE. Nos observations et suggestions sont résumées dans ce qui suit.

Pour rappel, dans le cadre de la reconstruction du Rwanda post-génocide, les activités de l'UE se sont d'abord concentrées dans des actions de rapatriement des refugiés de 1994, d'aide à leur réhabilitation, dans la réinsertion et démobilisation des ex-FAR, etc. L'aide de l'UE au Rwanda a été souvent conditionnée par la conduite du gouvernement. Pour chaque intervention il y avait des conditions que le gouvernement rwandais était censé d'abord remplir, telles que le rétablissement de la sécurité sur tout le territoire du pays et même la sécurité des pays limitrophes67.

Le rétablissement de la sécurité dans un pays comme le Rwanda qui a connu le génocide, n'était qu'une étape vers le règlement définitif et durable des conflits. Par ailleurs, tout conflit armé s'accompagne de dégâts, de destructions, voire de ruines, bref, de plaies qu'il est difficile de panser.

67 Voir le rapport des experts l'ONU S/2008/773, et la resolution 1533 (2004) du Conseil de securite de l'ONU rendu public le 12 decembre 2008. (Certains pays membres de l'UE ont pris des sanctions contre le Rwanda. Confer : La suspension en decembre 2008, par les Pays-Bas et la Suede de leur aide financiere destine au gouvernement rwandais).

Le génocide qui a duré 100 jours et la prolongation de la guerre pendant presque 10 ans, ont entraîné des ravages qui ont retardé le développement harmonieux et durable du pays et font qu'il a eu du mal à prendre son envol économique. Après le génocide des Tutsi au Rwanda, il fallait un plan bien structuré pour venir en aide au pays. Le fait que l'UE a focalisé son aide sur la question des refugiés à l'Est de l'ex-Zaïre et donné peu d'importance aux émergences du nouveau gouvernement et à l'assistance dont les victimes du génocide à l'intérieur du pays avaient besoin. Ceci n'a pas facilité le dialogue sur la coopération entre le Rwanda et l'UE68.

Un exemple historique nous permet de penser qu'un programme ou des plans bien conçus et bien gérés auraient pu amener à la reconstruction du Rwanda dévasté par la guerre et le génocide. Il s'agit du célèbre « Plan Marshall » auquel beaucoup de gens continuent de faire référence, mais semblent réticents quant à sa reproduction sous d'autres cieux.

La reconstruction de l'Europe, après la deuxième guerre mondiale, est l'exemple d'une bonne gestion des conflits, d'une stratégie de relance économique et de réconciliation inter-états.

Pour le Rwanda, jusqu'à présent, rien n'a été conçu comme plan de reconstruction du pays. La communauté internationale, l'UE inclus, aurait pu s'y investir un peu plus.

Une tentative de soutien à la reconstruction du Rwanda a été sujet de discussion au sénat en Belgique avec comme objectif, un plaidoyer auprès de la Communauté Internationale.69

« Le Rwanda avait besoin d'un soutien et d'un programme comme celui du ` Plan Marshal' pour pouvoir mieux faire face aux conséquences du génocide.

68 Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie : Récits des marais rwandais, Paris, Seuil, 2000, pp.221 @1Senat de Belgique, Annales, discussion des amendements sur la proposition de resolution sur le genocide de 1994 au Rwanda et sur l'assassinat des citoyens belges, jeudi 1er avril 2004.
http://www.senate.be/www/?MIval=/index_senate&MENUID=12000&LANG=fr.

Le cas de la reconstruction de la Thaïlande, l'Indonésie,... après le tsunami de décembre 2004, et la récente mobilisation pour venir en aide aux catastrophes de Haïti laissent chez certains Rwandais d'affirmer que l'Occident avait abandonné le Rwanda pendant et après le génocide. Même si les cas cités sont différents du phénomène qu'a subi le Rwanda, tous ont mis en cause des vies humaines. ». Ce texte est le propos de l'un des responsables des associations qui travaillent avec le projet CNUR-UE lors de notre interview sur leur perception des activités de l'UE dans la reconstruction du Rwanda post génocide.

Si le tsunami, la situation au Moyen Orient, la catastrophe naturelle d'Haïti, ... font l'objet d'un intérêt marqué de la part de la communauté internationale, d'autres désastres notamment en Afrique, sont vraiment laissés pour compte. C'est le cas du Rwanda, du Liberia, de la Sierra-Léone, du Burundi et actuellement du Soudan, de la RDC, etc. Tout montre que si rien n'est fait pour aider ces Etats à se reconstruire, ils retomberont toujours dans le chaos.

Malgré l'intervention tardive de l'UE au Rwanda, ses activités dans le domaine de la reconstruction du pays sont remarquables. Le soutien reste tout de même minime par rapport aux besoins du pays.

Par exemple, dans le cadre de l'assistance aux personnes vulnérables, nous avons constaté que, parmi les secteurs d'intervention de l'UE et même parmi les activités du projet CNUR-UE, peu d'activités sont destinées aux rescapés du génocide. Les associations comme AVEGA (Association des Veuves rescapées du génocide), l'AOCM (Association des Orphelins Chefs de Ménage), IBUKA70

, etc., ne figurent pas parmi les associations qui bénéficient du soutien de l'UE (Voir la figure N°3).

70 Ibuka qui signifie en kinyarwanda o souvenir », ou o souviens-toi ». C'est une association sans but lucratif fondee en aoilt 1994, regroupant les survivants du genocide perpetre contre les Tutsi au Rwanda en 1994. Plusieurs autres petites associations comme AVEGA, AOCM,... font partie du collectif des rescapes du genocide dont Ibuka assure la plaidoirie.

Pour accompagner le processus de reconstruction et d'approfondissement de l'Etat de droit, il est nécessaire d'associer les diverses composantes de la nation au travers de leurs représentants.

La reconstruction demande l'intervention de tout un chacun sans exclusion : les protagonistes, les victimes et les bailleurs de fonds. Tous doivent s'unir pour que l'action de la réconciliation soit la pierre angulaire de la reconstruction du Rwanda.

Comme signalé dans les pages précédentes, l'UE contribue financièrement au budget annuel de la CNUR. (Voir tableau N°3). Les a ctivités menées par la CNUR sont vraiment remarquables aux yeux de tout Rwandais ou étranger qui suit de près ou de loin le processus de réconciliation au Rwanda. Le soutien aux associations oeuvrant dans le domaine de la réconciliation, l'appui au dialogue inter-rwandais, les formations, la facilité accordée à la CNUR pour bien mener ses activités quotidiennes, ... tous sont des éléments palpables qui montrent bien le rôle de l'UE pour accompagner le processus de réconciliation au Rwanda.

Signalons ici qu'en dehors du soutien de l'UE, certains pays membres de l'UE, ont un accord particulier avec le gouvernement rwandais. C'est le cas de l'Allemagne (via la GTZ), de la Belgique (via la CTB) ou encore la Grande Bretagne.

Toujours dans le cadre de la reconstruction du Rwanda, aujourd'hui l'UE contribue beaucoup à relance de la Communauté Economique des Pays des Grands lacs (CEPGL).

Normalement, les organisations sous-régionales, et, dans une moindre mesure, régionales, sont des cadres dans lesquels les conflits latents avortent grâce aux mécanismes créés pour maintenir un climat de paix entre les divers Etats qui les composent. C'est ainsi que l'UE continue à encourager l'établissement de traités d'amitié et de bon voisinage entre les pays membres de la CEPGL. La création

ou la promotion d'organismes sous-régionaux contribuent au maintien de la paix par l'entretien et la consolidation d'un climat de réconciliation internationale.

Tout au long de notre travail, nous avons souligné que la place de l'UE dans le processus de reconstruction du Rwanda était centrale.

En effet, quelle que soit l'ampleur de l'assistance, l'UE peut être considérée comme un acteur majeur dans le processus de réconciliation au Rwanda. Le soutien de l'UE se manifeste vis-à-vis de la CNUR, des juridictions Gacaca, du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), de la CNDH, du secteur de la justice d'une manière générale. Ceci confirme notre hypothèse qui considère l'UE comme un réel acteur dans le processus de réconciliation au Rwanda. L'action de l'UE est donc à encourager.

L'Etat rwandais, pour sa part, est appelé à encourager le développement de la diplomatie avec l'UE, de la coopération bilatérale d'assistance technique et de la coopération multilatérale sous l'égide de l'UE.

A l'exemple de certains pays membres de l'UE, le gouvernement rwandais peut également faciliter la liberté d'expression car, grâce aux médias, les citoyens peuvent s'informer, exprimer leur idées et contribuer ainsi au processus d'unité et réconciliation. Il est bon et dans l'intérêt de tous, d'encourager l'esprit de débat sur le passé du pays, de permettre aux citoyens de discuter sur l'origine des conflits dont ils sont tous victimes. Ceci permettrait en outre d'éviter que certaines personnes soient considérées comme des idéologistes génocidaires ou qualifiées de négationnistes et/ou d'opposants politiques.

Le fait qu'au Rwanda chacun a souffert à sa façon des divisions ethniques, politiques et du génocide, le dialogue peut servir comme moyen de soigner les plaies encore ouvertes.

discussions, il faut voir qu'il existe une souffrance mal ou non exprimée, des blessures encore cachées. Les débats peuvent contribuer à chercher les solutions ensemble. « Je ne sais pas à quel point ton problème te blesse. Quelqu'un qui a perdu son bras et se croit le plus malheureux du monde. Et l'autre un doigt, sont-ils le même? ca dépend,.... C'est la personne elle-même qui sait combien elle souffre71 ».

Pour assister chacun dans sa souffrance, la meilleur technique à utiliser est d'écouter, respecter, compatir avec la victime, ne pas peser sa souffrance, éviter d'accorder plus ou moins de valeur aux doléances. Ce sont les petites choses qui ne sont pas discutées, partagées, exprimées, etc., qui grandissent, gonflent et explosent.

La CNUR fait de son mieux pour remplir ses missions. Mais nous avons constaté qu'elle était toujours confrontée à un certain nombre de contraintes que l'UE et les autres donateurs pourraient l'aider à surmonter:

- Avoir un programme bien structuré d'évaluation et de suivi des activités de la CNUR pour aider à rétablir la confiance et reconstituer le tissu social afin d'éviter toute détérioration de la situation politique ou sociale,

- Aider le processus démocratique au Rwanda, car une confusion existe toujours entre la démocratie et les appartenances ethniques, religieuses, régionales, provenances,... Le fait de considérer son opposant comme un ennemi et chercher à le faire taire par divers moyens non démocratiques handicape aussi la réconciliation,

- Faire un effort pour sensibiliser tous le rwandais sur la valeur de la nation et du patriotisme. Le fait que certains opposants pensent que celui qui appartient à la minorité ethnique ne doit pas diriger le pays, menace la réconciliation et c'est la source de division, d'idéologie génocidaire et des

71 Temoignage d'un membre de l'une des associations d'unite et de reconciliation que nous avons rencontre lors de notre enquete de fevrier 2010. NB : pour une raison de securite et aussi a cause de la peur, certaines personnes ne desirent pas qu'on les identifie. C'est pourquoi le nom de notre interlocuteur n'est pas cite.

conflits. L'appartenance ethnique ne doit pas être un passeport pour accéder au pouvoir ou opprimer son voisin,

- Soutenir le programme de l'Etat pour lutter contre la pauvreté et appuyer toutes les activités d'auto suffisance alimentaire,

- Appuyer les programmes de relance de la CEPGL qui peuvent contribuer au rétablissement de la sécurité dans la région,

- Etc....

En ce qui concerne les activités de l'UE au sein de la CNUR, certaines critiques peuvent être portées. L'UE finance certaines activités de la CNUR, mais malheureusement, il n'est pas toujours évident d'identifier les réalisations de l'UE en termes de réconciliation suite à diverses lacunes.

Il y a une certaine négligence dans la surveillance du bon fonctionnement des activités financées par l'UE,

Il n'y a pas de garantie que la population rwandaise profite réellement des effets positifs de l'aide de l'UE au développement suite à l'absence de suivi et d'évaluation des actions sur le terrain,

Il n'y a pas non plus de programme spécifique, bien élaboré et durable destiné au processus de réconciliation au sein de l'UE. Les activités de la CNUR sont entremêlées avec celles prévues dans le secteur de la justice en général.

Nous pouvons dire que le rôle de l'UE dans le processus de reconstruction nécessite un appui plus grand qu'il n'apparaît pour faire face aux problèmes relatés ici dessus. Il convient de rappeler que le développement est à la base de la paix et de la sécurité.

La CNUR et l'UE, à travers leur cadre de coopération, ont donc un rôle important à jouer pour veiller à ce que les engagements pris dans le but de réconcilier la communauté rwandaise soient respectés et que les moyens budgétaires adéquats prévus soient toujours disponibles et alloués à temps.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry