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Les mots du sida à  Libreville: métaphores postcoloniales et hétérotopies

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par Yannick ALEKA ILOUGOU
Université Omar Bongo - Master 2012
  

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2) Les trois piliers des métaphores du Sida dans la postcolonie

Les mots ou les choses, les discours ou les récits sont producteurs de sens. C'est quelque fois dans les espaces hétérotopiques, dans les lieux populaires où siègent la viscosité du kongossa, dans les chemins de traverse de l'inédit et de l'insolite qui se représentent symboliquement par la grande nuit idéologique de la postcolonie, que la société gabonaise trouve son sens et son expression. C'est dans les contradictions, les apories, les kongossa, les imaginaires du Sida que nous sommes arrivé vers un constat. Les métaphores du Sida reposent son ossature sur trois piliers. Nous les avons identifiés comme la sorcellerie, dieu (ou la religion) et le sexe. Ce n'est pas une métaphore du Sida que nous proposons ici du moins ce n'est pas notre intention. Ceci est une construction théorique des piliers qui soutiennent les métaphores du Sida au Gabon. Le corpus de notre enquête nous permet de constater un fait social qui est les métaphores du Sida. À la lumière de la théorie de la postcolonie, de la sociologie imaginative des COMAROFF, de la sociologie de la guérison divine, nous arrivons vers l'identification des piliers qui sont les raisons des métaphores du Sida.

a) La sorcellerie

Le premier pilier des métaphores du Sida est la sorcellerie. Lorsque nous établissons notre corpus nous remarquons que les premières considérations et représentations du Sida dans le

264 Joseph TONDA, Le souverain moderne, Op cit, p 208.

milieu indigène gravitent autour de la notion de sorcellerie. Être malade est une affaire dans les sociétés postcoloniales indigène de malchance, d'infortune, d'anthropophagie. C'est des sociétés où « la colonisation s'est imposée à des sociétés que certains ethnologues ont dit, disent encore, soumises à la souveraineté du mythe 265 ." Mais encore après cette décolonisation, les sociétés de la postcolonie ou de la grande nuit idéologique sont toujours sous le joug du mythe. En ce sens que le mythe dans la société orale indigène est synonyme de savoir, de culture, d'histoire. C'est dans ce sens que « le mythe devient la source de tout savoir, le modèle auquel les générations successives se réfèrent pour maintenir l'ordre des choses : un certain état des rapports sociaux, un certain agencement des thèmes culturels266." À partir de cette réflexion sur le mythe dans les sociétés postcoloniales nous pensons, aussi, que le mythe est la raison de cette contextualisation de la maladie comme une infortune, une malchance, une forme d'anthropophagie. Cette malchance ou ces infortunes conceptualisées par TONDA comme des « affaires du corps " ou encore « chose du corps " ont pour leitmotiv la sorcellerie. Cette sorcellerie qui d'une certaine manière est une attaque mystique perfectionné par une imagination néfaste et mortifère d'un ou des individus du lignage. La maladie du Sida, tout comme la maladie de façon générale, devient le champ et le lieu d'une chasse, d'une guerre nocturne et invisible mais aussi une agape ou banquet de vampire. Le sorcier, le vampire, devient un chasseur de la nuit, un prédateur nocturne à l'image de la chauve-souris ou plus précisément de la chouette. D'ailleurs dans la société gabonaise de la postcolonie, la chouette est un oiseau du malheur qui n'est qu'une métamorphose d'un homme sorcier267. Donc, pour tuer sa proie le prédateur indigène mystique de la postcolonie va se parer de toutes sortes de techniques et d'artifices qui passent par l'inoculation du Sida mystiquement et le cannibalisme imaginaire ou fictif. Nous disons imaginaire car les récits de personnes qui déclarent avoir mangé « la chair humaine peut avoir l'aspect du poisson ou de la viande de boeuf, le sang celui de l'eau ou du vin.268 " A cet effet, toutes les marmites nocturnes, arc-en-ciel, Nzatsi, Kôhng vont servir à capturer, empoisonner et consommer la proie du prédateur indigène de la postcolonie. Ce qui est intéressant c'est le rapport entre la sorcellerie et la nuit. Le sorcier est tout puissant dans la nuit, dans l'obscurité, l'ombre qui est le lieu du trouble, de l'aveuglement, de l'indistinction. La sorcellerie est ce lieu oü le discernement manque. C'est alors le siège de l'imaginaire, le monde de l'irréel qui gouverne les activités et les comportements sociaux des gabonais face à la maladie. C'est une société de la nuit, une société oü l'idéologie est commandée par la violence symbolique, la violence de l'abstraction comme le nomme Jean et John COMAROFF, et que Gilles DELEUZE entend sous le nom de violence de l'imaginaire, et que nous entendons sous le terme de la violence du sens. C'est en ce sens que cette société est une société de la postcolonie, une société sorcellopathe qui considère une maladie de la réalité biomédicale comme une maladie de la

265 Georges BALANDIER, Sens et puissance, Paris, PUF, coll « Quadrige », 1986, p 202.

266 Georges BALANDIER, Ibid, p 202.

267 Dans les années 1992 à Port-Gentil, il y avait un homme qui se transformait en panthère dans la nuit dans le quartier « derrière le centre social » et s'attaquait aux poulaillers, aux moutons et chèvres des concessions voisines.

268 Marc AUGE, « Les métamorphoses du vampire. D'une société de consommation a l'autre », La construction du monde, Paris, Maspero, 1974, p 115.

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nuit, une maladie de la sorcellerie. Une société qui transfigure et réifie tous rapports sociaux à une chose vers un imaginaire, vers un cauchemar qui, pourtant irréel, est réel.

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