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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

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par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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1ère PARTIE

LE CHOC DE LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE ET LE
DISCOURS IDEALISTE DE TRUMAN

1) Les enjeux géopolitiques que représentait l'Iran pour l'intérêt national « réel » des États-Unis

Le contexte de la Guerre froide donnait une nouvelle dimension à l`importance de la position géostratégique de l`Iran pour les intérêts américains. D`un point de vue pragmatique, quels étaient les intérêts que devaient défendre les États-Unis ? Washington devait impérativement garder l`Iran sous son influence aprés le choc provoqué par la seconde guerre mondiale. L`une des premieres crises provoquées par ce choc fut la crise d`Azerbaïdjan15 qui débuta en 1946 aprés que l`URSS de Staline refuse d`évacuer ses troupes du nord de l`Iran. Quelle était cette crise ? Et comment la rhétorique présidentielle américaine a-t-elle présenté cette crise ?

Kristen Blake explique dans son livre the US-Soviet confrontation in Iran 1945-1962 qu`il existe plusieurs écoles de pensée concernant le début de la Guerre froide et la confrontation entre les États-Unis et l`Union Soviétique en Iran. La premiere argumente que les confrontations entre les deux superpuissances eurent lieu à cause des ambitions soviétiques d`étendre leurs intérêts dans la région. La deuxieme argumente que ce sont les tentatives américaines de promouvoir leurs intérêts stratégiques dans la région qui déclenchèrent la crise. Enfin, d`autres estiment que les confrontations résultérent des rivalités entre les États-Unis, l`Union Soviétique et la Grande-Bretagne.16 Nous soutenons dans cette recherche qu`il existait une confrontation d`intérêts stratégiques entre ces trois puissances. Confrontation d`intérêts car la Grande-Bretagne bénéficiait de la majeure partie des recettes de l`industrie pétroliére situé en Iran.17 Celle-ci était toujours rivale de la Russie dans le Grand Jeu (Great Game).18 Et, il s`agissait par ailleurs d`une lutte

15 Il s`agit de la province iranienne nommée Azerbaïdjan et non de l`Etat Azerbaïdjan. Voir Édouard Nissanian, du Berceau de la Perse Antique à la République Islamique D'Iran, (Connaissances et Savoir, Paris, 2006) p.78. Dans son Long Télégramme, le diplomate et chef de mission à Moscou George F. Kennan cite en premier plan la crise en Iran. (Le Long Télégramme, écrit entre 1944 et 1946, et envoyé au secrétaire d`Etat James Byrnes le 22 février 1946, est un document secret (puis publié dans Foreign Affais en 1947) considéré comme étant à l`origine de la dissension entre les États-Unis et l`Union Soviétique). Long Télégramme de George Kennan, 22 février 1946, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/coldwar/documents/episode-1/kennan.htm (6 juin 2011)

16 Kristen Blake, the US-Soviet Confrontation in Iran 1945-1962: a Case in the Annals of the Cold War (University Press of America, Lanham, 2009) p.2

17 Ali M. Ansari, op. cit., p.28.

18 Elena Andreeva revient sur le Grand Jeu en Iran et explique notamment le rôle de l`Orientalisme russe en comparaison à l`Orientalisme Occidental. Elena Andreeva, Russia and Iran in the Great Game : Travelogues and Orientalism (Routleg, New York, 2007) p.8-9

d`intérêts qui opposait la politique économique américaine de marché de libre échange d`une part, à la tentative de mise en place du système communiste prônée par l`URSS de l`autre.19

Amin Saikal20 explique qu`il était convenu, lors de la conférence des ministres des affaires étrangères alliés de septembre 1945, que l`Union Soviétique, la Grande-Bretagne et les États-Unis retirent leurs troupes des provinces iraniennes occupées. Toutefois, Moscou, soucieux de la pénétration de la sphere d`influence américaine, exigea une concession de pétrole en échange de son retrait. Cette concession fut refusée par le Majlis21 -- notamment grâce aux efforts du porte-parole nationaliste émergent, le Dr Mohammad Mossadegh -- et les troupes soviétiques restèrent sur le sol iranien. Le Conseil de Sécurité des Nations Unis conseillait un règlement du conflit de manière bilatérale entre Moscou et Téhéran mais Londres et Washington, qui avaient retiré leurs troupes le 1er janvier 1946, envoyèrent chacun une lettre au Kremlin exigeant le retrait soviétique.22 Le nouveau premier ministre iranien Ahmad Ghavam parvint à trouver des accords bilatéraux avec Moscou qui, de son coté, annonça le retrait de ses troupes le 24 mars 1946. En contrepartie, ces accords prévoyaient, d`une part, la gestion de la province d`Azerbaïdjan sous la direction du parti Tudeh et, d`autre part, la mise en place d`une société en commandité par actions irano-soviétique (cette mise en place devait faire l`objet d`un vote au Majlis).23 Ces accords furent très impopulaires et cette crise renforça à la fois l`autorité du Shah Mohammad Reza Pahlavi et celle des américains en Iran. En effet, les Etats-Unis devenaient la principale puissance occidentale ayant position dans les affaires iraniennes, et ce, au dépend de la Grande-Bretagne qui, de son côté, connaissait des grandes difficultés économiques.24

19 Le système de libre échange défendu par les États-Unis s`oppose radicalement au système communiste mais le libéralisme américain a toujours connu plusieurs tendances qui séparent le Parti démocrate et le Parti républicain.

20 Amin Saikal est le directeur du centre d`études arabes et islamiques (Moyen-Orient et Asie centrale) et professeur de Sciences politiques à l`Australian National University.

21 Le Majlis est le nom attribué au parlement iranien.

22 Le rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Azerbaïdjan du 4 juin 1947 estimait le nombre de troupes soviétiques présent sur le territoire iranien à 60 000. Central Intelligence Group, Developments in the Azerbaijan Situation - National Security Archives http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB21/01- 03.htm (6 juin 2011)

23 Peter Avery, Gavin Hambly and Charles Melville, the Cambridge History of Iran, Volume 7, from Nader Shah to the Islamic Republic (Cambridge University Press, New York, 1991 ) p.438-9

A noter que les Soviétiques étaient actionnaires principales puisqu`ils avaient réussi à négocier 51% des actions de la société pour une période de 25 ans. Gholam Reza Afkhami, the Life and Times of the Shah, (Berkeley, University of California Press, 2009) p.98

24 Peter Avery, Gavin Hambly and Charles Melville, op. cit., p.439.

Amin Saikal explique dans ce livre : This [crisis] provided a necessary basis for Washington to widen its involvement in Iran and to transform the country into an anti-communist Western ally, dependent on the United States.?

Les États-Unis bénéficiaient d`une position qui leur était favorable en Iran, notamment grâce à la mauvaise impression que la crise avait laissé car elle renforçait le sentiment d`une Union Soviétique désireuse de faire de l`Iran un satellite socialiste. 25 Par conséquent, Washington devait exploiter ce sentiment antisoviétique afin de préserver ses intérêts. Ces derniers sont exprimés dans un rapport du Conseil National de Sécurité sur la situation en Iran. Ce rapport donne les détails des enjeux que représentait la position stratégique de l`Iran pour les intérêts américains mais il donne surtout un aperçu des intentions soviétiques vis-à-vis de son voisin du sud26. Il explique que la province d`Azerbaïdjan contenait un cinquième de la population iranienne et représentait environ un quart de la production en blé du pays. L`Union Soviétique voyait donc des intérêts dans les ressources naturelles iraniennes. L`autre source majeure était le pétrole situé au nord du pays -- en Azerbaïdjan mais également en Turquie et en Irak (dans les provinces kurdes des trois pays). Ces pays frontaliers de la province d`Azerbaïdjan étaient donc exposés à l`influence soviétique. Ce rapport du Central Intelligence Group (la CIG -- précurseur de la CIA), fait part de la dimension régionale de la situation. En effet, il évoque les risques d`intrusions soviétiques en Irak (avec les champs pétrolifères de Mossoul et de Kirkuk) puis par le sud de la Turquie, provoquant ainsi un risque d`effet domino avec la création de nouvelles « républiques démocratiques " (comme la République Populaire du Kurdistan). Ces riches champs pétrolifères soviétiques du Caucase auraient été menacés par la mise en place d`un gouvernement hostile en Azerbaïdjan.27

Par ailleurs, il est écrit dans ce rapport que le contrôle de l`Azerbaïdjan par une puissance étrangère laisserait la possibilité à celle-ci de dominer l`Iran grace à la configuration montagneuse qui facilitait une conquête. Le positionnement géographique de l`Azerbaïdjan était idéal pour une pénétration et des opérations militaires de la part de l`URSS qui avait la possibilité d`envoyer les troupes indépendantistes kurdes et azerbaidjanaises. Ces troupes avaient afflué dans les territoires soviétiques adjacents après l`intervention du pouvoir central iranien et représentaient « une menace " pour Téhéran.28

Enfin, les services de renseignements américains estimaient que la perte de l`Azerbaïdjan menacerait l`indépendance iranienne. Pour déstabiliser la région, le rapport

25 Ibid.

26 Selon la perspective présentée par le Conseil National de Sécurité américain. Central Intelligence Group, Developments in the Azerbaijan Situation - National Security Archives. Op. cit.

27 Ibid.

28 Ibid.

explique que les Soviétiques fournissaient les mouvements séparatistes et d`oppositions -- du Kurdistan, d`Azerbaïdjan et du parti Tudeh -- en armes. Par conséquent, la défense des intérêts de Washington passait par le soutien du régime central iranien.29

Les renseignements américains estimaient que l`Union Soviétique était capable de réoccuper l`Azerbaïdjan si elle le désirait. Ils ajoutaient que la faiblesse de l`armée iranienne ne permettait pas à l`Iran de protéger son indépendance car elle n`avait pas les moyens d`organiser la défense de ses provinces contre une éventuelle attaque soviétique. Les chances soviétiques d`actions militaires unilatérales étaient diminuées, d`une part, à cause de la mauvaise image due au retard dans le retrait des troupes soviétiques dans le nord ouest de l`Iran et, d`autre part, à cause de la politique étrangère américaine qui se durcissait. Ces actions auraient semé le désordre au sein des Nations Unis et c`est pour cela que les activités soviétiques se restreignaient à des pressions économiques et des subversions politiques. Le risque pour les États-Unis était que le Majlis accepte des concessions pétrolières à l`URSS car un consensus entre Moscou et Téhéran sur l`Azerbaïdjan aurait créé une ouverture à l`exploration et au développement de techniciens soviétique sur le sol iranien. Ces développements auraient -- toujours selon le rapport -- augmenté les efforts soviétiques d`attiser des conflits internes dans le but d`imposer leur hégémonie en Iran (le rapport du Conseil National de Sécurité ajoute en dernière page que l`URSS pouvait avoir la possibilité d`intervenir unilatéralement prétextant que le fait accompli mettait en jeu sa sécurité). Mais le Central Intelligence Group restait optimiste et estimait que le Majlis avait peu de chance d`accepter les concessions à l`URSS. 30

Le champ lexical utilisé par la CIG est d`un autre registre que celui utilisé lors des discours dédié au public. En effet, contrairement au discours idéaliste du président Truman, le rapport du Conseil National de Sécurité mentionne de manière très réaliste les risques de la perte de l`Iran (l`intérêt national « réel »). Ceci est illustré avec l`apparition de termes qui ne figurent pas dans les discours de Truman : « pétrole », « ressources pétrolières » ou « position stratégique ». En revanche, les termes « peuples libres », « nations libres », « paix » ou encore « principes démocratiques » n`apparaissent plus pour ce qui est de décrire les États-Unis ou les valeurs de leurs actions. Par ailleurs, les termes « URSS » et « Union Soviétique » remplacent « des Communistes », « régimes totalitaires » et « activités terroristes » pour qualifier le rival des États-Unis. Le discours présentait donc des différences qui montrent que Washington ne voulait pas dévoiler

29 Ibid.

30 Ibid.

publiquement l`intérêt national « réel ». Cela ne signifie pas pour autant que Truman adoptait une politique différente de celle que son discours présentait mais cela démontre que le discours idéaliste est un outil nécessaire á la défense des intérests des États-Unis.

Le document met l`accent sur l`intérêt national « réel » américain et c`est pour cela que le président se devait de les défendre. Sa stratégie d`expansion du capitalisme était de préserver la souveraineté de l`Iran afin d`éviter que cette nation ne tombe sous influence soviétique. C`est par le biais de la Doctrine Truman que cette défense allait être exprimée au public. La stratégie de la Maison Blanche était possible uniquement avec le consentement du Congrès. Par conséquent, le discours idéaliste du président démocrate était indispensable pour aider á sortir les États-Unis de leur politique noninterventionniste.31

Le rapport de sécurité nationale américain estimait les chances que le Majlis accepte les concessions de pétrole à l`URSS comme étant faibles.32 Les États-Unis devaient donc prendre avantage de cette situation pour faire de l`Iran un état tampon contre le communisme en favorisant un régime fondé sur un système économique de libre échange. De son côté, le premier ministre iranien Ahmad Qavam avait demandé une aide financière ainsi que des conseillers américain -- au plus fort de la crise d`Azerbaïdjan -- pour « rétablir l`Iran comme une nation ».33 Le président Truman engageait les États-Unis á renforcer la solidité du régime central iranien et ce soutien américain dans cette nation représentait l`un des piliers de la politique globale de la doctrine Truman. Cette doctrine fut prononcée lors de son célèbre discours du 12 mars 1947 au Capitole, soit quelques mois seulement apres la crise d`Azerbaïdjan.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore