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Rapports "mère- fils " à  travers la bru dans la famille gabonaise actuelle

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par Floriane Mélinda KAYIBA
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2009
  

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Section 2 : Domination symbolique et relation belle-mère et bru.

Etudier les rapports entre bru et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle, c'est finalement faire ressortir une dimension importante de leur relation : la domination symbolique ou violence symbolique, au sens bourdieusien. Rapports conflictuels ne riment pas forcément avec attaques physiques ; mais plutôt des sortes d'agressions verbales et un type de comportement adopté pour rabaisser l'adversaire et lui montrer qu'on est le ~ propriétaire", le maître des lieux. En effet, la domination symbolique ou violence symbolique c'est l'imposition de formes de comportement, des formes de vie, de choix intellectuels, de choix vestimentaires, de choix linguistiques, par les dominants aux dominés. Mieux, « la violence symbolique s'institue par l'intermédiaire de l'adhésion que le dominé ne peut pas accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d'instruments.»224

Mais la révolution industrielle a engendré de nombreuses mutations dans toutes les sphères des sociétés humaines tant aux plans politiques, culturels, économiques, familiaux, etc. et a bouleversé en outre les mentalités des individus c'est-à-dire les moeurs africaines particulièrement ; dii à l'industrialisation et à l'urbanisation. Cette urbanisation impose un mode de vie, un comportement à l'individu. En ce sens les rapports entre bru et belle-mère, qui étaient des rapports de mère-enfant dans le mariage (d'antan), se sont transformés en des relations d'animosité, de tension ; voire de friction. Cette nouvelle forme de relation serait la résultante de cette urbanisation.

Le pasteur OGOULA-M'BEYE nous rappelle que le mariage d'autrefois n'est pas loin de celui d'aujourd'hui. Puisse que « toutes choses sont en travail au-delà de ce qu'on peut dire ; l'oeil ne se rassasie pas de voir et l'oreille ne se lasse pas d'entendre. Ce qui se fera, il n'ya rien de nouveau sous le soleil. S'il est une chose dont on dise : vois ceci, c'est nouveau ! Cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.

On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.»225 Tout ceci pour dire que dans le mariage ancien il existait aussi des conflits entre bru et belle-mère mais il restaient latents. Aujourd'hui, ils deviennent manifestes, dii à l'évolution de la société, la scolarisation des filles qui les a amené à avoir des diplômes, à avoir un salaire mensuel et qui, finalement, remettent en question certaines valeurs anciennes face à l'obéissance envers la belle-famille ; à travailler pour elle.

D'où la révolte et pourquoi pas, un changement radical des mentalités et visions de la vie en couple. Ce qui nous conduit à nous poser un certain nombre de questions dont voici la teneur : qu'est-il devenue de la domination symbolique codifiée par des adages et proverbes ? Ces adages ont-ils toujours de la valeur ? Si oui, qu'est-ce qui serait alors à l'origine du conflit ? Quel est l'élément déstabilisateur de la famille ? Telle sera l'articulation de ce chapitre.

1. Domination symbolique : codification verbales des comportements et de respect dans le mariage et importance des proverbes.

Les adages sont des conseils, des mises en garde et sont illustrés par des métaphores bien adaptées pour la circonstance. En effet, « nombreux sont les dictons et les adages qui codifient en quelque sorte les attitudes de respect à tenir envers certains parents »226, particulièrement le beau-père, la belle-mère pour ne citer que ces

deux exemples. En d'autres termes, les proverbes viennent codifier le comportement du gendre ou de la bru devant les beaux-parents et ce, dans des situations particulières. Car << le mot, par sa force et ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à ce que l'idée se réalise ; et aussi, pour le manipuler dans la théâtralité et l'ambiguïté.»227 Nous déduisons ainsi que les proverbes font partis de l'univers culturel, de l'imaginaire et du symbolique des gabonais et auxquels ils restent fondamentalement attachés. Pour le cas du mariage, il existe une panoplie de proverbes qui nous permettent d'apprécier la portée du mariage mais surtout, toute la symbolique sinon le rituel qui l'accompagnent.

Comme nous le disions dans notre propos introductif, il existe des proverbes pour présenter les rapports et les comportements entre bru, gendre et les beaux-parents. C'est ainsi que chez les Galwa, lorsqu'une femme allait en mariage, ses parents lui prodiguaient quelques conseils sous la formes de proverbes ; dont nous avons retenu certains : << mwantô ékènda gô nagô y'ijomba n'otôndô n'epole.»228 Ce qui signifie qu'une femme n'a pas à rapporter à ses parents les mécomptes de son ménage. Le même proverbe est perçu d'une autre manière chez les Nzébi : << ghou lekouelê yendanga na lengala, hâ na pondji vê »229 pour dire qu'au mariage, on ne va pas avec le panier (parce qu'il n'a pas de trous), mais avec une corbeille qui a les trous.

De même, les Fang disent : << hé you wa ke â louk, wa keki na we sô okiri, wa ke ekeke, akalé na alouk hé né abé ya henbeng »230 ce qui veut dire que lorsque tu vas en mariage, tu n'y vas pas pour revenir demain mais plutôt pour toujours parce que le mariage est fait pour le meilleur et le pire. On encore << miniga ha nané fâ, ngué fâ hé béhé wa ho siki da ké woua ô fegne, wé da bran gnon akala we bra sin dô »231 pour dire que la fille est comme une machette. Lorsque tu te blesses avec ta machette tu ne peux pas la jeter puisqu'elle te servira encore dans tes différents travaux.

227 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, ibid. p.26.

228 Pasteur OGOULA-M'EYE, Galwa ou Edôngô d'antan, op.cit., p.88.

229 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume, père de 9 enfants.

230 Propos de madame Berthe OYE-MVE, Fang de Bitam, 38 ans, 5 enfants, commerçante.

231 Ibidem.

La morale à tirer de ces différents proverbes dans trois langues maternelles différentes est qu'ils mettent en relief le fait que le mariage n'est pas un jeu et que des conflits peuvent surgir. L'essentiel est de tout faire pour arranger car c'est pour le meilleur et le pire qu'on s'unit à quelqu'un d'autre. Mieux encore, << ironda mbôgo, jomba nkala »232 ce qui veut dire que le concubinage c'est un gîte de passage, un campement où on fait une escale, tandis que le mariage c'est le village, on y demeure tout le temps. Les Nzébi traduisent ce proverbe par << le kuèle duti vè », le mariage n'est pas un rêve ; c'est-à-dire quand tu vas en mariage, tu ne sais pas ce que tu parts trouver là-bas ; il ya le bon et le mauvais côté.

Par ailleurs, on dit << bou kô yimbassanga »233 pour dire simplement qu'il faut respecter la belle-mère, que la belle-mère ; le beau-père, on l'attrape avec les feuilles. Simplement pour montrer le respect que la bru ou le gendre doivent présenter aux beaux-parents. Enfin, << buko na buko bwa mu kasse a roghesse wè we kwate na ma kaye, to buko bwa vè roghesse wè ; we yendè na podji itsatse, motghi sa wè, mô polegue, to mama bwè we kakele utso mutéma. »234 Ce proverbe veut dire que si la belle-mère te respecte, tu lui rend en retour ; tu lui rend des services, tout ce qu'elle te demande tu le fais, car elle te prend comme une fille (elle a un traitement de faveur). Ce que la belle-mère fait à sa fille, elle doit te le faire, elle a une considération pour toi. La belle-mère qui ne te respecte pas, qui est méchante, tu amènes un panier troué, toutes les mauvaises choses qu'elle dira sur toi doivent tomber ; (ici au sens symbolique le panier représente le coeur de la personne, tu banalises tout ce que tes oreilles vont entendre.) Or tout ce qui est bien tu gardes dans le coeur.

On peut encore dire que les << trous >> traduiraient ici la nécessité d'oublier ou de laisser tomber les problèmes éventuels qui pourraient surgir dans le foyer. Voilà pourquoi on déconseille cette attitude d'accumulation des problèmes et de non rejet.

232 Pasteur OGOULA-M'EYE, ibid., p.87.

233 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume, père de 9 enfants.

234 Propos de madame Marie-Françoise KAÎBA, 72 ans, sans profession, pas d'enfant.

Nous pouvons retenir que << jomba mbuwe »235 comme pour dire que le mariage c'est la famille et que le respect doit être au coeur du mariage pour qu'il se passe bien.

En définitive, 2 questions se dégagent au sortir de cette analyse, à savoir qu'en est-il aujourd'hui de ces adages et proverbes ? Cette domination symbolique de la belle-mère à la bru est-elle maintenue ?

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon