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L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey

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par Abdelkader Belkhiter
Université de Saida Algérie - Magister 2009
  

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Une parole révoltée

Dans la courte nouvelle intitulée « Nonpourquoiparceque », l'emploi de l'innovation linguistique et l'utilisation de l'énoncé réflexif 14(*) semblent remplacer, de plus en plus, la transparence qui est caractéristique du classicisme de style des premiers textes de Maïssa Bey. Pour employer un autre concept théorique dans le domaine de la poétique qu'introduit Todorov, à «la parole-action» qui couvre l'aspect performatif du discours, s'ajoute la «parole-récit» qui a pour objet le discours même.15(*)

Cette nouvelle est une révolte contre la tyrannie du langage perpétuée dans les valeurs patriarcales de la société algérienne actuelle. Cette nouvelle est aussi une analyse lucide, au ton tranchant, de la rhétorique que le pouvoir algérien utilise, afin de tenir les femmes en état de soumission. La perte de la cause ou du sens et d'un discours fondé sur des valeurs démocratiques et égalitaires, y est illustrée par le dialogue en tête du texte, où la question «pourquoi» génère la réponse inconditionnelle «parce que», sans aucune explication. L'angoisse que ces réponses répétées engendrent, avec le temps, est celle de la narratrice qui réagit de cette manière devant la parole répressive. On peut dire que cette surconscience du pouvoir de la parole et du caractère presque magique des mots est une caractéristique de l'univers de cet auteur et revient sans cesse dans ce qu'elle dit ou écrit:

Derrière ou devant le «parce que», un gouffre. Ou une montagne couronnée de pics tranchants. Alors je me cogne, je m'enfonce...Chaque nuit, au moment où je ferme les yeux, toutes les lettres du NONPOURQUIPARCEQUE se tiennent la main, se déploient, se déforment, s'allongent démesurément, et forment une chaîne pendant que je cours de l'une à l'autre, tentant de passer sous la barre du A ou de sauter entre les deux jambes renversées des U ». Pp. 89-90.

Derrière ces paroles, on peut percevoir l'angoisse de l'auteur provoquée par la perte de son père, torturé pendant la guerre d'Algérie par le pouvoir répressif français, dans des circonstances qu'elle n'a jamais pu reconstituer pas plus qu'elle n'a pu se confronter à ceux qui ont perpétué l'acte. 16(*)

L'auteur énumère, ensuite, des dialogues, des exemples de la vie quotidienne où la jeune fille, puis, plus tard, la femme, doit apprendre à utiliser les mots, «s'arranger avec la vérité... à pas feutrés, enrobés de mensonges», pour pouvoir obtenir ce qu'elle veut. En effet, la rhétorique du langage du pouvoir permettant la répression des femmes

par la parole est rendu dans le passage suivant:

Parce que: conjonction de subordination. Suivie, dans les conditions normales, d'une phrase qu'on appelle...proposition subordonnée de cause. Mais chez nous les causes sont tellement indiscutables que les propositions sont supprimées, d'office. On ne fonctionne plus que par ellipses ». P. 90

Quelquefois, on réussit à obtenir une explication, nous dit la narratrice, qui s'exclame sur un ton sarcastique: « Ouf! J'ai eu droit à une phrase normalement constituée sur le plan grammatical. » P. 92

La liberté est, ainsi, une chose que l'on donne conditionnellement à la femme algérienne, elle est «étroitement surveillée».

En essayant de comprendre les raisons de ces actes de représailles admis par sa société, la narratrice finit par conclure: « peut-être a-t-on peur de moi? Que les dangers pourraient venir de moi? Que toutes les envies, ces élans, ce besoin de lumière et d'espace... ». P. 93

La femme qui ne se révolte pas, et s'accommode de la réalité en balayant de son dictionnaire « les mots révolte, insoumission, expression, affirmation, rêves, idéal », sera envahie par les sentiments de désespoir, d'impuissance, et de colère rentrée:

Le mur est là, devant soi, raide, compact, d'une hauteur infranchissable et les gouffres sont encore plus sombres, plus profonds, ils grouillent de mots qu'on y a laissé tomber jour après jour, qui parfois s'accrochent et rampent le long des parois pour essayer de revenir à la surface mais qui sont découragés par les abrupts. Il ne reste que l'illusion du langage. Qui dit tout, sauf l'essentiel. P.95

Dans la société arabo-musulmane, les filles sont mal traitées et cela dès la nuit des temps. Elles représentent un lourd fardeau pour toute la famille : un déshonneur. Mais l'Islam vint pour corriger ces idées arriérées et donner à la femme sa liberté. Les valeurs sociales changent avec le temps et cette religion est vidée de son contenu mystique et extatique pour être réduite à une série de pratiques dogmatiques essentiellement fondés sur la demande, et jamais sur le don de soi. La femme est de nouveau méprisée par l'homme qui l'a entourée d'interdits. C'est ainsi que le mensonge est devenu leur seule délivrance.

C'est ainsi qu'avec un discours simple, limpide et des phrases parfois non achevées, que l'écrivaine peint l'intelligence de la femme qui, pour avoir plus de liberté, ment: « Tours et détours. C'est ainsi que peu à peu se sont décomposés les NONPOURQUOIPARCEQUE et que je suis devenue spécialiste des dissimulations. Des contournements » P. 94

* 14 - Todorov, Littérature et signification, Paris: Larousse, 1967. Selon l'auteur, un énoncé réflexif est tout énoncé qui « parle, donc, à l'intérieur de l'énoncé, d'un des éléments du processus d'énonciation de ce même énoncé, de son acte d'émission. », p. 26.

* 15 - http://ae-lib.org.ua/texts/todorov__poetique_de_la_prose__fr.htm.

Selon Todorov, la parole-action et la parole-récit sont deux types des discours : La parole-action est perçue comme une information, la parole-récit comme un discours.

* 16 - Un autre texte de Bey, Entendez-vous dans les montagnes (2002), est l'objet d'une quête douloureuse où l'auteur tente de reconstituer les circonstances de la mort de son père et essaie de donner un visage au tortionnaire qui a cause sa mort.

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