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Construction des infrastructures sociales pour les Bakola/ Bagyelli et incidence sur la coexistence avec les Bantou: contribution à  une ethno- anthropologie du conflit

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par Bernard Aristide BITOUGA
Université de Yaoundé I Cameroun - Master en anthropologie 2011
  

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IV-2-3-Les schèmes culturels comme éléments qui sous-tendent les conflits

La scolarisation croissante des enfants Bakola, la possibilité pour les jeunes filles Bakola de contracter des alliances matrimoniales avec les « Blancs », l'amélioration des conditions de vie en général, et celles de l'habitat en particulier sont autant d'éléments que nous voulons analyser pour expliquer l'émancipation actuelle qui caractérise les Bakola/Bagyelli de Ngoyang et de Bidjouka. Leur « ascension sociale » a eu comme corollaire, l'apparition d'une sorte de « mentalité concurrentielle » chez les Bakola. En effet, ceux-ci ont pris conscience de leur condition de citoyens camerounais à part entière et entendent le manifester de fort belle manière. Les Bakola sont sortis craintivement de leur réclusion et de leur torpeur. L' « ouverture des yeux » des Pygmées a vu naître dans cette nouvelle forme de cohabitation une forme de concurrence, le Nkola essayant toutefois qu'il pose un acte à vouloir se comparer à son voisin Ngoumba ou Ewondo. Ce qui pousse les Bantou à se mettre en colère au regard de ce qui se passe actuellement dans ces différents villages. Ce qui détermine la nature anthropologique de la concurrence, c'est qu'il s'agit d'une lutte indirecte. Quand on nuit directement à son adversaire ou qu'on l'écarte de son chemin, on cesse du même coup d'être en concurrence avec lui. En général, le langage n'admet l'usage du terme de concurrence que lorsque la lutte consiste dans les efforts parallèles des deux parties en vue d'un seul et même enjeu. L'émancipation actuelle des Bakola et leur ouverture au monde, ont eu comme conséquence la naissance d'un climat de concurrence entre eux et leurs voisins Bantou.

Les groupes, les acteurs à l'intérieur d'une société possèdent des systèmes de pensée générateurs de structures mentales auto-organisées. La façon dont les uns et les autres décodent, les symboles, diffère d'une communauté à une autre. C'est cette différence qui engendre très souvent les conflits. Nonobstant leur émancipation et leur ouverture à la

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modernité, les Bakola restent tributaires d'une vision du monde qui leur est propre. En effet, au regard de la manière avec laquelle ces derniers s'approprient certains projets de développement ; l'observateur peut être amené à s'interroger sur la nécessité qu'il y a à s'acharner à vouloir les faire sortir de leur milieu sociétal forestier pour les amener au contact de ce que l'on nomme le développement. Les Bakola, s'approprient difficilement tout ce qui leur est étranger et c'est ce qui explique en partie les résultats mitigés du projet SAILD/APE à Ngoyang. A Bidjouka, on s'étonne que le hameau moderne qui leur a été construit, connaisse des périodes de désertion quasi totale. Cette opposition de logique entre eux et leurs voisins Bantou peut expliquer en partie la difficulté que les Bantou éprouvent à voir des ONG s'investir pour améliorer les conditions de vie des Pygmées. Au cours d'un entretien avec un habitant du village Ngoyang au sujet de l'appréciation qu'il portait sur les différentes actions de développement qui étaient menées au profit des Bakola ce dernier n'a pas hésité à nous traduire son amertume vis-à-vis de ces initiatives. Le concerné nous a dit :

C'est vous les ONG et tous ces gens qui viennent de Yaoundé qui amenez le désordre dans ce village. Comment les Pygmées pourront-ils encore nous respecter ? Vous donnez trop d'importance à ces Pygmées. Pour quels résultats ? Je ne sais pas. Regardez seulement comment ils entretiennent les vêtements que vous leur offrez ! Un Pygmée reste un Pygmée. Même si tu l'amènes en Europe, quand il reviendra ; il va retourner en brousse continuer à chasser le rat palmiste. Pourquoi vous ne faites pas ces choses aux gens qui en ont vraiment besoin ? Vous énervez ! [sic]

Nous avons- même été témoin sur le terrain de certains faits insolites. A Ngoyang, une ONG dénommée RAPID, oeuvre dans la distribution des semences et du petit outillage agricole aux Bakola. Mais chose curieuse, ces derniers vont échanger ce matériel agricole auprès des Bantou contre des sachets de whisky qu'on nomme communément « KITOKO ». Un Nkola que nous avons suivi est allé troquer une machette neuve contre quatre sachets de KITOKO dont la valeur marchande équivaut à quatre cent(400) francs CFA.

Conscients donc de cette situation, les Bantou n'hésitent pas à proposer ces sachets de liqueur aux Bakola contre une machette, une houe ou une pelle qui vient de leur être offerte par RAPID. Mais chose curieuse, lorsque le Nkola a fini de consommer ces quelques sachets de whisky, il revient à la charge pour tenter de récupérer son outil qui a servi de monnaie d'échange. Il s'en suit forcément des querelles, voire des disputes violentes entre celui-ci et son acheteur. De ce qui vient d'être décrit, on peut dire une fois de plus avec CROZIER que :

On ne peut pas éviter le conflit. Il peut s'interpréter comme l'action et l'intervention
de l'homme sur l'homme, c'est-à-dire le pouvoir et sa face « honteuse », la
manipulation et le chantage, sont consubstantiels à toute entreprise collective,

précisément parce qu'il n'y a pas déterminisme structurel et social, et parce qu'il ne peut jamais y avoir conditionnement total61.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe