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La contrebande des marchandises aux entrées routières du territoire douanier de la Côte d'Ivoire. Cas du district d'Abidjan

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par Ladji BAMBA
Université de Cocody - Doctorat en criminologie 2012
  

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3-Les théories socio criminelles du crime

La théorie de Sutherland et les théories de quelques sociologues américains aboutissent à un concept sociologique très élaboré du crime et du comportement criminel. Ceux-ci sont considérés comme des faits socioculturels et s`expliquent en fonction de systèmes socioculturels. Le déterminisme biopsychique et l`étroitesse d`une conception purement juridique du comportement criminel semblent largement dépassés (CLINARD, 1953 ; Taft, 1956). Le rôle des facteurs psychologiques et sociologiques dans la formation du comportement criminel peut-être mis en relief par la distinction entre les traits psychogénétiques et sociogénétiques du criminel : les premiers rendent raison du comportement individuel et les seconds l`expliquent dans le cadre des modèles socioculturels. C`est ici que l`individuel et le social interfèrent et que se pose, en particulier, le problème de la motivation de l`acte criminel. La motivation d`un acte qui fait de son auteur un délinquant est toujours strictement individuel. Ni les conditions biologiques ni les conditions d`ordre socioculturel ne remplacent les motivations inhérentes à la conscience individuelle. E. De GREEFF avait raison d`écrire que =` les causes sociologiques ne tiennent que jusqu`au moment où l`on se trouve placé en face de l`homme criminel« (1946). En distinguant l`étude de la criminalité de celle du criminel, De GREEFF a indiqué, très opportunément, la ligne de démarcation entre les deux domaines d`investigation. Ces deux approches sont incontestablement légitimes et doivent être considérées comme complémentaires.

J DOLLARD et ses collaborateurs (1939) ont tenté de systématiser les mobiles des actes criminels dans une théorie psychosociologique. Loin de supprimer le caractère individuel de la motivation, ils en cherchent seulement les racines de l`ordre psychologique et social. Leur hypothèse

fondamentale se résume en cette formule : toute agression est la conséquence d`une frustration. Pour l`étude de la criminalité, qui est un genre d`agression, ils ajoutent à la notion de frustration celle de la crainte de la punition, qui est aussi une forme de l`agression, exercée par les forces pro sociales contre les forces antisociales. Les auteurs de ces deux concepts se proposent d`élucider tous les facteurs réputés criminogènes.

Ils concluent que le niveau de la criminalité dépend des rapports dynamiques de la frustration et de la crainte de la punition. Si les frustrations sont peu nombreuses, la criminalité ne sera pas très forte. Elle ne le sera pas non plus si les frustrations sont nombreuses, mais la crainte de la punition forte. En revanche, si cette crainte est faible et si les frustrations sont nombreuses, la criminalité atteindra certainement un niveau élevé.

Cette théorie évoquée à titre d`exemple suggère un pont éventuel entre la sociologie criminelle, qui étudie les conditionnements externes de la criminalité et considère celle-ci comme faisant partie d`une culture, et les théories purement psychologiques ou psychanalytiques, qui expliquent l`acte criminel à la lumière purement personnel.

La tendance de la sociologie empirique, dont Ferri a jeté les bases et qui est illustrée jusqu`à nos jours par des études importantes, a été dépassée par une conception de la sociologie criminelle centrée davantage sur la théorie sociologique. En effet, l`application la plus importante de la méthode de durkheimienne a été faite sur un problème de pathologie sociale, en marge de la criminalité : le suicide. De plus, une des préoccupations constantes de Durkheim a été la pathologie sociale, le problème du =`normal« et de l` « anormal«.

Il n`y a pas de sociétés connues, déclare-t-il, où, sous des formes différentes, ne s`observe une criminalité plus ou moins développée. Il n`est pas de peuple dont la morale ne soit pas quotidiennement violée. Nous devons dire que le crime et plus particulièrement la contrebande sont nécessaires, qu`il ne peut pas ne pas Otre, que les conditions fondamentales de l`organisation sociale, telles qu`elles sont connues, l`impliquent logiquement. =` Et il conclut : =`par conséquent, le crime est normal. =`Le critère du caractère =`normal« d`un phénomène est pour Durkheim, sa généralité. =`Pour que la sociologie soit vraiment une science de ces phénomènes, il faut que la généralité de ces phénomènes soit prise comme critère de leur normalité« (le suicide, 1897).

Dans toutes les sociétés, on distingue deux types de phénomènes sociaux : d`une part, ceux qui sont généraux et concernent l`ensemble de l`espèce, c'est-à-dire sinon tous les individus, du moins la plupart d`entre eux ; s`ils ne sont pas absolument identiques dans tous les cas, les variations qu`ils subissent sont exceptionnels, et auxquels Durkheim applique le terme de =`pathologiques«.

Durkheim développe des points de vue importants pour la sociologie contemporaine : un fait social est normal pour un type social déterminé, considéré à une phase déterminée de son développement, quand il se produit dans la généralité des sociétés de cette espèce, étudiées à la phase correspondante de leur évolution ; on peut vérifier les résultats de la méthode précédente en montrant que la plupart des phénomènes découlent des conditions générales de la vie collective dans le type social envisagé ; cette vérification est nécessaire quand le fait se rapporte à une espèce sociale qui n`a pas encore accompli son évolution intégrale (les Règles, 1895). La criminalité n`a donc jamais de signification qu`en fonction d`une société et d`une culture particulières.

Cette culture ne comporte pas seulement des éléments matériels, mais aussi des murs particulières, ordonnées, qui reçoivent une signification en fonction du système de valeurs qui lui sont propre.

La théorie de Durkheim a montré qu`un phénomène pathologique, la criminalité contrebandière par exemple n`est pas d`ordre accidentel et ne procède pas de causes fortuites. Au contraire, il est lié =` normalement« à la société, il fait partie de la culture et découle par conséquent du fonctionnement régulier de celle-ci.

Une autre contribution importante de Durkheim à l`explication de la conduite délinquante est constituée par son concept d`anomie. Cherchant les causes du suicide dans divers types de groupes et de sociétés, il en a noté une qui résulte d`un affaiblissement des normes sociales, des forces de contrainte qu`exerce la société sur ces membres en face de l`ambition effrénée (orientée tant vers l`acquisition des biens matériels que vers les symboles de prestige social) que fait naître chez tous les individus la société industrielle capitaliste en plein développement.

La dernière contribution majeure que l`histoire de la sociologie criminelle enregistre est celle de Sutherland. Approfondissant la pensée de Durkheim, Sutherland, que l`on considère à juste titre comme le fondateur de la sociologie criminelle américaine, voit dans la criminalité en général et dans le phénomène de contrebande en particulier un processus socioculturel inhérent à chaque société.

Le comportement criminel plus exactement le comportement du contrebandier s`explique, selon Sutherland, à partir d`un certain nombre de postulats.

Tout d`abord, le processus dont résulte le comportement criminel du contrebandier ne diffère en rien d`un processus de comportement normal.

En deuxième lieu, le comportement criminel du contrebandier est impliqué dans un système social =` associationnel«, tout comme le comportement normal, et chacun d`eux a son mode social organisé systématiquement en groupes, cliques ou unions plus ou moins durables, soumis à une échelle de valeurs respectée.

C`est (troisième postulat) dans un système associationnel, celui des malfaiteurs, que se développe la personnalité du contrebandier. Les mOmes processus de base, l`apprentissage de la socialisation, qui caractérisent l`intégration des personnalités dans une culture, président la formation de la personnalité criminelle du contrebandier. Puis les normes morales en vigueur dans cette culture déterminent l`attitude devant les =`infractions«. Or ces normes n`indiquent aucune répréhension pour les contrebandes par exemple, qui constituent, dans leur cadre, une activité =`normale«.

Les différences individuelles (quatrième postulat) ne jouent pas un rôle dans le devenir de la personnalité criminelle du contrebandier que dans la mesure où la participation du délinquant à la culture criminelle de la contrebande se révèle plus ou moins étroite. Les conflits socioculturels qui ont provoqué la naissance de ces associations =`différentielles« sont également (cinquième postulat) à la base de la personnalité criminelle du contrebandier. Le contrebandier est membre d`associations et de groupes qui l`intègrent comme membre =`normal« d`une société. La désorganisation sociale, c'est-à-dire la décomposition de la société en plusieurs secteurs, en conflit les uns avec les autres, l`affaiblissement de l`effet cohésif de la culture globale et l`apparition de cultures

particulières, les sous cultures sont (sixième postulat) les causes fondamentales du comportement criminel du contrebandier qui n`a de sens que dans une situation conflictuelle.

En définitive, le comportement criminel du contrebandier est lié aux associations différentielles et se développe dans une situation conflictuelle consécutive à une désorganisation sociale, elle-même tributaire d`une désintégration culturelle. La définition du crime que donne Sutherland est la conséquence de sa thèse sur le comportement criminel. Selon lui, il y a crime lorsqu`un individu commet une infraction aux règles en vigueur dans une culture. Pour qu`il y ait crime, il faut que soient réunis trois éléments : les valeurs ignorées ou niées par les criminels doivent être appréciées par la majorité globale ou, du moins, par ceux qui sont politiquement les plus importants ; l`isolement de certains groupes fait que ceux-ci s`écartent des normes de la culture globale et entrent en conflit avec elle ; c`est la majorité qui frappe la minorité de sanctions.

Nous avons vu comment, à travers des études empiriques sur les facteurs de la criminalité, s`est développée, chez Durkheim, une théorie de la sociologie criminelle dont l`apport principal consiste à considérer la criminalité ou le phénomène pathologique comme =`normal«, lié à un complexe socioculturel. La théorie de Sutherland développe ces mêmes idées en intégrant l`étude du comportement criminel dans la sociologie des autres comportements, en associant l`étude de la culture criminelle à l`étude de la culture globale.

C`est cette manière de voir qui a permis à Sutherland de découvrir d`autres formes de la criminalité qui échappent, la plupart du temps, à la répression du code pénal (la criminalité contrebandière).

Il s`agit de violations des normes en vigueur dans une culture donnée.
C`est, par exemple, la délinquance des =`cols blancs«, celle des milieux

économiquement élevés qui transgressent les règles régissant l`activité de leur profession. Leur comportement est semblable à n`importe quel autre comportement criminel, la seule différence étant l`absence d`une sanction légale. Cette manière de voir nous amène à une définition bien plus large de la criminalité : est considérée comme telle toute violation des lois, des normes et des valeurs en vigueur dans une culture donnée. La criminalité réprimée par le code pénal n`en constitue qu`une partie, celle qui est propre, en général, aux milieux déshérités, victimes de rapports de forces existant dans la société. Parmi les derniers =`continuateurs« de ces théories, à surveiller les travaux actuels, d`un =`jeune« étudiant chercheur FAPPANI FREDERIC de l`université de Paris8...

En ce qui concerne cette thèse, un essai de synthèse (théorie fonctionnaliste et de la régulation) est l`approche théorique adéquate pour mieux comprendre le phénomène criminel en général et le phénomène de la contrebande spécifiquement.

La préoccupation est d`établir une synthèse sur le plan des concepts opérationnels qui se font de plus en plus jour. On s`intéresse au phénomène criminel et mettant à l`épreuve de l`expérience et de l`analyse de tous les concepts, qu`ils viennent de la psychanalyse ou de la sociologie. Considérant brièvement deux propositions. L`une est d`un psychiatre, l`autre d`un sociologue ; c'est-à-dire qu`elles ressortent de deux modes différents de réflexion. La pensée de Lagache demeure d`essence clinique, l`intégration des concepts et l`analyse de la criminogénèse s`opèrent au niveau de la thérapeutique. En revanche, la théorie de C.R Jeffrey est plus abstraite et en même temps plus ambitieuse : elle propose un concept de caractère psychosocial pour expliquer toute conduite criminelle ce qui inclut le comportement du

contrebandier. Ainsi, on pense comme Lagache que le psychologue doit analyser la criminogénèse à l`aide des concepts de conduite, de personne, de situation et de groupe. On précise que =`la plupart des situations auxquelles l`homme doit répondre et qui président à sa formation sont des situations sociales. La société est une articulation et une stratification de groupes qui répondent à la diversité de ses besoins et dans chacun desquels il (l`homme) a un statut et un rôle plus ou moins formels et définis«. On récuse le concept étroit de la psycho criminogénèse, qui n`a pas le souci =` des ensembles réels et de l`articulation des déterminants de divers ordres«. Pour nous, comme le pense LAGACHE, (1951) ; la psycho criminogénèse devient la criminogénèse tout court.

Le point de départ est la constatation d`une carence dans l`explication du phénomène criminel et en particulier celui de la contrebande : ni la psychanalyse (théories de Freud) ni la sociologie (théorie de Sutherland) n`ont été capables d`expliquer tous les crimes et tous les comportements délictueux. Au lieu de partir du subconscient ou des groupes sociaux extérieurs à la conscience individuelle, on se fonde sur la théorie de la criminalité sur la notion de la personne socialisée. Le criminel se caractérise, déclarons nous, par une =`dépersonnalisation« sociale : la formation de son =`sur moi« a été défectueuse par suite de son identification imparfaite avec les figures parentales ; son intégration dans la société laisse à désirer : il n`a pas su s`y situer comme il le souhaitait. Il n`a intériorisé les valeurs de la culture globale que partiellement, ce qui le place dans un isolement mental relatif au sein de son milieu. A partir de son concept d`aliénation sociale, JEFFREY s`efforce de démontrer que tous les résultats d`études criminologiques concordent avec sa théorie. Néanmoins, il est à craindre qu`il ne convainque pas beaucoup

de gens. Sa théorie intègre toutes les autres, car elle est plus abstraite. Mais cet avantage ne lui fait-il pas perdre un attribut indispensable à toute théorie scientifique, la prédiction de phénomènes spécifiques ? On peut se demander s`il est possible d`élaborer une théorie intégrée du crime et du comportement.

On est tenté de répondre par la négative. Tout d` abord, en effet, ce qui constitue un délit est déterminé par la loi ; or celle-ci est l`expression des aspirations d`une partie plus ou moins importante des diverses couches sociales qui constituent la société.

Dans ces conditions, la législation criminelle ne représente pas une ~uvre rationnelle, fondée sur certains critères logiques, mais elle résulte de l`évolution des murs d`une société particulière. La pérennité relative de certaines lois ne reflète que l`évolution particulièrement lente des idées morales. Il serait plus facile, sans doute, de développer une théorie générale du comportement déviant où des critères physiologiques, psychologiques et sociologiques assez sûrs rendraient possible un raisonnement scientifique.

À la sortie du bilan des explications partielles des théories ci-dessus évoquée on retient que trois paradigmes s`en détachent.

On sait que depuis la fin des années soixante, trois paradigmes, considérés tantôt comme concurrents tantôt comme complémentaires, dominent la réflexion dans la sociologie de la délinquance. Le premier privilégie l`étiologie du comportement criminel afin de mieux cerner les conditions du passage à l`acte. Il se nourrit d`une tradition qu`illustrent les travaux de GLUECK (1950) aux Etats-Unis, de H. GOPPINGER (1986) en Allemagne, de B. di Tullio (1967) en France. Le deuxième prend comme point de départ l`acte criminel : il fait du délit l`élément central d`un affrontement entre le délinquant et la victime, d`une part, et le

délinquant et les forces de l`ordre, d`autre part. Ce paradigme s`enracine dans la tradition écologique de l`école de Chicago (Shaw et McKay, 1942) et l`école de l`écologie sociale (HAWLEY, 1950). Le troisième paradigme se propose d`expliquer la criminalité comme phénomène collectif, ses déterminants et ses mouvements. Le problème majeur concerne le contrôle social considéré comme un mécanisme de la réaction sociale au phénomène criminel. Qui définit le comportement de qui comme étant déviant ou délinquant ? Quelles sont les relations entre les variations des mouvements de la criminalité et les transformations dans l`organisation socioéconomique, dans les systèmes des valeurs, des normes qui président à l`intégration ou à la désintégration sociale ainsi que l`organisation socio judiciaire du contrôle social ? Ce dernier paradigme est issu de deux traditions distinctes : Sutherland (1941), CRESSEY (1972), SELLIN (1985), CLOWARD et Ohlin (1960) se réfèrent à la conception durkheimienne de la pathologie sociale, de la normalité et de la déviance, de l`anomie ; au courant interactionniste qui souligne l`importance des mécanismes de la reproduction de la délinquance par l`organisation du pouvoir dans la société se rattache Becker (1986) et Goffman (1968).

On dit que les deux premiers paradigmes sont de nature psychosociologique et que leur domaine d`applications est essentiellement microsociologique.

Le troisième paradigme est de nature socioculturelle. Il est opératoire sur le plan macrosociologique.

Tous ont en commun l`acceptation de l`incrimination judiciaire comme critère du phénomène étudié. Exception faite de certaines tendances de l`interactionnisme symbolique, ils ne se réfèrent donc pas à la =`déviance«, notion purement sociologique.

Par ailleurs, chacun des trois paradigmes éclaire et évalue le fait pénal à la lumière de son contexte psychosocial ou socioculturel. La démarche est donc spécifiquement sociologique, elle n`est pas normative (juridique, philosophique ou politique).

A la suite des conflits épistémologiques et méthodologiques qui ont durement secoué les sciences sociales à partir des années soixante (GOULDNER, 1970, Bell, 1973) et dernièrement Boudon (1986), il n`est pas possible de considérer, actuellement, le corps de connaissance sur la société comme un ensemble ayant une cohérence logique généralement acceptée par la communauté scientifique. Comme à la fin du XIXe siècle, les écoles de la pensée opposées partagent l`allégeance des chercheurs.

Il faut tenir compte de cette diversité en regroupant ici les analyses contemporaines de la sociologie de la délinquance à partir de leur engagement paradigmatique. Il s`agit de types idéaux, puisque les recherches sont classées d`après leur trait dominant. Une période d`intégration des connaissances suivra, sans aucun doute, l`actuelle balkanisation de la science sociale.

On retient comme premier paradigme : le paradigme de comportement délinquant.

La psychologie sociale inspirée par l`uvre de Kurt Lewin (1933) est à l`origine de cette démarche. B= (P) (E) est la formule qu`il propose. La conduite (B) est fonction des caractéristiques de la personne (P) et de son milieu de vie (E). Des premiers travaux combinant les facteurs psychologiques et sociologiques dans une explication intégrée n`ont connu qu`un succès partiel. Ils privilégiaient, en effet, soit les facteurs psychologiques (JESSOR et al. 1968, 1977), soit les facteurs

sociologiques (REISS, 1951 ; Martin et FITZPATRICK, 1965 ; Szabo et al. 1968), soit l`approche multifactorielle (West, 1982). Certains travaux ne visaient qu`un phénomène spécifique tel que la violence (Wolfgang et FERRACUTI, 1967). Il fallut attendre les travaux de HIRSCHI (1969), de GOTTFREDSON (1984) et de Fréchette et Leblanc (1986) pour que l`intégration théorique des variables soit postulée et vérifiée plus systématiquement.

L`hypothèse suivante est retenue : la conduite délinquante est la conséquence d`une défaillance des mécanismes de régulation sociale. En d`autres termes, il y a contrebande parce qu`il y a défaillance des mécanismes de régulation sociale. Les systèmes de contrôle sont défaillants, il y a surestimation de taxes et droits de douanes et problème dans l`application des sanctions aux contrebandiers. Les relations positives de l`individu avec la société sont ténues, ce qui explique un retard dans le développement psychologique et des lacunes dans l`influence qui résulte de la contrainte sociale. La défaillance des mécanismes régulateurs engendre une conduite délictueuse à intensité variable. On observe, outre une marginalisation dans le cadre scolaire. Les conditions structurelles jouent enfin un rôle important, parfois déterminant : sexe, statut social de la famille, niveau d`intelligence du sujet.

Les liens sociaux représentent ici un degré d`attachement aux personnes du milieu ainsi que le degré d`engagement à l`égard des institutions sociales telles que la famille, l`école, le voisinage, etc. la contrainte sociale comprend l`intériorisation des normes, c'est-à-dire la contrainte interne et la pression du milieu, en d`autres termes la contrainte externe. La conformité ou la déviance par rapport au rôle normal de l`adolescent de ce groupe d`âge y sont indiquées. La nature du fonctionnement

psychologique résume le processus de l`atténuation progressive de l`égocentrisme naturel, l`affaiblissement de la primitivité, de la négativité, de l`insécurité, de l`isolement, en un mot, de l`hyposocialité.

Ces deux éléments psychologique et sociologique ne sont cependant pas articulés de façon aléatoire. Les mécanismes du fonctionnement psychologique se trouvent dans une situation d`interdépendance par rapport aux liens sociaux. Cette interdépendance est relevée dans l`histoire de la socialisation du jeune. La contrainte sociale intériorisée préserve l`adolescent des pressions vers l`activité illicite comme celle de la contrebande. Le développement d`attitudes non-conformistes s`exprime dans le rattachement à des pairs déviants et à des conflits au sein de l`école. Le support psychologique de cette attitude se caractérise par des liens interpersonnels insuffisamment noués, qui provoquent un développement psychologique incomplet et qui portent aussi les marques d`une contrainte sociale défaillante.

L`idée première met en évidence les deux pivots structurels sur lesquels reposent les mécanismes de régulation : le niveau d`intelligence et le statut social de la famille. Le premier a un impact déterminant sur le fonctionnement psychologique. Le second pèse sur la nature du développement des liens sociaux. La dichotomie sexuelle exerce une influence générale sur les composantes de la régulation sociale ; elle conditionne aussi le degré de délinquance.

La seconde idée repose sur un degré mesurable de =` dyssocialité« résulte de l`interaction de ces variables psychologiques et sociales. L`égocentrisme comme variable psychologique apparaît plus important que les variables sociales dans la dynamique de développement des conduites délinquantes. Une typologie de personnalité délinquante, basée sur une combinaison de variables d`ordres psychologiques et

sociologiques et qui s`exprime dans la conduite délinquante, se dégage des recherches poursuivies par (FAVARD, 1983, Fréchette- Leblanc, 1986 ; FINKENAUER, 1984 ; HIRSCHI, GOTTFREDSON, 1983). La délinquance d`occasion et de transition est circonstancielle ; elle a moins de 10% de chances de persister jusqu`à l`âge adulte. Elle n`est ni dépistable ni prévisible. La seule façon de contenir ce type de délinquant est l`action sur des grandes institutions de socialisation et de régulation sociale : la famille, l`école, le milieu de travail et le voisinage. Les délinquants de condition peuvent se classer en quatre sous-types distincts : Le délinquant marginal se caractérise par une conduite délinquante sporadique. Pour lui, les déficits accumulés ainsi que les effets d`une socialisation par des groupes délinquants ne sont pas considérables. L`action sur cette forme de déviance passe par des instances sociales et judiciaires qui aident à la réintégration sociale et à la restauration des liens sociaux.

Le délinquant immature manifeste une conduite persistante dans la délinquance sans cependant se rendre coupable de délits de gravité. Il se distingue par un certain désengagement social, l`approbation de schémas de références criminelles et une immaturité psychologique notable. Souvent récidiviste, il bénéficiera dans de nombreux cas, après s`Otre rendu coupable d`actes assez graves, d`un internement rééducatif. Les délinquants à structure névrotique entretiennent des rapports appauvris avec autrui, et s`impliquent insuffisamment dans des rôles socialement positifs. Leur désengagement social est nourri par une ambivalence psychologique qui provoque une attitude conflictuelle avec autrui et avec les institutions. Seule une approche psycho éducative institutionnelle peut modifier ce type de comportement.

Enfin, le délinquant persistant grave présente un risque élevé de récidive et s`engagera dans la carrière criminelle à l`âge adulte. Son concept de soi négatif, sa méfiance, son hostilité systématique à l`environnement qui est le sein le placent dans une sorte de vide et le font basculer dans un milieu antisocial articulé et structuré. Sa personnalité égocentrique cristallisée laisse peu de choix sur la nature de l`intervention à son égard : les tribunaux, les institutions rééducatives et punitives seront préférées. La clarification des valeurs suivie d`efforts de modification de comportement doit être tentée. Les chances de succès semblent minces : plus de 90% de ces délinquants se retrouvent dans les carrières criminelles adultes, c`est le cas sans doute du contrebandier qui lui prolifère dans les activités économiques souterraines et illicites.

Le second paradigme est : l`acte criminel

Ce second point de vue théorique centre l`attention sur l`acte et les décisions qui conduisent au passage à l`acte délinquant. Les prédispositions, les pulsions qui y mènent, si importantes dans le paradigme étiologique, jouent ici un rôle secondaire. Au lieu de se demander =`comment des individus deviennent-ils délinquants ? =`, On s`interroge sur les circonstances qui permettent aux tendances criminelles de provoquer un passage à l`acte. Il est tenu compte aussi bien des circonstances dans lesquelles se produisent des délits que des résultats anticipés qui s`incorporent dans la structure de la prise de décision d`accomplir l`acte criminel. L`occasion, l`opportunité jouent un rôle déterminant dans le déclenchement de l`acte criminel ainsi que la logique et la rationalité propres à ce type d`action. Celui-ci apparaît, en effet, comme le fruit d`une évaluation rationnelle du pour et du contre.

Ainsi l`analyse stratégique basée sur le paradigme de l`acte criminel propose les questions suivantes à l`attention du chercheur (CUSSON, 1986).

Quelles sont les étapes du processus de prise de décision qui conduisent au crime ?

Comment les délinquants préparent-ils et exécutent-ils leurs délits ? Quelles fins poursuivent-ils ?

Lors du passage à l`acte pourquoi optent-ils pour tel type de délit, tel type de victime ?

Les risques anticipés du délit (arrestation, condamnation) sont-ils pris en considération lors de la décision de passer à l`acte ?

Quelles considérations entraînent la décision d`entrer ou sortir d`une carrière criminelle ?

Les travaux de FELSON (1983) renouent avec la tradition écologique des sociologues de Chicago postérieure à la première guerre mondiale. Ils saisissent l`activité criminelle comme une activité habituelle se projetant dans le temps et dans l`espace.

Les conditions nécessaires à la perpétration d`un crime prédateur sont : l`existence d`un délinquant potentiel, d`une cible intéressante et précise, etc., l`absence de gardien capable de prévenir l`agression. La valeur de l`objet convoité, sa visibilité, son accessibilité, son inertie, tels sont les traits qui précisent la vulnérabilité d`une cible. L`évolution de la société américaine l`expose plus particulièrement à la convoitise des éléments prédateurs et criminels donc à la contrebande au même titre que la société ivoirienne en pleine modification. Pour palier ces difficultés un système de contrôle doit être de vigueur pour dissuader les contrevenants éventuels.

L`expression =`système de justice criminelle« est relativement récente. Elle est apparue à la suite des travaux du national crime commission du gouvernement américain au cours des années soixante. Il s`agit d`un concept qui considère la totalité de l`appareil pénal comme un ensemble d`instances interdépendantes, au service d`un objectif commun. La protection de la société constitue la finalité du système. Les soussystèmes (police, tribunaux, organismes chargés de l`exécution des sanctions) ont chacun leurs missions et leurs fonctions propres ; l`évolution historique leur a cependant souvent assigné des objectifs qui ne prennent pas en compte la finalité commune au =`système«.

Le traitement de la criminalité par l`appareil institutionnel que la société s`est donnée à cet effet constitue la quatrième clef du paradigme. L`objectif général oscille entre le modèle de rejet et celui de l`ingestion. Avant le XIXe siècle, c`est le premier qui dominait. Les châtiments corporels, dont la peine de mort, le bannissement, la réduction à l`état de servitude (la condamnation aux galères par exemple), l`enrôlement forcé sous les drapeaux permettaient de libérer la société de la présence d`éléments indésirables. Avec l`avènement de la philosophie humanitaire des encyclopédistes sur le continent et des philosophes utilitaristes dans les pays de tradition anglo-saxonne, c`est le deuxième modèle, celui de l`ingestion, qui a prévalu. On a gardé les condamnés en cellule, souhaitant qu`ils s`amendent, et on est venu à leur offrir des moyens pour s`amender. La prison est devenue paradoxalement, un lieu de formation (morale, intellectuelle et professionnelle) et pas seulement de punition. La foi dans les vertus salvatrices des apprentissages, du travail, de la continence physique et morale, etc., qui imprégnait la philosophie de l`éducation s`est étendue à ceux que la société sanctionnait.

La naissance des sciences humaines a coïncidé avec l`émergence du modèle d`ingestion. Elles offrirent tout naturellement leurs services à

l`humanité souffrante comme à ceux qui devaient assurer un bon gouvernement aux hommes. Plusieurs penseurs ont souligné le lien entre l`orientation des recherches en sciences sociales et l`idéologie (ou la philosophie morale) dominante. Parmi les plus influents, notons Michel Foucault. L`émergence puis la prédominance de l`idéologie égalitaire ont profondément influencé les sciences sociales au cours des dernières années. La surreprésentation systématique des personnes issues des classes sociales moins bien nanties dans les populations pénales interpellait la conscience sociale des chercheurs comme celle des réformateurs. C`est ce sentiment-là qui est à l`origine de nombreuses recherches consacrées, au cours des dernières décennies, à l`étude du pouvoir discrétionnaire de la justice et à la manière de l`exercer. Le système de justice pénale fut considéré par beaucoup comme le =` producteur« principal de la criminalité. Ce fut, en tout cas, une des thèses de l'école interactionniste.

Pour Maurice CUSSON, « pour comprendre l`action d`un individu (du contrebandier), il faut prendre au sérieux les raisons que celui-ci invoque pour justifier de son acte ». CUSSON introduit la notion de rationalité chez l`acteur. Il émet par ailleurs l`hypothèse selon laquelle « la délinquance doit être vue comme un choix de vie, car le délinquant adopte le raisonnement selon lequel violer la loi lui apporte plus d`avantages que d`inconvénients. » Toujours pour le même auteur, le crime apporte du plaisir à court terme mais à long terme, il conduit inéluctablement à la prison et/ou à la mort. Le mode de vie du délinquant serait fondé sur un mépris du futur et à la prédominance de l`immédiat. L`acte déviant est alors « conçu comme le résultat d`une décision prise par des individus soucieux de maximiser leur satisfaction. »

Dans le déterminisme, on notera notamment l`apport de Laurent s. Pour ce dernier, « l`augmentation actuelle du sentiment d`insécurité et de la violence s`explique par deux facteurs principaux : d`une part, la crise économique et sociale (fin des Trente glorieuses, hausse du chômage et emplois précaires, particulièrement chez les jeunes) et d`autre part, le problème de représentation politique (les hommes politiques perdraient toute crédibilité) » expliqueraient l`émergence d`une société violente. Pour Sébastien Roché, sociologue, les causes de la délinquance ne seraient pas uniquement d`ordre économique et social. Pour lui, « l`augmentation de la délinquance serait liée à l`essor du mode de vie individualiste : les solidarités classiques étant moins fortes qu`avant, chacun verrait autrui comme quelqu`un à utiliser. » Dans cette perspective théorique, la question sous-jacente à ce débat est alors de voir pourquoi certains individus deviennent déviants alors que d`autres, dans des circonstances et dans des contextes identiques n`adoptent pas les mêmes comportements et ne partagent sans doute pas toutes les mêmes valeurs : par exemple, tous les chômeurs qui vivent en banlieue ne deviennent pas des criminels. Autrement dit, dans des conditions égales, tous les individus en présence ne vont pas transgresser les normes.

On retiendra également l`apport de Robert K. Merton dans une approche de type inégalitariste. Pour ce sociologue, les mutations engagées ce siècle dernier tiennent une place prépondérante dans l`analyse, notamment avec l`avènement de l`idéologie individualiste. Pour Merton, les inégalités sociales tiennent un rôle à ne pas négliger dans l`émergence de la contrebande. D`après MUCCHIELI, « Merton serait le premier à comprendre l`importance du décalage entre les aspirations à la

réussite sociale qu`encourage l`idéologie individualiste des sociétés modernes et la réalité des inégalités sociales (et raciales) qui, en réalité, n`offrent pas les moyens d`y parvenir à chacun. » Cette idéologie individualiste étant largement diffusée par la société consumériste actuelle.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci