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L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey

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par Abdelkader Belkhiter
Université de Saida Algérie - Magister 2009
  

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Un récit éclaté : Une structure fragmentée 

Les textes de Maïssa Bey sont fortement centrés sur la problématique féminine, ils sont marqués par une écriture créative, sobre et aérée au rythme lent et à la syntaxe raffinée. Une écriture qui hante la réalité de surface - ce " matériau ordinaire " - qui la marque au plus près, qui la restitue sans jamais tenter de s'y substituer.

Même si son entrée en écriture fut guidée par " l'urgence de porter la parole comme un flambeau contre la menace de sa confiscation ", Maïssa Bey ne témoigne pas mais crée, elle privilégie l'esthétique et l'exercice de style à la reproduction. Elle cherche les mots justes pour exprimer des situations où l'être accepte d'aller au plus périlleux de lui-même. Maïssa Bey traque les non-dits et les contraint de faire entendre le cri et apaiser la douleur.

Des ces premiers romans, Maïssa Bey montre le monde et se manifeste contre les tabous, les compartimentages, les replis dans les ghettos. L'écriture, pour elle, semble vouloir dire le monde, circuler au-delà des barrières. Elle restitue dans son oeuvre les éclats, les brisures, les violences et les beautés. Sous le jasmin la nuit s'inscrit dans cette démarche toujours renouvelée et si personnelle. Nous pouvons constater que nous nous trouvons face à un recueil où l'auteur choisi de concevoir l'écriture que comme le souffle de la liberté, un dépassement de soi et de ses conditions d'existence. Mais ce n'est pas un objectif en soi. C'est par l'écriture que les femmes peuvent lever la chape du déni qui pèse sur l'individu - mais plus encore sur les femmes - en tant qu'être autonome, symboliquement séparé de son groupe. Ecrire permet d'arracher le droit d'être, simplement d'être. Ecrire pour Maïssa bey c'est une existence et un espace de liberté :

« Je le répète souvent, l'écriture est aujourd'hui mon seul espace de liberté, dans la mesure où je suis venue à l'écriture poussée par le désir de redevenir sujet, et pourquoi pas, de remettre en cause, frontalement, toutes les visions d'un monde fait par et pour les hommes essentiellement ». (Le Soir d'Algérie - 29 septembre 2005)7(*) 

Elle ajoute que « C'est dans ce sens - et pour pasticher une formule célèbre - qu'il m'est souvent arrivé de proférer cette sentence : « J'écris, donc je suis».

Elle justifie son existence par une écriture créative et engagée contre le silence trop longtemps imposé et qui continue d'être imposé aux femmes

Maïssa Bey rejoint Robbe-Grillet en brisant d'un côté cette écriture traditionnelle et qui se veut linéaire, chronologique et localisée. Elle adopte une écriture qui multiplie et dédouble les espaces narratifs. Et d'un autre côté, L'écrivaine emprunte à Brecht sa manière de construire le récit : Elle met côte à côte des tableaux relativement autonomes, mais visant le même objectif, le même discours romanesque.

L'écriture et la structure, que nous étudions, jouent incontestablement un rôle impératif dans la transmission du message du texte littéraire, en l'occurrence « la violence » qui est au coeur de notre étude. Pour Marc Gontard :

« C'est l'écriture qui, dans ses formes mêmes, prend en charge la violence à transmettre, à susciter, à partager. C'est l'écriture qui, dans ses dispositifs textuels se charge de la seule fonction subversive à laquelle elle puisse prétendre. Car changer la société, c'est d'abord, pour l'écrivain, changer la forme des discours qui la constituent ».8(*)

Le changement de la société suppose un changement dans la manière d'écrire et de voir les choses. L'auteur a une mission surtout dans nos pays apparemment voues à toutes les calamités : naturelles, politiques, économiques, etc... Donc, il ya une fonction sociale de l'écrivain.

L'écrivain maghrébin écrit d'abord pour son peuple. Il est la bouche de ceux qui n'ont point de bouche.

L'éclatement du tissu textuel et le morcellement du récit nous invitent à percevoir un monde éclaté, absurde, violent et pessimiste où chacun suit son destin, ou plutôt décide de le subir ou de s'en échapper par l'action, le rêve ou le suicide. Comme si accéder à la parole et rendre compte de ce monde ne pouvait se faire qu'avec l'éclatement de la parole. C'est une forme « d'écriture de la colère ».

Le rythme, dans certains récits, est brisé. L'auteur tente de donner des idées sur la réalité sociale qui sous-tend de manière essentielle le livre. Selon Roland Barthes :

« Le plaisir du texte s'accomplit [de la] façon [la] plus profonde, lorsque le texte « littéraire » transmigre dans notre vie, lorsqu'une autre écriture parvient à écrire des fragments de notre quotidienneté, bref, quand il se produit une co-existence».9(*)

Maïssa Bey a diversifié les procédés de son écriture selon les besoins du public et de l'époque. Une chose qui peut être aisément vérifiée à travers les périodes plus ou moins distinctes qui ont marqué le cheminement de son oeuvre. C'est ainsi que l'écrivaine joue pleinement son rôle de médiateur et de témoin.

Les différents récits reflètent l'ambition de l'auteure de peindre des images, le plus fidèlement possible, à travers le récit d'une réalité réfractant les violences humaines et naturelles dans le même tableau, réunissant des situations aussi différentes les unes des autres, mais qui convergent cependant toutes vers une seule fin. La difficulté de percevoir ces images prolonge ce sentiment constant de malaise chez le lecteur, elle arrive à créer une ambiance ambiguë et malsaine très dérangeante où les phrases sont souvent chargées d'un sens caché.

Le texte propose une intrigue émiettée, chaque récit perturbe le lecteur davantage en le laissant suspendu, sur sa faim. L'auteure l'emporte d'un lieu à un autre, sans jamais satisfaire sa curiosité, ni assouvir sa soif. Ainsi, le lecteur reste suspendu entre les récits en tentant de retrouver le fil conducteur qui les relie et de déceler un lien possible, sans y parvenir nécessairement. D'ailleurs  le rôle de l'écriture n'est plus de transmettre un message, un sens plein, mais de faire comprendre que le texte est un objet qui doit être déchiffré.

C'est de là que le livre détient sa force tout en démontrant l'impuissance de toute parole face à un monde absurde. Aussi la déconstruction des récits qui construit le recueil de nouvelles réfléchit l'image de ces femmes qui sont réunis dans un même monde, où la violence les solidarise.

* 7- http://dzlit.free.fr/ajauteur.php?aut=01140

* 8- http://www.decitre.fr/livres/La-violence-du-texte.aspx/9782858021796

* 9 - Roland Barthes, Le degré zéro de l'écriture, suivi de nouveaux essais critiques, Paris, Le Seuil, 1953, Rééditions 1972.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery