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Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à  Libreville

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par Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2008
  

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Section 2 : Construction du modèle d'analyse

« Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum et peut être situé dans ou par rapport à des courants de pensées qui le précèdent et l'influencent ».37 Mieux, « la problématique est l'approche théorique ou perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est une manière d'interroger les phénomènes étudiés ».38

Ainsi commencerons-nous dans un premier temps par « exploiter les lectures et les entretiens et faire le point sur les différents aspects du problème qui y sont mis en évidence »,39 pour arriver dans un deuxième temps à « choisir et construire sa propre problématique ».40 Pour notre étude, nous entamerons l'exploration des acquis scientifiques qui portent sur le rapport entre les phénomènes religieux et politiques, particulièrement sur le fétichisme (politique) et ses différentes perceptions culturelles, intellectuelles et sociales.

1- Le rapport entre fétichisme et politique dans la littérature occidentale

Florence BERNAULT définit la « sorcellerie »41 ou la magie voire le fétichisme comme « des actions contemporaines cachées, manipulées volontairement ou involontairement par des hommes en contact avec la réalité surnaturelle, pour certains effets. Ces effets peuvent être bénéfiques socialement ou au contraire destructeurs, lorsque le spécialiste (ou le commanditaire des actes sorciers) tue ou blesse mystiquement ses

37 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, 2ème éd, Paris, Dunod, 1995, p.43.

38 Ibid., p.85.

39 Ibid., p.85.

40 Ibid., p.86.

41 Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, in MAMA AFRICA : Hommage à Catherine COQUERY-VIDROVITCH, édité par Odile GOERG et Issiaka MANDE, Paris, l'Harmattan, 2005, p.1.

proches pour son seul bénéfice ».42 A noter que l'usage populaire emploie aussi le terme français de « vampire ».

Evans PRITCHARD43 affirme que la sorcellerie est par essence mauvaise dans la mesure où elle est délibérément destinée à faire du mal. Loin ici de nous limiter à cette approche, notre préoccupation est de cerner le phénomène social que représente la sorcellerie de façon objective. En effet, pour le cerner de façon objective, on peut s'inscrire dans une perspective pluridisciplinaire, en faisant appel à l'histoire. Il s'agit de voir comment la législation française, sous la coloniale, aura interdit immédiatement après la conquête, « la pratique des autopsies et l'exposition des défunts. Elle décréta simultanément l'obligation des enterrements dans les cimetières publics, la condamnation des reliques sous la rubrique profanation de cadavres »44, et conduisit avec l'aide des missionnaires chrétiens la destruction des autels mobiles et des reliquaires considérés comme « fétiches » et fatras sorcier indésirable.

D'après Florence BERNAULT, « L'omniprésence de la mort, la destruction et de la violence symbolique signale un changement idéologique considérable au sein des relations entre sorcellerie et pouvoir. Donc pour en cerner l'ampleur, il faut, comme évoqué plus haut, rester une nouvelle fois sur le passé (donc l'histoire en tant que discipline qui étudie les faits passés.) Avant la conquête coloniale, le pouvoir de vie et de mort sur les gens était détenu par les chefs et spécialistes (Nganga) et était régulé collectivement, et dans l'idéal, protégeait la communauté. A l'inverse, il pouvait contribuer à la destruction de celle-ci lorsqu'il servait l'unique profit individuel et anti-social des détenteurs de forces extraordinaires. Les années 90 apportent un renouveau des études ayant pris également sa source parmi les anthropologues et sociologues, qui mettent en évidence la vitalité de la sorcellerie au sein des instances les plus modernes (politique et économique) des sociétés africaines : le champ urbain aussi bien que rural, discours des élites et de l'État, nouveaux conflits parentaux, sociopolitiques. Cette vision conflictualiste,

42 Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, Ibid., p.1.

43 Evans PRITCHARD cité par Jacques LOMBARD in Introduction à l'ethnologie, 2ème édition, Paris, Armand Colin, (coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998, p.131.

44 Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, ibid., p.3.

nous permet de savoir comment la sorcellerie peut être utilisée au sein de d'un même groupe à la fois comme violence symbolique, sociale, et comme outil d'accumulation économique et de domination politique ».45

En outre, « la sorcellerie est affaire de pouvoir, mais un pouvoir déstructuré, en constant changement, accaparé ou rêvé, ici et là, par toute une gamme des acteurs sociaux ».46 Enfin, dans cette perspective, il serait intéressant de considérer « la sorcellerie comme ressource, énergie ou capital dont disposerait ou non les individus en fonction des situations et des positions occupées dans l'organisation des rapports de forces ».47

On peut encore ajouter un autre argument, encore plus pertinent ; car « l'un des aspects centraux de la sorcellerie équatoriale réside dans sa relation avec le pouvoir ».48 En résumé, nous retiendrons d'abord que pour Florence BERNAULT cette emprise de la sorcellerie dans le pouvoir fait que le chef soit craint voire vénéré ; incarnant ainsi le pouvoir spirituel et politique. En ce sens, « l'omniprésence de la mort, de la destruction et de la violence signale un changement idéologique considérable au sein des relations entre sorcellerie et pouvoir ».49

Peter GESCHIERE50 met clairement en évidence le rapport entre sorcellerie et politique en Afrique postcoloniale, particulièrement au Cameroun. En effet, « la pérennité de l'importance de la sorcellerie pour le politique en Afrique était liée aux paroxysmes autoritaires de nombreux régimes ».51 De plus, « cette forte présence de l'occulte dans la politique n'est guère surprenante : les discours sur la sorcellerie ont toujours fourni un des idiomes préférés de l'interprétation du pouvoir et surtout de l'explication des inégalités de pouvoir en Afrique ».52 On pourrait résumer une de ses hypothèses comme suit : que la sorcellerie a, semble t-il pour mission de servir à la fois aux « petits », comme une arme égalisatrice contre les « grands » et aux anciens eux-mêmes qui cherchent à

45 Florence BERNAULT, Magie, sorcellerie et politique au Gabon et au Congo-Brazzaville, 2005, p.5.

46 Florence BERNAULT et Joseph TONDA, Dynamiques de l'invisible en Afrique, Ibid., p.3.

47 Ibid., p.4.

48 Florence BERNAULT, Magie, sorcellerie et politique au Gabon et au Congo-Brazzaville, p.4.

49 Ibid., p.6.

50 Peter GESCHIERE, Sorcellerie et politique : le piège du rapport élite-village, 16 pages.

51 Ibid, p.82.

52 Ibid., p.82.

consolider leur ascendant et à réaliser leurs ambitions. Prenant appui sur l'exemple du rapport élite-village, il montre que les élites ont déserté leurs villages d'origines car elles sont au croisement de la parenté et des nouveaux rapports de pouvoir et richesse. Les villageois voient en leurs élites, de nouveaux sorciers qui, pour avoir accumulé richesse, pouvoir et prestige sont donc en rapport avec les pratiques sorcellaires et l'occultisme. Ce qui créée de la jalousie de la part des villageois pour les élites, et qui débouche sur le recours à la sorcellerie.

D'où un rapport ambigu entre élites et villageois. Aussi arrive t-il à cette conclusion que « politique et sorcellerie sont difficiles à séparer ». Et dans un climat autoritaire et opaque, les confrontations politiques se confondent en effet aisément avec les histoires de batailles nocturnes que les sorciers se livrent entre eux.

Par ailleurs, plus que « des actions contemporaines cachées, manipulées volontairement par des hommes en contact avec la réalité surnaturelle, pour certains, effets. Ces effets, peuvent être bénéfiques socialement ou au contraire destructeurs, lorsque le spécialiste (ou le commanditaire des actes sorciers) tue ou blesse mystiquement ses proches pour son seul bénéfice »53 ; la sorcellerie est plutôt perçue comme « une image symbole, véritable obsession, et qui pourrait bien être générale pour l'Afrique, est celle des rencontres nocturnes des sorciers qui, chacun à leur tour, offrent un parent à manger à leurs acolytes ».54

53 Florence BERNAULT, op.cit., p.1.

54 Peter GESCHIERE, op.cit., p.84.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault