Section 2 : Le principal élément des
reliques : le crâne, objet du pouvoir
Dans la section précédente, nous nous sommes
attelés à une présentation de l'utilisation des reliques
des défunts rois ou chefs des clans ; mais sans pour autant faire
ressortir une des pièces maîtresses du culte des ancêtres :
le crâne. N'oublions pas qu'il ne s'agit pas de n'importe quel
crâne humain, mais de celui d'un grand chef, d'un roi ou pourquoi pas
celui de futures mères-fondatrices de clan.
En effet, le principal élément des reliques dans
le culte des ancêtres soit le crâne ; en tant qu'objet du pouvoir.
On notera en rappel que le Byéri, exemple retenu pour notre
étude, est la forme la plus caractéristique du culte des
ancêtres ; particulièrement développé dans les
tribus Fang. « Le prêtre en était l'ancêtre vivant, le
père, ésa, avec une hiérarchie de fait
correspondant aux différents niveaux de la structure sociale et
clanique, hiérarchie à caractère plus religieux que
politique, l'autorité qui en découlait étant
constitué par les crânes des ancêtres masculins,
gardés par le père, l'aîné, dans le panier à
crânes, évora biéri (éwolé
biéti), sorte d'arche que le groupe familial transportait avec lui
au cours des migrations. L'évora biéri était une
boîte cylindrique en écorce de ficus, ornée de perles et
d'emblèmes claniques (mindem), dont le couvercle portait la statue du
premier ancêtre ».164
Le crâne est un objet de pouvoir, une pièce
maîtresse du culte des ancêtres en ce sens que « quand un
nouveau village était créé par un cadet, le crâne du
fondateur était le premier à prendre place dans l'arche, le
village d'où il était parti conservant ceux des
précédents ancêtres de la lignée. On conçoit
dès lors que le gardien des crânes de la lignée ait eu une
certaine autorité, déléguée par les ancêtres
de rang supérieur ».165
Plus important encore c'est le fait que « les
crânes étaient, en effet le siège ou le réceptacle
de la capacité d'action de l'individu (rappelons :
164 Pierre ALEXANDRE et Jacques BINET, Le groupe pahouin
(Fang-Boulou-Béti), Paris, l'Harmattan, 2005, p.110.
165 Ibid., p.110.
bo=faire, boo= cerveau), et leur utilisation magique
n'était pas restreinte aux seuls crânes d'ancêtres : on
conservait également les crânes d'ennemis tués à la
guerre ou sacrifiés dans les cérémonies anthropophagiques
qui la précédaient ou la suivaient, ou bien des crânes
volés à des voisins, de même qu'on utilisait pour les rites
de chasses des crânes d'animaux de l'espèce qu'on désirait
chasser. Il semble, toutefois, qu'une distinction ait été faite
entre les crânes familiaux et crânes étrangers, les premiers
seuls ayant place dans l'éwolé biéti et prenant part aux
rites familiaux. On augmentait la force des crânes en les aspergeant du
sang des sacrifices ».166
En résumé, le crâne ;
élément principal des reliques et objet du pouvoir, permet
à celui qui a la charge de garder les reliques, d'acquérir
l'autorité et de l'asseoir pour veiller sur le clan et demander richesse
et protection des ancêtres pour ses membres ; le crâne du fondateur
devait aussi permettre à son détenteur d'avoir un prestige. On
convient donc que « le prestige des vivants s'exerçait par
l'autorité des morts ».167 Cet exemple est
l'illustration ou encore à renforcer notre hypothèse selon
laquelle le pouvoir au Gabon est donc un pouvoir mortifère, qui se
nourrit de la mort.
166 Pierre ALEXANDRE et Jacques BINET, Le groupe pahouin
(Fang-Boulou-Béti), ibid., p.111.
167 Ibid., p.111.
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