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La contrebande des marchandises aux entrées routières du territoire douanier de la Côte d'Ivoire. Cas du district d'Abidjan

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par Ladji BAMBA
Université de Cocody - Doctorat en criminologie 2012
  

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III-2- Cadre de référence théorique

On élabore une théorie scientifique afin de rendre plus explicite le travail. Ainsi la théorie est définie par le professeur MBAYA comme « une présentation cohérente et logique d'un ensemble des lois et principes rattachés à un phénomène global saisi dans la diverse particularité.»

Sans une théorie explicative, la vie en société serait toujours à un stade traditionnel, il serait impossible de voir clair dans la façon de voir les choses en société et d'exprimer nos besoins. Pour rendre claire l`idée de la thèse, on défini la théorie avec Foulquier G comme « une construction intellectuelle par laquelle un ensemble des lois particulières sont rattachées à un principe qui les expliquent, les justifient et elles peuvent être réduite logiquement » Cette définition, disons lorsqu'on parle d'une théorie scientifique il y a les éléments ci-après :

- Elle est par nature le résultat d'une recherche, d'une observation systématique et méthodique sur le phénomène de même nature ou sur le fait global ;

- Elle doit être vérifiable par d'autre et communicable ; - Elle part d'un fait et explique le fait ;

- Elle s'exprime en de terme clair, précisant ambiguïté et cela défini à l'avance.

Dans le cadre de ce travail on a fait appel aux théories fonctionnalistes

=`Ce sont, les théories dans ce cas précis de la recherche les plus appropriées dans les explications du phénomène de dysfonctionnement économique comme la contrebande, la fraude et la corruption etc., aux théories de la régulation et certaines théories socio criminelles du crime afin de rendre plus scientifique l`étude.

Ces différentes théories portent un intérêt sur les motivations des individus, sur leurs besoins, au détriment de questions plus fondamentales telle que la survie de la société son adaptation à l'évolution. Il n'y a pas que les hommes qui ont des besoins, tout système a des « besoins » et c'est en fait ses membres qui ajustant leurs comportements en conséquence. Ce qu'il faut expliquer, c'est comment fonctionne ce système, c'est comment s'ajustent les comportements des uns par rapport aux autres. La question des fonctionnalistes n'est donc pas celles des individus dans l'organisation, mais celle de la survie de l'organisation dans un monde qui change et de la façon dont s`adaptent les personnes. Ce qui est vrai pour l'individu est aussi vrai pour les structures. Elles sont une réponse aux attentes, à ce que la société demande en traduit en termes de valeurs.

1-Les théories fonctionnalistes

Elles interprètent la contrebande comme un phénomène de

dysfonctionnement du système socio-économique ; ou des personnes profitent de l`économie et de la société sans y apporter en retour quelque chose dans son équilibre fonctionnel.

Jean-Louis Rocca reconnaît la nature systémique de la contrebande, mais souligne son caractère fonctionnel, qui permet de surmonter un marché segmenté et de redistribuer les profits parallèles au niveau local, au niveau de l`unité de travail ou à travers les réseaux traditionnels des relations. « Pour les officiels, la contrebande est le prix à payer afin de gagner le respect de leur pouvoir et de maintenir des relations néotraditionnelles. » IL serait essentiel pour les cadres de redistribuer l`ensemble ou une partie des profits de la contrebande, afin de couper court à d`éventuelles dénonciations de leurs subordonnés ou de leur clientèle. La lutte contre la contrebande est elle-même aperçue sous l`angle instrumental ! Les autorités centrales tentant de canaliser le mécontentement populaire par rapport à la contrebande. Une lutte réelle contre la contrebande menacerait la croissance économique fondée sur l`informalité, sur « la superposition entre le public et le privé, le politique et l`économique, le légal et l`illégal, le légitime et l`illégitime ».

La contrebande est ainsi envisagée comme un mode de régulation du processus de transition où le pouvoir est censé instrumentaliser la contrebande en « corrompant » tout le monde, du haut en bas de l`échelle, dans la sphère économique de l`utilité, et instrumentaliser la lutte contre celle-ci afin de régler les comptes entre diverses factions dirigeantes. Ce point de vue à la fois fonctionnaliste et culturaliste est

utile pour comprendre la tolérance publique vis-à-vis de la contrebande, mais il doit Otre articulé avec ses enjeux économiques si l`on veut comprendre la dynamique du phénomène. Entre la contrebande « blanche », liée à l`économie informelle et universellement acceptée, et la contrebande « noire », impliquant le trafic d`influence et universellement condamnée, il existe en effet toute une zone de corruption « grise » impliquant l`échange indirect de pouvoir contre de l`argent, qui favorise l`économie spéculative avec la participation active des ménages ne possédant pas de pouvoir politique (le marché boursier est le principal véhicule de ce phénomène et la correction des cours pourrait révéler brutalement qui sont les éternels gagnants du grand jeu). Il existe, à l`évidence, un certain degré de corruption indispensable pour légitimer les pratiques informelles et illégales, mais il ne faut pas perdre de vue que les profits de la contrebande suivent la pyramide hiérarchique, qu`ils sont très concentrés, comme le montre la concentration de l`épargne privée, tandis que ses coûts sont dilués dans l`ensemble de la société. Si l`on s`en tient qu`à la sphère de l`utilité, il est clair que l`opinion publique ne réagit pas tant que la dilution des coûts semble légère au regard des bénéfices de la croissance économique Cf. Yves Mény, dans La Corruption internationale, colloque (...)

La contrebande est ainsi perçue comme le prix inévitable du dynamisme économique dans la période de transition, mais quand ses coûts en viennent à excéder ses bénéfices, il faut s`attendre à de fortes réactions.

L`analyse fonctionnaliste de la contrebande est souvent mOlée à des interprétations culturalistes qui tendent à confiner les Etats à une dimension locale, envisagée comme le niveau le plus concret de la réalité. Bien que le processus de transition s`accompagne d`une restructuration des formes de domination traditionnelles au niveau de

l`unité de travail et au niveau local, à travers les réseaux de relations et le clientélisme, on ne peut guère réduire la tradition des Etats à cette dimension, sans quoi il n`y aurait pas de parti État... En Cote d Ivoire comme ailleurs, le monopole de la violence et de l`extraction fiscale est fondé sur la croyance collective ou la prétention d`incarner un idéal de bien public qui, dans la tradition, prend la figure de l`administrateur intègre ou de l`empereur vertueux, représentant l`intérOt public (bonne gouvernance) par opposition aux intérêts privés (népotisme et clientélisme). La tradition en Cote d`ivoire, comme toute grande tradition, est conflictuelle, officielle et non officielle, et plus précisément, pour le sujet qui nous concerne, locale et centrale. C`est ce caractère conflictuel qui lui a permis de survivre à travers les siècles, d`échapper aux pièges de la centralisation fossilisante ou du démembrement localiste.

La lutte contre la contrebande constitue donc un enjeu symbolique essentiel en termes de légitimité, sur lequel le pouvoir ne peut se dispenser d`agir. Or toute action en ce sens, dans le cas ivoirien, menace une série d`intérOts particuliers créés par la décentralisation, au nom des intérOts supérieurs de l`État. Pour comprendre ce point de vue, il faut entendre la décentralisation au sens large, comme une délégation du pouvoir économique non seulement à des autorités territoriales (provinces, préfectures, municipalités, districts), mais aussi à des monopoles sectoriels (comme par exemple les corporations d`importexport) et à des institutions centrales comme l`armée, la police, et le système judiciaire. Selon l`analyse de Jacques Andrieu, qui fournit de nombreux exemples du processus de corruption et de criminalisation, la formation d`une économie communautariste au niveau local, sectoriel et institutionnel serait responsable de l`extension du phénomène. Dans la mesure où les identités et l`appartenance à des groupes sont les seuls critères régulant les relations sociales (les réseaux familiaux, religieux,

régionalistes ou clientélistes marquant les limites entre la sphère sociale de la proximité et la sphère anonyme et abstraite de la citoyenneté), le " bien public » se présente comme un objet impersonnel et désincarné, juste bon " à être pris par tout le monde, puisqu`il n`est attribué à aucune personne, individuelle ou morale, discernable ». De nouveaux codes de proximité et de réciprocité abolissent la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, constitutive de l`État moderne, et contribuent à sa déliquescence. La Côte d`Ivoire renoue ainsi avec son histoire coloniale, où le problème de l`État « n`était pas d`étendre sa souveraineté sur les individus, mais de soumettre des communautés organiquement liées à son pouvoir et de les faire coexister au sein d`une entité, la Côte d`Ivoire, qui n`est devenue nationale que depuis un peu moins d`un siècle ». En d`autres termes, le problème ne serait pas de construire un réel État moderne, mais de maintenir sa capacité de régulation sur le processus de corruption et de criminalisation dirigé par des communautés décentralisées aussi longtemps qu`il reste économiquement positif, en évitant les écueils d`un laxisme excessif envers la prédation ou d`une rigidité bureaucratique tuant la poule aux ~ufs d`or.

Cette vision a l`avantage de clarifier la rationalité de la corruption et de la criminalisation au niveau décentralisé, tout en introduisant sa dynamique de régulation (et pas nécessairement d`instrumentalisation) au niveau central. En insistant sur la puissance des solidarités familiales, claniques, locales ou au niveau des unités de travail, sans pour autant la lier à la redistribution automatique de la majorité des profits parallèles, ce qui n`est certainement pas le cas, elle permet d`appréhender la légitimité de la corruption et même de la criminalisation au niveau local, les solidarités de proximité étant plus prégnantes que l`abstraction d`une « citoyenneté » par ailleurs vécue très concrètement comme une sujétion.

Ce modèle reste toutefois assez statique au niveau central, l`oligarchie à l`ivoirienne y est envisagé comme un ensemble monolithique incapable de s`adapter à des situations nouvelles. La flexibilité étant réservée à l`échelon local. En réalité, la situation est beaucoup plus conflictuelle et ouverte. D`une part, le processus d`appropriation et mOme de pillage des actifs publics ouvre la voie à une compétition féroce entre diverses institutions et chasseurs de rentes, tandis que le problème de la contrebande, comme on l`observe ailleurs, peut Otre instrumentalisé à un niveau sans précédent dans la compétition politique entre diverses factions dirigeantes. D`autre part, l`appareil d`État central ne peut être totalement corrompu et criminalisé, sans quoi sa légitimité serait ouvertement mise en cause par des pouvoirs locaux liés au crime organisé.

Pour comprendre la structuration de nouvelles formes de « légitimité criminelle », il faut revenir sur la relation entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux, qui s`avèrent historiquement décisive dans la formation des mafias. Comme le montre l`exemple de l`Italie du Sud, le pouvoir central délègue officieusement une part de sa souveraineté à des élites traditionnelles et clientélistes, qui tout en assurant de concert avec les autorités officielles les tâches d`arbitrage et de maintien de la loi et de l`ordre, Cf. Pino Arlacchi, Mafia et Compagnie : l`éthique mafiosa...

Ce modèle est souvent pertinent pour les sociétés démocratiques comme le Brésil, avec le trafic de cocaïne dans le bassin amazonien Cf. les rapports de mission de Christian Geffray (ird), mais il peut atteindre des dimensions systémiques dans certaines sociétés d`Asie du Sud-Est en voie de démocratisation. Carl A. Trocki a montré que la politique locale en Birmanie, en Thaïlande et aux Philippines est ou a été dominée par des individus violents, meurtriers ou assassins par procuration, « des

gangsters assez particuliers... impliqués dans la drogue, la prostitution, le jeu et l`extorsion Cf. Carl A. Trocki, Ed., Gangsters, Democracy and the State ou délinquants, démocratie et Etat. La Côte d`Ivoire en général et le district d`Abidjan en particulier, semblent assez loin de ce cas de figure où les criminels pourraient accéder au pouvoir, mais par contre assez proche de la situation inverse, où le pouvoir, et spécialement le pouvoir de coercition, donne accès aux profits du crime.

Avec la reconversion idéologique de la bureaucratie vers le nationalisme, et sa reconversion économique par l`appropriation et la valorisation des actifs publics, la décentralisation n`a pas supprimé les monopoles, elle les a démultipliés. Dans leur nouvelle peau de managers, les autorités locales, les autorités centrales disposant d`un monopole, ou mOme certaines institutions centrales comme l`armée, la police armée, la sécurité publique et le système judiciaire ont tendance à maximiser les profits des activités économiques sous leur tutelle en limitant toutes les formes de concurrence. Or la mise en ~uvre d`une réduction volontaire de la concurrence suppose, l`existence de réseaux administratifs coercitifs (fiscaux, douaniers, policiers, etc.) souhaitant tirer profit de cette politique. Ces réseaux assument à la fois des fonctions de régulateurs, de gardiens et de chasseurs de rentes, et leur emprise s`exerce aussi bien dans le champ de l`économie illicite et criminelle.

On peut donc appliquer ce schéma à l`économie illicite et criminelle en utilisant la classification des profits souterrains faite dans le célèbre ouvrage de He Qinglian, Cf. Xiandaïhua de xianjin: dengdaï Zhongguo de jingji...

Les principales sources de profits criminels sont donc la contrebande,
l`émigration clandestine, le trafic de stupéfiants, la prostitution, le trafic
d`Otres humains, le jeu, la contrefaçon, y compris la contrefaçon de

monnaie et de documents. À la trilogie traditionnelle des profits criminels qu`on retrouve ailleurs, notamment la prostitution, le jeu et le trafic de stupéfiants, le district d`Abidjan ajoute la contrebande, le trafic d`Otres humains et la contrefaçon à son actif. Bien qu`il soit par définition difficile d`évaluer ces profits, il est clair que l`économie criminelle s`est développée à un niveau sans précédent dans les années quatre-vingtdix, au point de représenter une part non négligeable de l`économie souterraine.

Ce climat général est favorable à la "collusion entre les policiers et les gangsters», "les gendarmes et les voleurs» (que l`on retrouve aux frontières du pays et aux entrées routières du district, où certains grands trafiquants ont pu s`entourer de policiers comme complice de leur activité). En Côte d`ivoire, où l`on peut se procurer librement des équipements et des uniformes de police de nos jours du fait de la guerre, cette collusion s`incarne dans les « faux policiers », souvent dénoncés dans les médias, qui rackettent les citoyens ordinaires.

Cette situation peut-être due aux effets pervers de la crise politicomilitaire et de la gestion de l`ordre public, qui a conduit à la prolifération des milices armées locales, sans parler du problème du recrutement. La Sécurité publique a découvert que certains de des nouvelles recrues étaient auparavant impliqués dans des conflits entre bandes rivales, dans le vol etc. Et qu`une majorité de jeunes chômeurs avaient intégré ses rangs sans passer par les procédures habituelles d`examen. Aussi le gouvernement devrait décider sous peu, de "remettre en ordre les forces de l`ordre», afin de réduire l`insécurité et d`améliorer la réputation de la police, de la gendarmerie et de la douane. Mais cela ne renverse pas réellement les tendances dénoncées fréquemment dans la presse. Selon certains Quotidiens, par exemple, <<Ici, un marché de médicaments de contrebande (Adjamé-Roxy) , opérant sans licence est installé pas loin

d`un commissariat à Adjamé>>. A Roxy on peut parler d`une usine à ciel ouvert de cigarettes, d`alcool de médicaments prohibés et de diverses marchandises de contrebande. Les activités de contrebande et de revente des marchandises illégalement introduites sont menées au grand jour, devant les départements censés représenter la loi. Ces exemples sont plus courants. Comme l`explique crûment des agents de la sécurité publique « Il y a trop d`affaires criminelles embarrassantes. Et l`on prend trop de risques? si les enquOtes sont menées sérieusement>>. Ces risques ne sont pas à prendre à la légère, si l`on s`en tient à la demande de certains officiels, qui ont souhaité d`une même voix que les unités chargées de la lutte contre la contrebande et la corruption par la Cour suprême et celles subordonnées du parquet soient équipés de gilets pare-balles. On touche ici au cur de la relation entre contrebande et criminalisation. L`économie criminelle fournit différents services illégaux à des particuliers. Elle corrompt afin d`obtenir l`impunité et d`asseoir sa légitimité, mais elle a besoin de la violence ou de la menace pour éliminer la concurrence sur les marchés illicites ou neutraliser la menace de châtiment. La corruption ou la redistribution des profits criminels, la « promesse d`un bien », selon la formulation de Christian Geffray, alterne avec la violence ou « la menace d`un mal » comme moyen indispensable de son développement et de sa « légitimité » locale.

Mais quand la structure des profits criminels est strictement régulée par les représentants de l`État à tous les niveaux, qui disposent du monopole de la violence, le recours à la violence pour instaurer un monopole territorial sur les marchés criminels n`est plus indispensable, comme on l`a vu dans la sphère légale, et le degré de criminalisation peut même progresser dans un contexte général de pacification des relations

sociales... à condition de ne pas remettre en cause la stabilité économique. Dans le cas Ivoirien en général et du district d`Abidjan en particulier, la trilogie traditionnelle des profits criminels-trafic de drogues-de marchandises diverses, jeu et industrie du sexe au sens large n`affecte pas l`équilibre général, mais on ne peut pas en dire autant de la contrebande et de la contrefaçon. Les douanes estiment leurs pertes annuelles dues à la contrebande à 15 milliards de franc Cfa, soit plus du dixième des importations ivoiriennes, Cf. <<Rapport des douanes ivoiriennes 2007>>. Mais, selon un rapport plus récent de 2001 à 2008, on a recensé de 420 affaires de contrebande représentant au total 130 milliards de francs Cfa, un montant qui recoupe la précédente estimation. Les missions diplomatiques et commerciales ivoiriennes à l`étranger seraient responsables de 130 cas, évalués à 60 milliards francs Cfa. La contrebande ne concerne pas seulement les voitures, mais les produits pétroliers, chimiques, électriques, les marchandises, les équipements divers. En cinq ans, de 2004 à 2008, certains ministères auraient importé sans droits de douane 753 véhicules représentant 19 milliards de francs Cfa. Les principaux centres de contrebande sont : pour Côte d`Ivoire surtout les zones d`entrées frontalières routières et les voies maritimes. Pour le district d`Abidjan les différents corridors routiers et les espaces fluviaux.

Les pratiques de la contrebande sont donc liées aux opérations des certaines sociétés en Côte d`ivoire. Mais hormis celles-ci, la fiscalité, qui a autonomisé les sociétés locales en les poussant à réduire leurs coûts et à augmenter leurs profits, a conduit parfois des compagnies en difficulté à s`engager dans la contrebande de biens de consommation ou de production. L`industrialisation de la contrebande a ainsi créé progressivement les fameux « canaux gris » de distribution, qui distordent la concurrence à leur profit. Il est très difficile pour les

opérateurs locaux ou étrangers dans le district d`Abidjan de les ignorer et de rester à l`écart, quand leurs concurrents payent seulement 5 % de droits de douane et qu`ils doivent en acquitter 30 % Cf. revue économique de l`UEMOA, 5 décembre 2006, p. 63. Avant la crise ivoirienne, ces canaux, qui étaient financés par la sous facturation des exportations, réinvestissaient leurs capitaux fugitifs en Côte d`ivoire sous la forme de « faux investissements étrangers », de façon à bénéficier des exemptions fiscales et douanières réservées aux sociétés mixtes. Mais, depuis 1997, les canaux gris ont été de plus en plus utilisés pour introduire en contrebande des marchandises d`Asie du Sud-est, de Corée et du Japon, dont la compétitivité avait été stimulée par la dévaluation de la monnaie locale (franc Cfa). En 1997, selon des sources officielles, plus de 1000 voitures et motos ont été introduites en contrebande en cote d`ivoire, soit environ un quart des ventes des sociétés mixtes étrangères du secteur automobile. L`extension de la contrebande a affecté des secteurs entiers de l`économie comme l`automobile, dont les prix ont baissé de 20 %, l`industrie électronique et l`industrie pétrolière. La contrebande a exacerbé les tendances déflationnistes dues à la baisse de la demande et aux inégalités croissantes, et créé un avantage compétitif pour les sociétés qui utilisaient les canaux gris.

L`impact macro-économique des réseaux de contrebande, fondé sur l`utilisation de nouvelles opportunités dans un contexte d`impunité durable, nous permet de comprendre l`interdiction de toutes les activités économiques des forces armées, de la police armée et du système judiciaire

L`extension de la contrebande et la campagne à laquelle elle donne lieu,
en visant des dirigeants au plus haut niveau, est finalement la meilleure

illustration des liens entre la décentralisation, la corruption et la criminalisation.

EN SOMME:

Les interprétations fonctionnalistes et culturalistes sont certainement utiles pour comprendre l`ancrage et l`acceptation de ces phénomènes. Mais elles laissent en même temps de côté ses dimensions politiques et éthiques, qui sont aussi constitutives de la tradition et de la culture ivoirienne. Ces dimensions peuvent expliquer le processus actuel de recentralisation, qui concerne essentiellement la délégation de certains pouvoirs économiques à des appareils centraux comme l`armée, la sécurité publique, les douanes et le système judiciaire. La nouvelle offensive contre la corruption et la criminalisation diffère des précédentes dans le sens où elle implique une recentralisation, une affirmation de la souveraineté de l`État central sur des organes clés qui sont censés incarner son autorité en coordination avec l`appareil du parti État. Si le système étatique ivoirien actuel n`offre pas de possibilité à des criminels (trafiquants, proxénètes ou contrebandiers) d`accéder à de hautes fonctions, comme au Brésil, en Thaïlande ou en Inde Cf. N. K Singh, The Politics of Crime and Corruption ou les politiques du crime et de la corruption.

Il offre en revanche des opportunités aux représentants de l`État de contrôler et de tirer profit des activités criminelles, comme au Mexique Cf. Jean Rivelois, Drogue et pouvoirs: du Mexique aux paradis...

Il n`est donc pas surprenant que la campagne actuelle contre la corruption et le crime organisé et la moralisation de la vie publique puisse remonter au plus haut niveau. Cela ne signifie pas pour autant qu`elle sera conduite jusqu`à son terme, pour les raisons de stabilité et de survie que nous avons notées. Quelle que soit l`issue de ce combat

douteux, la question de la corruption, de la contrebande et de la criminalisation restera une donnée centrale de la société et du débat politique ivoirien. Et ceci, mOme dans l`hypothèse d`une transition politique marquée par l`instauration d`un régime plus démocratique et présidentiel, comme dans les démocraties modernes, où ces problèmes durables se situent au cur du débat politique.

La théorie fonctionnaliste comporte trois types de spécification :

les spécifications d`entrées (input), les spécifications qui stipulent le genre de choses qui causent les états mentaux chez les personnes;

les spécifications des états internes qui décrivent les interactions causales des états mentaux;

les spécifications de sorties (output) qui disent quels genres d`action ou de comportements sont causés par les états mentaux.

La machine de Turing est un exemple (abstrait) de machine qui peut fonctionner selon ce modèle. Un distributeur de cannettes fonctionne ainsi: il réagit aux inputs (on lui donne 50 centimes ou un euro), et, en fonction de ceux-ci, délivre la cannette ou attend plus de sous.

Selon John Searle, qui s'oppose, d'une certaine façon, à l'interprétation d'Hilary Putnam selon laquelle le fonctionnalisme serait compatible avec une thèse dualiste sur les états mentaux et les états physiques, le fonctionnalisme est au contraire nécessairement un physicalisme :

« Aucune de ces causes et de ces effets ne doivent être conçus comme comportant un élément mental. Ce ne sont que des séquences physiques. Le fonctionnaliste insiste pour qu`on comprenne bien qu`il ne dit pas qu`une croyance est un état mental irréductible qui, en plus a les relations causales qui sont les siennes, mais plutôt qu`une croyance ne

consiste qu`en ce qu`elle a ces relations causales. Une croyance peut consister en un paquet de stimulations neuronales, ou dans le niveau de tension électronique d`un ordinateur, ou encore dans la vase verte du Martien, ou quoi que ce soit d`autre, pourvu qu`elle fasse partie du bon schéma des relations de causes et d`effets. Une croyance, donc, ce n`est qu`une chose, un X, faisant partie du schème de relations causales, et elle est telle du fait qu`elle se situe à tel et tel endroit dans le schéma de relations causales.»

Dans cette mesure, le fonctionnalisme s'apparente à un behaviorisme méthodologique: contrairement au behaviorisme ontologique, il n'affirme pas qu'il n'y ait pas d'états mentaux. Mais, de même que le behaviorisme méthodologique, il laisse de côté les aspects subjectifs, qualitatifs, des états mentaux (ou qualia), c'est-à-dire l'ensemble des expériences subjectives qui peut faire l'objet, par exemple, d'un poème ou d'une déclaration amoureuse, ou du simple fait d'aimer telle couleur. On parle ainsi de « fonctionnalisme de la boîte noire ».

Dans la théorie fonctionnaliste, ce sont les nécessités techniques (et non politiques) d'une société complexe qui favorisent la coopération. En d'autres termes, les problèmes qui dépassent les frontières d'un Etatnation, ou ses capacités, entraînent mécaniquement la création d'institutions internationales ou supranationales appropriées. La clé pour l'intégration est le bien-être social, qui est supposé être assuré plus efficacement par des institutions supranationales. Les fonctionnalistes considèrent en effet que le gouvernement part des politiques dans le cadre de l'Etat-nation amène à privilégier la lutte pour le pouvoir sur le bien-être social. L'État est ainsi considéré comme une institution imparfaite qu'il s'agit de démembrer progressivement de ses capacités,

avec l'objectif final de diminuer la conflictualité interétatique afin d'arriver, à terme, à l'élimination de la guerre .

Les organisations internationales dans les domaines techniques (comme l'Organisation internationale du travail, l'Union postale universelle, l'Organisation mondiale de la santé, etc.) illustrent la théorie fonctionnaliste.

La théorie fonctionnaliste adopte une perspective dite bottom-up (du bas vers le haut): cela signifie que les nécessités de la base entraînent la création d'institutions au sommet pour satisfaire ces nécessités. Elle se concentre sur les aspects de spillover ou d'engrenages (représentés par exemple par la construction progressive de la Communauté européenne) et sur la question du transfert de loyauté des citoyens vers les organisations inter- ou supranationales.

Le fonctionnalisme avant 1990

Jusqu`au début des années 1990, les théories fonctionnalistes ont dominé l`analyse de la corruption dont la contrebande est l`un des aspects en sciences politiques comme en sciences économiques. Elles présentent la contrebande comme un moyen efficace de contourner des réglementations ou des procédures administratives lentes ou tatillonnes, permettant ainsi le développement politique et économique Leff, (1964) ; Huntington, (1968). Ainsi, en sciences politiques, la contrebande est parfois considérée comme un élément facilitant le développement des partis politiques, encourageant la participation et facilitant la création d`un environnement politique stable. La contrebande est généralement perçue comme augmentant la loyauté et la confiance des citoyens dans le système politique BAYLEY, (1967) ; Huntington, (1968); Merton,

(1968). LECLERQ (1989) affirmait que la contrebande agit comme de l`« huile dans les rouages », qu`elle est un substitut à la participation directe au pouvoir et qu`elle constitue un ciment entre l`élite et les partis politiques et améliore l`efficacité avec laquelle le pouvoir est exercé.

Cette conception de la contrebande a également été reprise et développée en sciences économiques. En effet, la contrebande a longtemps été présentée comme un élément permettant de compenser le fonctionnement déficient des institutions publiques.

LEFF (1964) et Huntington (1968) soutiennent que la contrebande favorise l`efficacité économique en dépassant les rigidités imposées par les gouvernements.

Selon ces auteurs, la contrebande faciliterait de manière générale la vie économique en « huilant les rouages ».

Cette idée a été reprise et développée. Aussi, de nombreux travaux théoriques montrent que la contrebande est un vecteur d`efficacité. Par exemple, Beck et MAHER (1986) et Lien (1986) mettent en évidence, dans le cadre de l`allocation d`un contrat gouvernemental, qu`attribuer le contrat à l`entreprise qui offre le pot-de-vin le plus important conduit à sélectionner la firme la plus efficace.

En effet, ils montrent, dans un jeu en information imparfaite, que c`est la firme aux coûts les plus faibles qui peut offrir les dessous de table les plus élevés.

Dans le domaine du commerce international, BHAGWATI (1982, p. 993), suggère que la corruption soit analysée comme une Directly Unproductive Profitseeking activit,y ou une activité de recherche du profit directement improductive (DUP), c`est-à-dire une manière de réaliser des profits en entreprenant des activités qui ne sont pas directement productives.

Les effets de la contrebande peuvent Otre comparés à ceux d`autres activités comme l`évasion tarifaire ou la corruption.

Dès que ces activités ont lieu dans des situations initiales où il existe des distorsions, l`analyse du second best s`applique et ces activités peuvent améliorer le bien-Otre dans l`économie. Bien que ces théories n`étudient pas directement l`impact de la contrebande sur le commerce international, elles présentent la contrebande comme un moyen de le faciliter dans les pays caractérisés, par exemple, par une bureaucratie lente et tatillonne, ou encore un protectionnisme élevé.

La critique empirique des théories fonctionnalistes

À partir du milieu des années 1990, les premières données permettant d`évaluer l`ampleur de la contrebande ont permis de tester les théories fonctionnalistes et de mettre en évidence les conséquences négatives de la contrebande. En sciences économiques, cette vision positive de la contrebande, ainsi que les arguments qui la sous-tendent sont contestés. Plus précisément, son hypothèse centrale selon laquelle la contrebande est un élément exogène aux réglementations et aux procédures administratives est très débattue. En effet, il est possible que les agents publics créent des lenteurs ou des tracasseries administratives uniquement dans le but de percevoir des pots-de-vin (Myrdal, 1968 ; BARDHAN, 1997). Kaufman et Wei (1999) montrent que la contrebande est un élément endogène à la fixation des règles et des procédures administratives. Ils mettent en évidence, à partir des observations issues de différentes enquêtes effectuées auprès d`entreprises, une relation positive et significative entre les tracas bureaucratiques effectifs rencontrés et le montant des pots de- vin versés par les firmes. Plus encore, les théories du second best sous-

entendent que corrompre suffit à accélérer les procédures ou à dépasser les obstacles administratifs.

Pourtant, ce n`est pas forcément le cas. Par exemple, la capacité des agents publics à accélérer une procédure administrative peut être très faible, surtout lorsque cette dernière implique différents interlocuteurs (SHLEIFER et VISHNY, 1993). Enfin, les effets positifs de la contrebande sur la croissance et l`investissement dans les environnements marqués par un fonctionnement déficient des institutions ont été infirmés. Méon et Sekkat (2005) montrent que la contrebande agit comme un « grain de sable dans les rouages » de la croissance économique et de l`investissement.

En effet, ils soulignent que les effets de la contrebande dépendent des autres aspects de la gouvernance (poids des réglementations, primauté du droit, efficacité du gouvernement...) et qu`ils sont d`autant plus néfastes que la qualité de la gouvernance est faible.

Si la littérature économique récente contredit la vision selon laquelle la contrebande peut compenser l`inefficacité de la bureaucratie et d`autres institutions, en sciences politiques les travaux s`attachant à vérifier les théories fonctionnalistes sont rares.

Des études ont analysé l`impact direct de la contrebande sur le degré de légitimité des États. Ainsi DELLA Porta (2000) met en évidence une forte corrélation entre des niveaux de contrebande élevés et un faible degré de satisfaction de la démocratie dans les pays d`Europe de l`Ouest.

La seconde théorie évoquée pour la régulation du phénomène est celle du contrôle social avec ses différents aspects dont la théorie de la dissuasion fait partie:

Les premières études importantes sur les criminels ont été faites par des
médecins ; ils se plaçaient dans une perspective biologique, largement

influencée par la pensée darwiniste. Cependant, dès la fin du XIXe siècle, les travaux de Ferri, de Joly et de BONGER ont mis en lumière l`importance du facteur social et économique dont avait déjà parlé Thomas More dans son Utopie. Chez les polytérites, en effet, l`agriculture, l`industrie et le commerce ont une organisation harmonieuse que la vague de criminalité qu`a connue l`Angleterre du XVIe siècle, et qui était due principalement à la crise économique, n`y est point concevable. C`est à cette tradition que se rattache Ferri, fondateur de la sociologie criminelle moderne.

Ferri considère comme facteurs sociaux la densité de la population, l`opinion publique, les us et coutumes, les murs et la religion ; il tient compte aussi de la famille, du niveau de l`enseignement, du degré d`industrialisation et de l`alcoolisme ; pour être complet, il faudrait analyser encore les conditions de vie économiques et sociales, le fonctionnement des administrations publiques (judiciaire, politique, policière, pénitentiaire) ! Il est question en définitive, de tous les courants collectifs qui agissent sur l`individu (Ferri, 1983). On prétend que l`effet des facteurs sociaux sur le phénomène de la contrebande est prépondérant. On affirme néanmoins que les divers facteurs sont en interaction constante et par leur ensemble conditionnent le phénomène de la contrebande. « Tous les crimes, disons nous sont la résultante des conditions individuelles et sociales. L`influence de ces facteurs est plus ou moins grande selon les conditions locales particulières. Les crimes contre les personnes par exemple, indiquent une régularité plus grande dans leur évolution que les autres, montrant alors que les autres dépendent de conditions sociales, c`est le cas du phénomène de la contrebande.».

A chaque phase d`évolution et à chaque état d`une société correspond un rapport assez constant de facteurs physiologiques, biologiques et

sociaux de délinquance. Ferri désigne ce rapport sous le nom de la « loi de saturation criminelle ».

Dans cette définition de la sociologie criminelle, on se trouve en présence de deux éléments propres à la sociologie naissante : la partie synthétique, qui se propose de reprendre les éléments fournis par d`autres disciplines, et la partie analytique, qui consiste dans l`étude d`un aspect de la vie sociale.

Cette définition nous a fourni le cadre des études descriptives de la criminalité contrebandière ou même de la sociologie criminelle. L`hypothèse de base, suggérant l`interdépendance de facteurs d`ordre physique et social et l`ordre individuel et collectif, est demeurée valable. Cette tradition de sociologie descriptive est représentée dans la criminologie contemporaine par les travaux de SELLIN (1985), de DAVIDOVITCH (1979), de Szabo (1960), de Wolfgang et ses collaborateurs (1972), de FLECHETTE et Leblanc (1986) et de la plupart des publications de l`institut de criminologie de Cambridge, en Grande Bretagne.

Leurs théories et analyses sont concentrées sur le phénomène de la =`criminalité«, la méthode d`investigation ne permettant pas de saisir, évidemment, le phénomène du =`criminel«. Leurs limitations tiennent principalement aux sources mêmes de leur matière première : dénombrement statistique des crimes ou des criminels. Ces données sont souvent contestables quant à leur représentativité (chiffre noir) par rapport à la criminalité réelle et aux critères juridiques qui servent de base pour définir l`acte criminel.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon