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Les mots du sida à  Libreville: métaphores postcoloniales et hétérotopies

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par Yannick ALEKA ILOUGOU
Université Omar Bongo - Master 2012
  

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2) Les métaphores du Sida à Libreville 1d1-1l'1-x11411-K4 I1-4s le Soi : discussion autour de la postcolonialité et de la modernité

Entreprendre une discussion sur l'extérieur et le Soi dans les métaphores du Sida, c'est ouvrir une discussion autour de deux notions qui sont le postcolonialisme et le modernisme dans la société gabonaise. En effet, nous pensons que les métaphores du Sida s'articulent , du point de vue historique de la notion de prévention, sur deux axes historique que nous résumons sous les termes de postcolonialité et de modernité.

Nous disions qu'il y a deux moments qui structurent la réflexion des métaphores du Sida. Le premier moment est cette période de la postcolonie. Dans cette période, les métaphores du Sida sont la manifestation de cette incurie de l'État sur la maladie du Sida. En effet, à travers les discours de membres du gouvernement, à l'instar du Docteur OKIASS, qui énonce que le gabonais est naturellement immunisé contre le Sida, nous avons une lecture de la puissance de l'imaginaire. Le gabonais pense que vivant sur la « terre bénie de Dieu » aucun malheur ne peut, même pas le Sida, les affecter car étant protéger par une puissance invisible, les esprits des ancetres, les génies de l'eau et de la forest. C'est la croyance en ces esprits qui ouvre la spécificité de la pensée postcoloniale dans ce propos. Dans cette période, le Gabon, « pays des dieux », est cloîtré dans un repli identitaire qui cherche à exprimer la maladie du Sida. C'est ainsi que, le Mbumba ou l'arc-en-ciel représentation symbolique d'un serpent mystique sorcier propre aux ethnies de l'Estuaire, du Moyen-Ogooué, de l'Ogooué-Maritime et la Nyanga est une explication du Sida. Ou encore, le Nzatsi (répandue dans toutes les provinces du pays et dans chaque ethnie), le Kôhng (propre à la région du Woleu-Ntem et de l'ethnie fang), le Mbolou (ethnie kota) qui sont aussi cette représentation de la maladie du Sida. Cela dit, la maladie du Sida est dans un repli identitaire. Ce repli s'explique par le fait que chaque ethnie du Gabon cherche à donner une explication au Sida. Mais ces représentations de la maladie du Sida sont profondément, comme nous l'avons montré dans les chapitres précédents, des pensées où le malheur, la maladie du Sida font suite a une attaque en sorcellerie. C'est dire que la maladie du Sida dans cette période de la pensée postcoloniale au Gabon est tournée vers l'extérieur. C'est toujours l'autre qui est à l'origine de la maladie. La maladie du Sida est alors une maladie de l'extérieur, de l'extériorité, du repli identitaire. Ces métaphores sont exprimées dans des espaces hétérotopiques qui prônent la puissance de l'imaginaire. C'est pour ainsi dire des lieux de l'obscurité, de l'ombre, de la grande nuit imaginaire où règnent l'imaginaire et le non-être, la mort. La maladie est en rapport avec ces choses, ce mauvais corps ou ce mauvais sang qui a été inoculé par un agent extérieur, un membre propre ou extérieur au lignage consanguin.

Le second moment est une période où la notion de prévention prend une autorité scientifique au Gabon. C'est-à-dire que le discours sur le Sida, même dans les espaces hétérotopiques propre au sens du populaire, a « radicalement » muté. Les métaphores du Sida n'ont plus rien avoir avec ce discours du sens trivial qui avait pour ossature un besoin d'identification aux puissances imaginaire régnant dans les forêts indigènes de chaque ethnie du Gabon. Nous nous retrouvons dans des métaphores où le Sida est une maladie du sang, une maladie d'amour, une maladie du sexe. C'est dire, au premier abord, que nous avons tourné la

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page d'une extériorité de la maladie vers une individualisation de la maladie. Car le sang, l'amour ou le sexe sont plus proche de la notion de l'engagement de chaque individu face à cette maladie. C'est soit par le sang ou le sexe que nous l'obtenons. Non plus par une quelconque présence extérieure mortifère284. C'est parce que nous ne nous protégeons pas que nous contractons le Sida, l'individu est mis devant sa propre dérive. Il y a une exclusion du bouc émissaire pour accéder à la notion d'individualisme que, d'une certaine manière, la notion de Karma cherche à « révolutionner » dans la religion. Nous entrons dans une société qui sort de l'obscurité du repli identitaire de la maladie du Sida. Une société gabonaise qui démystifie et démythifie les puissances de la nuit comme agent privilégier de la contamination du Sida. Nous accédons à cette société où le Sujet reprend toute sa place dans la société afin de prendre sa responsabilité face à la maladie du Sida longtemps attribué au mauvais regard du chasseur de la nuit imaginaire. Nous accédons, petit à petit, à une société moderne oü l'être reprend le pouvoir et le contrôle de la réalité. Une modernité qui est selon Fidèle-Pierre NZE NGUEMA « l'expression d'un ensemble de circonstance gratuites (...) qui aboutissent au XXème siècle au développement exponentiel des sciences et des techniques.285»

Toutefois, cette réflexion sur ces « tares » à métaphoriser les objets, les choses et les mots en figures de spectres de la nuit de la prestidigitation postcoloniale peuvent, in fine, se comprendre. Il peuvent se comprendre du fait que ces figures font partie intrinsèque de nousmémes. C'est probablement nos fantasmes qui sont imagés au grand jour du réel par les métaphores et les représentations sociales. Et, en ce sens, nous nous accordons avec FOUCAULT quand il dit que « nous ne vivons pas dans un espace homogène et vide, mais au contraire, dans un espace qui est tout chargé de qualités, un espace qui est peut-être aussi hanté de fantasmes ; l'espace de notre perception première, celui de nos rêveries, celui de nos passions détiennent en eux-mêmes des qualités qui sont comme intrinsèques.286»

284 Confère les annexes.

285 Fidèle -Pierre NZE-NGUEMA, Modernité, tiers-mythe et bouc-hémisphère, Paris, Publisud, 1990, p 31.

286 Michel FOUCAULT, Dits et écrits IV, Paris, Gallimard, 1994, p 754.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry