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La défense des intérêts américains en Iran par le discours idéaliste, de 1945 à  1954

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par Mickaël, Milad Jokar
Université Caen Basse Normandie - Master 2011
  

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b) La création d`entités doxologiques53

Comme l`explique le diplomate américain (et chef de mission à Moscou) George F. Kennan dans son Long Télégramme, l`Union Soviétique voyait déjà le système capitaliste comme un danger pour ses intérêts. Ce document montre que l`Iran était l`une des premières préoccupations de la Guerre froide. Kennan décrit les ambitions soviétiques ainsi :

Wherever it is considered timely and promising, efforts will be made to advance official limits of Soviet power. For the moment, these efforts are restricted to certain neighboring points conceived of here as being of immediate strategic necessity, such as Northern Iran, Turkey, possibly Bornholm. However, other points may at any time come into question, if and as concealed Soviet political power is extended to new areas. Thus a "friendly Persian Government might be asked to grant Russia a port on Persian Gulf.54

Pour défendre ses intérêts, Washington devait inclure l`Iran dans sa sphere d`influence car « les efforts » du Kremlin dans le Nord de l`Iran risquaient de s`étendre jusqu`au Golf Persique. En revanche, l`administration Truman utilisait un discours idéaliste qui mettait en avant deux entités de manière manichéenne afin d`influencer les Iraniens, le Shah et les dirigeants. Par ailleurs, la rhétorique américaine a servit de contre propagande au régime communiste.55 Il existe chez les deux superpuissances une volonté politique d`implanter un système économique en Iran et le discours idéaliste est un moyen d`arriver à cette fin. Comment la stratégie discursive de Truman a-t-elle mis en opposition les entités « ÉtatsUnis » et « Union Soviétique » afin de faire basculer l`Iran dans une économie de libre échange ? La fin de la Seconde Guerre mondiale positionne l`Iran entre « les machines de propagandes » des deux superpuissances. Pour implémenter cette contre propagande, l`effort diplomatique américain -- avec le président Truman et son secrétaire d`Etat George Marshall puis James Byrnes aux commandes -- devait mettre en place une stratégie discursive idéaliste mettant en valeurs l`entité libérale aux dépens de l`entité

53 Il faut noter que l`opposition entre l`idéologie capitaliste et communiste existait avant le discours de la doctrine Truman. Dans le Long Telegram, Kennan cite Stalin qui disait déjà en 1927 : In course of further development of international revolution there will emerge two centers of world significance: a socialist center, drawing to itself the countries which tend toward socialism, and a capitalist center, drawing to itself the countries that incline toward capitalism. Battle between these two centers for command of world economy will decide fate of capitalism and of communism in entire world.? Long Télégramme de George Kennan, 22 février 1946, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/coldwar/documents/episode-1/kennan.htm (6 juin 2011).

54 Ibid.

55 Dans son télégramme, George Kennan explique l`importance de l`influence de « la machine de propagande » soviétique dans le nord de l`Iran. Ibid.

communiste. Pour cela, le discours utilisé par la diplomatie américaine et un discours manichéen, qui créer deux entités bien distinctes.

Pour illustrer cela, la stratégie discursive de Truman peut être mise en relation avec l`analyse de Paul Chilton sur un discours d`adresse à la nation du président Bill Clinton. D`une part, cette analyse sera reliée avec les changements provoquées par le choc de la seconde guerre mondiale/début de la Guerre froide sur la rhétorique américaine et, d`autre part, elle permettra de comprendre les conséquences engendrées par cette stratégie sur la politique de Washington en Iran.

Dans son livre « Analysing Political Discourse: Theory and Practice ", le professeur Paul Chilton analyse minutieusement une stratégie discursive similaire à celle employée par Truman en ce qui concerne les « centres déictiques ». L`auteur explique qu`il est possible d`induire un amalgame -- au sens « communication " du terme -- du « we » (nous) grâce à un regroupement des déictiques « I » (je mais aussi mon/ma/mes) et « our " (notre/nos) afin d`inférer une attente basée sur un cadre de connaissance commun56 ; les pronoms « I » sont associés aux pronoms « we " dans le but de créer une proximité entre l`émetteur (Truman) et le récepteur (le peuple américain, le Congrès et les « peuples libres "). Paul Chilton explique à ce propos que « le centre déictique se construit tel une relation entre l`orateur et les auditeurs à l`intérieur d`une entité politique, et la proximité personnelle semble être une possible inférence. " 57

La rhétorique de Truman reprend ce « centre déictique construit sur la relation entre l`orateur et l`auditeur ". Le président démocrate exprime ses perceptions et les actions qu`il souhaite mener avec le consentement de son auditoire en créant une première entité

« I » en corrélation avec « we » et « our help » (cf. 2 - « I believe that we must assist free peoples / I believe that our help ... "). Ce rassemblement, cette unité et cette « proximité personnelle " facilitent le processus de justification de la politique du président et aide à l`approbation des idées et des valeurs mises en avant par ce dernier. Le déictique « on " joue un rôle de guide58 et créé une unité entre le programme de la branche exécutif américaine, le Congrès et le peuple américain. Dans une autre mesure, il vise à rassembler

56 Paul Chilton, Analysing Political Discourse: Theory and Practice (New York, Routledge, 2004) p.138 L`auteur analyse les citations suivantes : (1) My fellow Americans, today our armed forces joined NATO allies in air strikes against Serbian forces responsible for the brutality in Kosovo. (2) We have acted with resolve for several reasons.? L`auteur explique : Sentence (2) seems to induce a conflation of the I concept and our armed forces concept into a we concept.?

57 Ibid. p.139

58 Patrick Charaudeau, op. cit., p.61.

les gouvernements et peuples des pays européens et, ceux qui, comme l`Iran, sont à la frontière du bloc communiste.

Par ailleurs, s`il existe un processus discursif de regroupement autour de l`entité qui incarne « l`aide » et la « stabilité économique »59, il existe en contrepartie une entité -- créée par cette rhétorique -- qui représente le Communisme ; c'est-à-dire (selon la rhétorique illustrée) « le Mal, la pauvreté, le conflit et les activités terroristes » (cf.1 et 3).

La doctrine Truman a créé le fondement d`une doxologie60 qui a perduré pendant toute la période de la Guerre froide. En effet, son discours a construit un processus qui amène l`auditoire à conceptualiser ses propres « espaces ontologiques ». 61 L`entité « Communisme » (lié à l`Union Soviétique) est associée à des représentations négatives qui induisent la dangerosité et qui donnent naissance -- sur le long terme -- à un amalgame et un consensus établi chez l`auditeur du discours. La « signature déictique de l`espace »62 fait que l`Union Soviétique (ou le Communisme dans cet extrait) devient plus qu`un espace géographique ; il devient un concept. Ce concept est amalgamé au « totalitarisme, la misère et la pauvreté » (cf.2). D`autre part, l`entité « peuples libres » est associée aux États-Unis (ainsi que tous les déictiques corrélatifs aux États-Unis) qui deviennent également un concept -- symbole de leadership et de défense des libertés du « monde libre » (« the free people of the world look to us », « our leadership » (cf.3), « we must assist free people » (cf.1)). Le président américain insiste sur le fait que les ÉtatsUnis doivent mener cette mission, il prend « l`ethos de chef »63 et ce devoir n`est pas sans nous rappeler le Manifest Destiny exprimé par John O`Sullivan dans les années 1840 lorsque Truman répète « must » : « we must assist free people [...] we must keep that hope alive ».64

Ce leadership amené par le discours n`est pas quelque chose de nouveau dans la rhétorique américaine. Avec ses propres termes, Truman reprend l`idée que les États-Unis sont un guide, un phare qui éclaire les autres, « a beacon of light » qui se doit de guider les

59 Le terme aide économique se retrouve le plus fréquemment sous l`expression foreign assistance? ou foreign aid?.

60 Doxologie n`est pas à prendre au sens liturgique du terme mais plutôt au sens logique, c'est-à-dire comme une « manière de parler conforme à l`opinion commune ». Le Petit Larousse 2006 propose : « énoncé d`une opinion communément admise ».

61 Paul Chilton, op. cit., p.138.

62 Expression empruntée à Paul Chilton, p.138. Ibid.

63 Expression empruntée à Patrick Charaudeau.

64 Voir l`extrait du discours. John O`Sullivan écrivait à propos de la conquête de l`Oregon : and that claim is by right of our manifest destiny to overspread and to possess the whole of the continent which Providence has given us for the development of the great experiment of liberty and federated self-government entrusted to us.? Robert J. Miller, Native America, Discovered and Conquered: Thomas Jefferson, Lewis & Clark, and Manifest Destiny (Westport, Praeger Publisher, 2006) p.119

autres nations. Il reprend la rhétorique des Pères Fondateurs du XVIIème siècle, comme John Winthrop, qui se représentaient comme étant « une ville sur la colline » (« a city upon a hill »). L`expression « les peuples libres nous regardent » calque cet idéalisme des premiers colons puritains qui disaient « les yeux du monde sont posés sur nous » (« the eyes of the world [are] upon us»)65. La doctrine Truman reprend donc ces représentations traditionnelles du discours idéaliste américain, sauf qu`elle peut désormais présenter ces valeurs que les États-Unis défendent avec l`autorité d`une puissance hégémonique incontestée.

Toutefois, la nation américaine n`étant pas la seule puissance hégémonique, le président Truman créé une dichotomie qui oppose son pays et son rival afin de faciliter l`acceptation de son programme auprés du Congrés et du peuple américain. De plus, Truman parlait pour les peuples du monde. Comme l`explique le professeur Halford R. Ryan dans son livre « Harry S Truman's Presidential Rhetoric », « Truman parlait non seulement comme la vox populi mais aussi pour la vox populi libri mundi (la voix des peuples du monde libre).66 Cette stratégie discursive s`est avérée efficace non seulement puisqu`une grande majorité du Congrés a approuvé ce programme67, mais également parce que Truman -- par le biais du discours idéaliste -- a construit des « structures cognitives » 68 qui seront de circonstance durant toute la période de la Guerre froide.

Ce discours idéaliste présente donc la praxis géostratégique visant l`endiguement du bloc communiste et, parmi les pays frontaliers de l`Union Soviétique de Staline se situe l`Iran qui connaissait déjà une crise internationale dans ses provinces du nord (Azerbaïdjan, Kurdistan, Mazandaran, etc.). La doctrine Truman s`appliquant également à l`Iran, la stratégie d`expansion du capitalisme (et d`endiguement du communisme) du président démocrate comprenait un soutien économique et financier en Iran afin de stabiliser ce pays et ainsi lui permettre de mieux résister à une éventuelle intervention soviétique. Une intervention américaine à l`étranger nécessitait l`accord du Congrès.

65 For we must consider that we shall be as a city upon a hill, the eyes of all people are upon us; so that if we shall deal falsely with our God in this work we have undertaken, and so cause Him to withdraw His present help from us we shall shame the faces of many of God's worthy servants and cause their prayers to be turned into curses [...]? - John Winthrop, aboard the Arbella, 1630. Collections of the Massachusetts Historical Society (Boston, 1838), 3rd series, 47. Extrait cité à partir de l`article d`Andrew Ives, « L`importance du discours idéaliste pour défendre la politique étrangere américaine : vers une nouvelle forme d`impérialisme », Perspectives Transatlantiques sur les Empires, LISA e-journal Vol. V, n°3, 2007.

66 Halford R. Ryan, Harry S. Truman's Presidential Rhetoric (Greenwood Press, Westport, 1993) p.114 L`auteur est professeur en communication publique à Washington et Lee University.

67 John A. Garratz et Mark C. Carnes, op. cit., p.860. Les auteurs expliquent: Truman and his national security officials worked effectively with internationally minded Republicans, persuaded the broad center of the political spectrum, and got congressional approval by large majorities.?

68 Expression empruntée à Paul Chilton, op. cit., p.140.

Comment Truman a-t-il utilisé le discours idéaliste pour sortir l`Amérique de son traditionnel isolationnisme ?

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote