Conclusion générale
A la lumière de tout ce qui précède, la
présente étude pourrait contribuer, pour sa modeste part,
à faire comprendre quelles sont les logiques qui gouvernent les gabonais
et comment celles-ci se constituent ; particulièrement pour toute
personne aspirant au pouvoir (économique, politique ou social) à
profaner des tombes ; et donc à recourir systématiquement au
fétichisme politique comme c'est le cas de la présente
étude.
En effet, les « rumeurs de meurtres diaboliques,
politiciens accusés d'utiliser associations secrètes et
"médicaments" pour assurer leur succès, psychoses urbaines
d'enlèvements d'enfants ou de jeunes femmes victimes de
démembrements rituels »265, deviennent le lot quotidien
des Librevillois et ce, durant les élections politiques ou aux
lendemains de celles-ci. Ce qui atteste que donc que « la sorcellerie n'a
pas disparu en Afrique et s'affirme aujourd'hui comme une catégorie
incontournable de la vie publique et privée ».266
Notre problématique s'est formulée sur le
passage d'une économie symbolique lignagère à une
économie de marché. Ce qui se traduit par le fait que l'on
assiste à une vente des éléments du corps humain sur le
marché et au politique. Mieux, en portant notre regard sur la
réalité sociale gabonaise, notre hypothèse, selon laquelle
on constate très souvent des profanations des tombes à la veille
des consultations politiques, atteste que le pouvoir au Gabon est un pouvoir
mortifère, qui se nourrit de la mort, se confirme. Dans la même
perspective, Florence BERNAULT évoque les rumeurs de trafic d'organes,
de kidnapping d'enfants, de vente de clitoris, d'émasculation des
hommes, n'ont pas pour unique ni même principale raison la
marchandisation du corps, imposée par une globalisation capitaliste
récente, extérieure à l'Afrique, mais plutôt les
transformations progressives et locales de la sphère du sacré.
265 Florence BERNAULT et Joseph TONDA, « Dynamiques de
l'invisible en Afrique et pouvoirs sorciers », in Politique
africaine n°79, octobre 2000, p.1.
266 Ibid., p.1.
Enfin, comme l'écrit Georges BALANDIER, l'imbrication
du sacré et du politique est incontestable car « dans les
sociétés laïcisées, elle demeure apparente ; le
pouvoir n'y est jamais entièrement vidé de son contenu religieux
qui reste présent, réduit et discret ».267 Ce qui
nous permet d'affirmer par la suite qu'au Gabon, « le pouvoir est
sacralisé parce que toute société affirme sa
volonté d'éternité et redoute le retour au chaos comme
réalisation de sa propre mort ».268
Sur ce fait, les pratiques fétichistes continueront de
persister au Gabon, parce qu'étant et avant tout, un pays fortement
animiste et attaché aux traditions ancestrales. Ce qui explique le
recours au fétichisme ou à la sorcellerie par les gabonais,
quelle que soit la circonstance.
267 Georges BALANDIER, Anthropologie politique, Paris,
Puf/Quadrige, 1999, p.118.
268 Ibid., p.119.
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