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Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à  Libreville

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par Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2008
  

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Chapitre II : Les reliques comme symbole d'autorité et de pouvoir

Ce chapitre tente de montrer le traitement réservé aux reliques et surtout mettre en lumière le rôle qu'ils jouent dans la société gabonaise traditionnelle.

Section 1 : L'utilisation des reliques des défunts rois et chefs de clan

Les reliques des défunts rois ou celles des chefs de familles ou de clan demeurent fondamentales, indispensables dans le culte des ancêtres. Car ces reliques sont considérées par le clan, la famille comme des symboles d'autorité et de pouvoir. Le chef défunt ou le roi est un homme doté du charisme152 et qui détient ce pouvoir extraordinaire que lui reconnaît la communauté. De plus, « le chef de clan est aussi chef de village dans la mesure où sa résidence est la même que celle des membres de son clan ».153 Il est donc à la tête du clan et a pour mission « d'entretenir le culte des ancêtres au nom du clan [...] Le culte manique est donc la principale obligation et, à notre sens, l'une des raisons d'être du chef ».154

Et pour bien exercer son autorité, le chef actuel hérite de son prédécesseur lors de son intronisation des biens de fonction, destinés au culte des ancêtres qu'il a la charge d'organiser : « ce sont les crânes des ancêtres, alumbi, conservés dans un reliquaire cylindrique en écorce, facilement maniable ».155

152 Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, op.cit., p.77.

153 François GAULME, Le pays de Cama. Un ancien Etat côtier du Gabon et ses origines. Préface de Jean PING, Paris, Karthala, 1981, p.213.

154 Ibid., pp.213-214.

155 Ibid., p.214.

Comme nous l'avons signalé précédemment, ce ne sont pas les ossements de n'importe quel individu, plutôt ceux « prélevés d'une part, sur des femmes fondatrices de clan et de sous-clan, d'autre part sur les chefs précédents ».156 Par ailleurs, on peut ajouter d'autres éléments ou objets qui sont considérés comme reliques et servent le chef ou le roi dans l'exercice de ses fonctions. On peut citer par exemple le cas de « la clochette à manche de fer, nkendo, que du CHAILLU appelle le sceptre royal chez quelques unes des tribus de l'Afrique centrale, est un instrument dont le rôle est inséparable de celui de la boîte à reliques. Le chef s'en sert pour communiquer avec ses ancêtres, le matin au petit jour en particulier, lors des grandes occasions comme un mariage ou un voyage et il est alors le signal de l'arrivée du chef ».157

L'entretien du culte des ancêtres permet ainsi à celui qui officie la cérémonie, en l'occurrence le chef ou le roi, d'asseoir son autorité et son pouvoir. En ce sens qu'il exerce la domination symbolique au sens bourdieusien, dans le double mouvement de la reconnaissance (dans l'adhésion du dominé à l'ordre dominant qui lui parait légitime, « normal », « naturel ») et de la méconnaissance (dans l'ignorance qu'il s'agit d'une domination arbitraire, « non nécessaire », « non naturelle »). Les fonctions du chef de clan sont de protéger ceux qu'il gouverne, en dehors de l'entretien du culte des ancêtres. « Cette protection s'exerce d'abord d'une manière matérielle : si le chef possède des richesses, et reçoit un pourcentage sur le commerce qui se fait sur son territoire, il se doit de les redistribuer aux membres de son clan ».158 Puis, par le culte des ancêtres qu'il a la charge de présider, il protège moralement les siens ; car il peut devenir juge pour toutes les affaires criminelles qui ont lieu à l'intérieur du clan ; et pouvant se faire assister de l'oganga, ministre du culte des esprits et guérisseur.

L'importance du jugement du chef dans les accusations de sorcellerie est liée à la croyance en ses dons surnaturels de double vue, que lui confère les reliques des ancêtres qu'il détient. Pour ce qui est du

156 François GAULME, Le pays de Cama. Un ancien Etat côtier du Gabon et ses origines, ibid., p.214.

157 Ibid., p.214.

158 Ibid., p.215.

conseil du chef, il y a lieu ici de dire que « le conseil du chef est une institution qui est destinée à tenir compte de la morphologie du clan, et de ménager en quelque sorte des gens sur lesquels s'exercent des forces surnaturelles, des détenteurs de reliques et de futures mères-fondatrices ».159

En fin de compte, « la fonction de chef de clan implique aussi une éducation, une connaissance du culte des ancêtres en particulier »160, car les successeurs étaient désignés à l'avance et donc connus de tous, d'où une socialisation stricte dans le milieu de la chefferie et des reliques et une connaissance parfaite du rôle du culte des ancêtres pour l'assise spirituelle du pouvoir et de l'autorité. « Quand meurt le chef de famille, son fils aîné maintes cérémonies [...] détache soigneusement le crâne du mort, et le place ensuite dans la boîte d'écorce où, barbouillé de rouge, il va rejoindre les aïeux et attendre son successeur ».161

Grosso modo, il apparaît bien clair que « dans cette société lignagère, le culte des ancêtres constitue le support du pouvoir »162 et que « le chef de clan ou de lignage est le pont de jonction entre le clan (ou le lignage) actuel, constitué par les vivants, et le clan (ou lignage) idéalisé, porteur des valeurs ultimes, symbolisé par la totalité des ancêtres aux vivants, celle des vivants aux ancêtres ».163 Les reliques utilisées permettent d'acquérir l'autorité et de l'asseoir pour veiller sur le clan et demander richesse et protection des ancêtres pour ses membres.

159 François GAULME, Le pays de Cama. Un ancien Etat côtier du Gabon et ses origines, ibid., p.216.

160 Ibid., p.217.

161 Annie MERLET, Le pays de trois estuaires (1471-1900). Quatre siècles de relations extérieures dans les trois estuaires du Muni, de la Mondah et du Gabon, Libreville, CCF St Exupéry/Sépia, (coll. « Découvertes du Gabon »), 1990, p.283.

162 Georges BALANDIER, op.cit., p.137.

163 Ibid., p.118.

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