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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

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par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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3) Discours idéaliste et soutien apporté à l9l ID( I NIMI1l95 P DUTXR1e111( (1(- interventionnisme

a) Processus discursif de simplification

Pour Washington, les enjeux stratégiques étaient globaux et c`est pour cela que Truman exprimait rarement la situation en Iran dans ses discours et conférences de presse (la question iranienne était tres peu de fois mentionnée et lorsqu`un journaliste demandait au président des détails sur la situation en Iran, Truman répliquait -- comme il avait l`habitude de le faire -- de manière très brève)69. La situation en Iran faisait partie d`un problème régional et même mondial pour les raisons mentionnées précédemment. Par conséquent, face à la complexité de la situation et face à la multitude de théatres qu`offrait ce début de Guerre froide, Truman avait recours à un processus discursif de simplification. En ne donnant pas de détails, il évite de mentionner trop d`événements qui auraient compliqué la compréhension de la nouvelle situation d`apres guerre aupres des masses. Truman disait à ce sujet :

People don`t listen to a speaker just to admire his techniques or his manners; they go to learn. They want the meat of the speech--a direct statement of the facts and proof that the facts are corrects--not oratorical trimmings. Of course, the political speaker must remember that the education of the average man is limited. Therefore, he must make his message as simple and clear as possible.70

Truman explique donc que le message doit être clair car l`auditeur n`est pas forcément informé des affaires étrangeres et, en ce qui concerne cette étude, l`auditeur est encore moins informé de la politique étrangère de son pays à propos de la situation en Iran.

69 Les conférences de presse pendant la présidence de Truman n`était pas comme celles d`aujourd`hui où l`on voit les présidents répondre de manière élaborée aux questions des journalistes. Truman se contentait de réponses brèves et renvoyait souvent à ses secrétaires (d`Etat, à la Défense, etc.).

70 Halford R. Ryan, op. cit., p.12. L`auteur cite White et Hinderlider, What Harry Truman Told Us About His Speaking, pp.39-41

Ryan compare Truman à son prédécesseur et il explique que Roosevelt était un bien meilleur orateur que son successeur. Il est donc possible que Truman défende ses faibles qualités d`orateur en argumentant qu`il est davantage favorable d`aller droit au but.

Comme beaucoup de chercheurs argumentent, le président américain n`était pas un grand orateur71 et il est fort possible qu`il ait voulu se défendre en disant cela. Par contre, le fait d`aller à l`essentiel faisait partie d`une stratégie discursive : le « processus de simplification ".

Selon Charaudeau, il existe deux procédés de simplification : « la singularisation » et « l`essentialisation ». La « singularisation " consiste à éviter de multiplier les idées -- leur « multiplication pouvant prêter à confusion pour des esprits non habitués à la spéculation intellectuelle ".72

Dans un premier temps, la crise d`Azerbaïdjan n`était pas le seul conflit qui éclata à la fin de la seconde guerre mondiale, et, bien que certains considèrent cette crise comme la première de la Guerre froide 73 , d`autres rapports des services de renseignements américains avaient été écrits dans cette même période pour des crises qui eurent lieu dans d`autres endroits du globe comme en Turquie et en Grèce. Le président américain avait déjà présenté les cas de la Grèce et de la Turquie dans sa doctrine et il était certainement plus judicieux d`évoquer ce que Patrick Charaudeau appelle « des conditions de simplicité " c'est-à-dire, simplifier la complexité de la situation, simplifier le processus de construction des opinions ; tenter de réduire cette complexité à sa plus simple expression.74 Par conséquent, afin de ne pas compliquer l`énonciation, Truman n`évoquait pas l`Iran et les autres pays qui étaient dans cette même configuration de Guerre froide. Ainsi, il évitait d`apporter trop d`informations à son auditoire. Truman singularisait la Guerre froide à la Grèce et à la Turquie. Il évitait de multiplier le nombre de pays ayant des enjeux pour les intérêts américains afin de ne pas prêter à confusion. Le programme d`assistance prôné par la doctrine Truman devait s`appliquer à plusieurs nations mais sa stratégie discursive singularisait l`espace ontologique à ses deux pays afin d`obtenir un effet de persuasion.

Le deuxième procédé est celui de « l`essentialisation ». Selon l`auteur, il consiste à faire qu`une idée soit « toute entière contenue, ramassée et condensée en une notion qui existerait en soi, de façon naturelle, comme une essence, indépendamment d`autre chose que d`elle-même ; et pour ce faire, on la présente sous forme nominalisé ".75 C`est le cas

71 Ibid. p.109. Il est évident que Truman n`était pas un grand orateur. Un exemple est son discours d`inauguration (voir la partie analyse du discours d`inauguration du président Truman dans la 2ème partie du mémoire).

72 Ibid.

73 Comme George Kennan.

74 Patrick Charaudeau, op. cit., p.75.

75 Ibid.

du « monde libre » ou des « peuples libres ». Truman expliquait les mesures à prendre pour les intérêts des États-Unis seulement en Grèce et en Turquie. Ainsi, il essentialisait les autres pays qui étaient sous la menace communiste dans l`entité « monde libre ». Patrick Charaudeau explique que

Ce double procédé de singularisation et essentialisation donne lieu à l`existence de formules dont le succès et l`impact sont variables. Plus une formule est concise et en même temps chargée sémantiquement, globalisant ainsi une ou plusieurs idées en les essentialisant et en les rendant floues, plus elle aura de force d`attirance. C`est du moins une hypothèse psychosociologique qui dit qu`on serait d`autant plus attiré par une idée que celle-ci serait déterminée76. Ce type de formule est destiné à produire un effet d`évidence.77

La stratégie discursive du président Truman dans la présentation du conflit de la Guerre froide était de singulariser les nombreuses crises et tensions qui prirent place entre les États-Unis et l`URSS à la fin de la seconde guerre mondiale. Harry Truman n`a pas désigné un à un chaque pays dans lesquels les intérêts américains devaient être défendus car cela aurait perturbé la compréhension de l`auditoire. En revanche, en essentialisant un espace ontologique en le nominalisant, en le conceptualisant « peuples libres », « nations libres » ou encore « monde libre », Truman simplifiait l`imaginaire du récepteur du discours.78 Ces énoncés langagiers circulaient à l`intérieur d`un groupe social (l`auditoire de Truman : le peuple américain, ses représentants et ses alliés à travers le monde) et ils s`instituaient en normes de référence afin que chacun puisse former, ce que Patrick Charaudeau appelle, des « imaginaires sociodiscursifs ».79 L`Iran était l`un des nombreux théâtres de ce début de Guerre froide et, pour défendre les intérêts américains, Truman avait donc « singularisé » et « essentialisé » une entité qu`il nominalisa « monde libre » afin d`avoir plus de « force d`attirance ». En effet, cette « formule est à la fois concise et chargée sémantiquement », et elle avait pour effet de globaliser plusieurs théâtres de conflit, l`Iran inclut, entre les deux superpuissances vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Ces processus de simplification se sont mis en place grâce à une

76 L`auteur ajoute une hypothèse émise par Baudrillard dans De la séduction (1979) : « Plus une idée est précise et plus elle laisse celui qui la reçoit à l`extérieur de celle-ci ; plus elle est définie de façon floue, et plus elle laisse à celui qui la reçoit un champ ouvert pour qu`il puisse s`y projeter. »

77 Ibid. p.76

78 A noter que l`expression free democratic world? avait été utilisé par Winston Churchill dans son discours de Fulton une semaine avant Truman, le 5 mars 1946 (c`est dans ce discours que Churchill parla d`un « rideau de fer » pour la première fois).

79 Ibid. p.157

instrumentalisation des imaginaires sociodiscursifs à des fins de persuasion80 et cela permettait à l`administration Truman de défendre les intérêts américains en Turquie, en Grèce, en Iran et dans l`ensemble « des peuples libres » -- selon sa doctrine.

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