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L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey

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par Abdelkader Belkhiter
Université de Saida Algérie - Magister 2009
  

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Un conflit : La liberté dans les relations affectives

La famille est le noyau de la société, elle est le lieu de la perversion des valeurs sociales. Les relations affectives sont dissimulées : les gens s'aiment et n'arrivent pas à exister pleinement, à s'affirmer simplement ou à se dire authentiquement dans leur vie relationnelle. L'écrivaine en fait un élément fondamental. Elle a écrit deux nouvelles «Sous le jasmin la nuit » et « En ce dernier matin » pour montrer l'importance de ce sujet dans nos vies.

Dans ces deux récits, nous sommes face à une fiction où les relations affectives sont moins apparentes. Maïssa Bey présente les souffrances, les angoisses et les malheurs qui peuvent toucher n'importe quelle famille ordinaire vivant dans une société musulmane et sous les lois qui la régissent.

Dans « Sous le jasmin de la nuit », l'écrivaine décrit la vie d'une famille: un couple, leur vie est dépourvue d'amour ou encore ils ont du mal à exprimer ce sentiment. Maïssa Bey montre avec un talent remarquable et une écriture singulière comment un tel fait peut se produire, entrainant le lecteur dans un engrenage de faits.

Or le récit est marqué par une opposition fondamentale de deux personnages ; la femme «Maya » est un personnage indompté, replié sur lui-même. Elle est prisonnière de ses rêves dans lesquels elle s'épanouit:

« Elle se laisse glisser doucement dans une semi-conscience sur des rivages heureux et dérive sans repère dans un univers à peine bleuté, brumeux, traversé de temps à autre par des éclats de lumière. Elle court au bord d'un chemin de poussière, un sentier poudreux bordé de hautes montagnes sombres, elle court pieds nus, dans le soleil, tout entière tendue par le désir d'arriver de l'autre côté, là-bas au bord du fleuve dont elle entend la rumeur obsédante. Légère, elle court recouverte d'un voile de poussière rouge, d'un halo de lumière qui l'enveloppe et la protège. Ses pieds ne laissent aucune trace sur le chemin et elle avance, guidé par la certitude qu'un jour il faudra gravir les montagnes, déjouer les obstacles si elle veut arriver ». Pp 10-11

Le mari, quant à lui, détient le monopole de la force et de la puissance :

« Pénétrés de leur force, de leur vérité. Puissance d'homme. Jamais remise en cause. Leurres. Il marche. On le reconnait. On le salue. On s'écarte. Il est partout chez lui. Personne ne peut se mettre en travers ». P.15

Mais malgré tout ce pouvoir dont il dispose, il n'arrive pas à la posséder, à conquérir son coeur et son être.

« Oui se répète-t-il agacé, irrité, tourmenté, la réduire, qu'elle ne soit qu'à moi, philtres et sortilèges, aller jusqu'au bout briser la coque, extraire d'elle ce qui la rend si lointaine, inaccessible, comme si » P.14

Le récit fonctionne comme une masse hétérogène mettant opposition la femme et son mari égaré par sa sensiblerie. Nous sommes donc en face d'une situation duelle : « Elle remue légèrement les épaules, comme pour se débarrasser d'un fardeau, se détourne, pose la joue sur la main, lui dérobe son visage et continue de rêver... » P.9

Et face à cette situation, le mari se manifeste : « Dans un mouvement de rage, il se redresse, serre les poings tandis que monte en lui le désir de l'appeler, de la secouer brutalement pour lui faire reprendre conscience, lui faire savoir qu'il est là» p.10

La femme « Maya » puise de ces rêves pour s'enfuir, dans un premier temps, d'une chose qu'elle ignore: « Elle n'est pas malheureuse oh non ce mot ne lui convient pas. Non. Mais elle ne sait pas non plus mettre des mots sur ce qui lui manque tarissement enlisement ». P.14

Mais elle réalise qu'en fait, elle fuit ce monde, un monde gouverné par les hommes et régit selon leur loi : « Là, tout contre elle, fragile, vulnérable, un rien pourrait l'atteindre. Elle frissonne. Elle imagine sa voix plus tard. Sa voix d'homme. Ses mains d'hommes. Mains posées sur un corps de femme. Pour des caresses». pp. 15/16

L'écrivaine intègre dans ce récit un monologue pour marquer la tourmente de l'époux face à cette situation qui le dérange. Le mari rentre le soir avec l'espoir de retrouver un peu de confort et de tendresse chez sa femme. Mais Maya, dépourvue de toute sensibilité, reste impassible, indifférente, sans vie. Elle le regarde simplement :

«Penché sur elle, il la regarde dormir. Lèvres entrouvertes, souffle léger, paupières closes refermées sur des visions, des rêves qui l'excluent, il ne peut pas en douter. [...]Penché sur elle, il scrute son visage. Attentivement. Ce frémissement au coin des lèvres, n'est-ce pas l'esquisse d'un sourire, cette façon de cligner des yeux, brusquement, ce lent soupir venu du plus profond d'elle et qui parcourt son corps en une ondulation à peine perceptible, n'est-ce pas... Elle remue légèrement les épaules, comme pour se débarrasser d'un fardeau, se détourne, pose la joue sur sa main, lui dérobe son visage et continue de rêver. Puis elle relève le bras et de la main agrippe le drap en se mordant brusquement les lèvres». P. 18

Les personnages remettent en question l'harmonie de la vie familiale et les liens prétendument puissants de la famille. Toute fois, il convient de constater que Maïssa Bey évoque une situation d'exil intérieur : rêves confisqués d'êtres hors normes. «Maya » est une femme qui vit dans la solitude entre rêve et quotidien, une solitude parfois lourde et difficile à supporter, car elle n'a personne à qui se confier, seulement à sa propre personne ; celle-ci devient sa confidente et son asile dans le quel elle peut se réfugier et se dire, là où aucun étranger, aucun homme ne vient troubler sa tranquillité, rompre son inspiration, ternir les espérances qu'elle nourrit, aucune loi sociale ne vient la persécuter ou encore s'ingérer dans son intimité pour la gérer, contrôler sa liberté intérieure et la contraindre à l'observer, là enfin où elle est maîtresse et peut se livrer sans contrainte à ses rêveries et ses réflexions. Sa solitude, voire sa vie intérieure, un monde comme une forteresse impénétrable et imprenable, devient le lieu où chacune, libre de ses agissements et souveraine de son identité féminine, peut devenir femme dans tout son éclat.

Contrairement à ce personnage « Maya », Maïssa Bey nous présente dans « En ce dernier matin » une femme mourante. Seule face à la mort, elle se remémore tous les moments malheureux de sa vie. Une vie pleine d'insatisfaction, de contrainte, de souffrance et d'une révolte continue de l'épouse trompée.

Ce couple, cette femme et son mari, se heurte à de nombreux obstacles : absence de toute intimité, tendresse et amour, car dans cette société si l'on se marie c'est bien pour engendrer des enfants en vue de l'agrandissement de la famille.

« Elle a vingt ans. Elle ne s'en souvient pas. Ne résonnent dans sa mémoire que les cris de l'enfant, son premier fils, très vite arrivé. Trop vite ? Mais.... quelle importance? Que pouvait-elle attendre d'autre».P.25

« C'est dans ce même lit que jeune accouchée,.....elle a reçu les hommages de ceux et celles qui venaient lui rendre visite chaque fois qu'elle donnait naissance à un petit homme. Sept jours de gloire. Sept fils et trois filles. Tous vivants » P. 29

Sous le regard des ses hommes, ses filles, ses soeurs, cette mère quitte ce monde dans lequel les hommes faisaient comme si les femmes n'existaient pas, occultant la présence féminine tout en les reléguant afin de construire un monde selon leur propre mesure masculine.

Installé devant ce corps inerte, Rachid scrute comme pour la première fois le visage de sa mère, et dans l'amertume il se demande si elle était heureuse dans sa vie. Une question dont il connait déjà la réponse : « A-t-elle été heureuse ? Il baisse la tête, se couvre le visage de ses mains. Il connait la réponse »p.25

Cette femme est considérée comme mort vu qu'elle n'a pas vécu pleinement l'amour, et n'a pas connu la tendresse. De plus, elle ne sait pas ce qui se dissimule derrière le regard de cet homme qui n'a jamais su lui dire l'amour qu'il peut éprouver pour elle :

« Oui, c'est comme si elle était morte depuis longtemps. Depuis... depuis ... mais quelle importance ? Morte, elle l'était déjà, depuis... depuis... puisqu'elle n'existait pas dans les yeux de cet homme absent, toujours absent, même quand il était près d'elle». P.29

L'écrivaine propose un schéma complètement métamorphosé de la famille ordinaire. L'amour et la fidélité se transforment en haine et trahison. Et malgré tous les événements qui ont bouleversés la vie de cette femme trompée, elle est restée toujours la même, ses sentiments pour son mari n'ont pas changé.

« Lorsque l'opacité du silence s'installait enfin avec la nuit, commençait l'attente de l'homme qui ne venait pas, qui ne viendrait pas. L'homme qu'elle savait dans les bras d'une autre. Images dures, précises qui s'imposaient à elle» P.27

Mais derrière cette apparence se cache un désir profond. Celui de combler ce manque d'affection au-delà du foyer conjugal. Cloitrée entre quatre murs, elle rêve d'un autre homme avec qui elle peut retrouver l'amour et la tendresse : « Seul surgit le regard d'un autre. Cet homme. Un ouvrier qui venait chaque jour faire des travaux de plomberie ou de maçonnerie dans la maison en construction, juste en face de la leur ».P30

Ce sont ces sentiments dissimulés et ces désirs cachés au plus profond des femmes que Maïssa bey a tenté de dévoiler avec un style simple et une écriture créative, elle le dit lors d'un entretien:

« Au dernier matin de sa vie cette femme se souvient que quelque chose a frémi en elle et qu'elle a pu peut-être passer à côté. Il m'arrive en croisant de vieilles femmes de me demander si elles ont eu des désirs ou si elles ont seulement vécu ? Elles sont dans une telle relation au monde et à elles-mêmes qu'on les suppose heureuses à l'abord, car elles ont réussi leur vie sociale, elles ont eu des enfants, elles sont mères respectées... mais l'écriture c'est aussi de savoir gratter et lorsqu'on va au delà des apparences, au delà de cette réalité donnée on découvre une autre réalité »

Dans cet espace artificiellement limité et qui rime si bien avec la séquestration traditionnelle des femmes algériennes, la narratrice exerce non seulement une méticuleuse introspection vécue comme un retour dans le temps, mais elle s'imprègne inévitablement de l'histoire des autres femmes pareillement enfermées.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus