WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Impacts des échanges universitaires internationaux sur les étudiants de l'Université Lumière Lyon 2: cap sur le Brésil

( Télécharger le fichier original )
par Thibault Pourhadi
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 recherche sciences de l'éducation et de la formation 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2.2.2. Bennett et le modèle de développement de la sensibilité interculturelle

Le modèle conçu par Bennett (1993) se propose de hiérarchiser et expliquer les postures et les réactions des individus face à la différence culturelle. Rappelons que l'auteur parle, lui, de sensibilité et non pas de compétence interculturelle. Ce modèle repose sur un continuum divisé en six stades dont la succession reflète un degré accru d'ouverture à l'altérité. Les stades sont indicatifs d'un type de rapport à l'Autre et s'expriment par des attitudes et des comportements caractéristiques. Chaque stade représente donc une façon différente de voir, de structurer le monde régie par des obstacles qui la limitent. De fait, lorsque l'individu passe d'une structure ou configuration de la réalité à une autre, les nouveaux paramétrages génèrent une nouvelle série d'obstacles qui orientent les comportements et les attitudes. Pour opérer avec succès leur transition vers un stade plus avancé, les individus doivent résoudre les problèmes inhérents au stade dans lequel ils se situent déjà.

Généralement parlant, les trois premiers stades du continuum sont dits ethnocentriques, c'est-à-dire que l'individu ne peut penser le réel qu'à travers le prisme de sa propre culture, qu'il est au centre d'un monde qui gravite autour de ses préconceptions. En effet, les croyances et les comportements initiaux intégrés au cours du processus d'enculturation, lui-même lié au processus de socialisation, ne font pas l'objet d'une remise en question. Les choses sont « comme ça » et pas autrement (Bennett, 1993). Selon Abdallah-Pretceille (1986, p. 81), l'ethnocentrisme c'est « la difficulté voire l'incapacité, pour un groupe ou un individu, d'effectuer une décentration par rapport à son groupe

culturel de référence ». En définitive, cet immobilisme contribue à l'érection de barrières entre « nous » et « eux » (ce qui peut passer par les stéréotypes et les préjugés par exemple) dans la mesure où l'Autre ne concorde pas avec ce que l'on conçoit comme les normes culturelles classiques. À l'inverse, les trois derniers stades sont dits ethnorelatifs, c'est-à-dire que l'individu met sa propre culture en perspective, qu'il accepte que sa vision du monde, avec les attitudes, les comportements, les valeurs qui la constituent n'en soit qu'une parmi tant d'autres tout à fait viables. Pour résumer, au fil des stades, l'individu progresse d'une conscience, d'une perspective, monoculturelle à une vision du monde plus élaborée, subtile et aiguisée, lui permettant de reconnaître et gérer la différence et, ainsi, d'élargir graduellement ses capacités d'action et de communication en contexte interculturel (Hammer et al., 2003). Comme le dit Bennett (1986), « La clef du développement de la sensibilité et des aptitudes nécessaires à la communication interculturelle réside d'abord dans la vision que chacun entretient face aux différences culturelles ». Remarquons que si la dynamique du continuum est généralement tenue pour unidirectionnelle, occasionnellement, il est possible que l'individu régresse à un stade antérieur. Passons maintenant en revue les six étapes constitutives du continuum :

· Le déni de la différence culturelle. Pour l'individu, il n'existe qu'une seule culture légitime, la sienne. Il est complètement désintéressé par la différence culturelle et l'ignore en érigeant des barrières psychologiques ou physiques pour se maintenir à l'écart de l'Autre. À ce stade, l'individu a tendance à penser qu'il agit de façon naturelle et qu'il ne saurait en être autrement. Il ne se sent pas menacé par la différence culturelle car il la nie. Concrètement, cela pourrait se traduire au niveau des comportements par la fréquentation exclusive de compatriotes ou encore l'assimilation des traits culturels d'une société à ceux de ses voisines.

· La défense face à la différence culturelle. La seule culture valable est toujours celle de l'individu, la plus évoluée, porteuse non plus de l'unique mais de la meilleure façon de faire. L'individu réagit face à la menace que représentent les autres cultures en les dénigrant tout en affichant la sienne comme supérieur. Concrètement, cela peut passer par les préjugés et les stéréotypes au travers desquels sont attribués à des individus isolés des caractéristiques indésirables censées refléter les attributs de tout un groupe (ou vice-versa). Manifestation alternative du stade de défense, l'individu peut être sujet à un contrecoup. Il ne prend pas de recul par rapport à l'expérience positive de la culture d'accueil, intègre les stéréotypes négatifs de cette dernière à l'encontre de sa culture d'origine, et la déprécie aveuglément. Dans les deux cas, l'individu à ce stade se comporte de façon manichéenne envers à la différence culturelle, soit en la diabolisant soit en l'exaltant. C'est une évolution par rapport au stade du déni car ici l'individu perçoit la différence culturelle de façon assez forte pour

qu'elle soit menaçante, alors qu'il l'ignorait précédemment.

· La minimisation de la différence culturelle. L'individu reconnaît l'existence d'autres cultures mais à un degré superficiel. Il considère que les traits de sa culture sont universels et les généralise aux autres cultures sans distinction, comme si l'humanité toute entière partageait un creuset de valeurs élémentaires. L'altérité ne constitue plus une menace car elle est banalisée, voilant ainsi toute différence profonde. Selon Bennett, un individu à ce stade pourrait par exemple se figurer que tous les peuples aimeraient vivre en démocratie, ou que dans chaque culture les hommes sont considérés comme les enfants de Dieu.

· L'acceptation de la différence culturelle. Comme au stade précédent, l'individu reconnaît l'existence d'autres cultures, mais cette fois il ne cherche pas à en atténuer les spécificités. Il respecte la légitimité des valeurs, comportements et attitudes d'autrui et admet que sa propre culture fait partie d'un ensemble de cultures également valables. Il s'agit ici d'une posture neutre face à la différence culturelle. En revanche, si l'individu est prêt à accepter, ou tolérer, l'altérité dans ce qu'elle a de plus essentiel, cela ne sous-entend pas pour autant qu'il va l'apprécier purement et simplement. Il ne s'agit pas d'une tentation relativiste politiquement correcte, ni de condescendance. L'individu peut émettre un jugement négatif à l'égard de la différence, mais dans une perspective critique, et non plus ethnocentrique. C'est d'ailleurs bien là l'enjeu de ce stade : la relativité des valeurs. Le cheminement conduisant l'individu à considérer que la nature et la hiérarchie des valeurs sont contingentes au contexte culturel exige de lui qu'il souscrive à une certaine éthique (Perry, 1970, in Hammer et al., 2003). Pour illustrer cela, citons également Tardy (1983) « Comprendre l'autre dans son altérité essentielle ne signifie pas en admettre nécessairement les principes et Ies fondements. Encore moins s'identifier à l'autre par une sorte de mimétisme culturel : toute morale a ses parodies et ses dérives d'inauthenticité. La compréhension n'exclut pas la contestation, davantage: elle en est la condition de possibilité. Bref, l'éthique de la différence n'est pas celle du caméléon ». Notons qu'à ce stade l'individu n'adapte normalement pas ses comportements afin de correspondre aux normes de la société d'accueil. Généralement, il ne s'approprie pas non plus un grand nombre des comportements caractéristiques des représentants de cette dernière. Pour finir, l'esprit de l'individu reste ouvert sans qu'il puisse pourtant appréhender les cultures dans toute leur complexité.

· L'adaptation à la différence culturelle. L'individu acquiert une latitude d'action dans deux espaces de communication séparés. Il peut s'extraire temporairement de sa culture d'origine pour se fondre dans celle de la société d'accueil. Contrairement aux stades précédents qui se faisaient le reflet de postures intellectuelles, la transition du stade de l'acceptation à celui de

l'adaptation ne traduit plus une évolution limitée au domaine affectif. En effet, l'individu est ici capable d'opérer un ajustement fonctionnel aux normes de la société d'accueil tout comme il peut intégrer les usages qui y ont cours et les comportements de ses représentants. En somme, non seulement l'individu est-il capable de voir le monde à travers les yeux de l'Autre, mais il peut aussi communiquer efficacement lors des interactions en manifestant des comportements et attitudes appropriés aux normes culturelles en vigueur dans la société d'accueil. C'est ce que Bennett appelle l'empathie. Par ailleurs, il différencie bien l'adaptation de l'assimilation. Pour cet auteur, ce stade n'est pas synonyme d'abandon de la culture d'origine au profit de celle de la société d'accueil, il ne s'agit pas de les substituer. C'est un mouvement de va-et-vient d'un répertoire culturel à l'autre. Pratiquement, l'individu est spontanément capable d'appréhender un comportement dans sa logique culturelle, de décoder les normes et valeurs qui le sous-tendent, et d'agir ainsi que le requiert la situation interculturelle.


· L'intégration de la différence culturelle. Il n'est possible de parvenir à ce stade qu'après un contact prolongé avec l'altérité. C'est d'ailleurs une inflexion courante chez les expatriés de longue durée, les globe-trotters ou les autochtones issus de subcultures minoritaires par exemple (Hammer et al., 2003). Ce stade implique un processus de reconstruction cognitive au cours duquel l'individu intègre les éléments des diverses cultures sans pour autant s'identifier à aucune d'elles. En d'autres termes, l'individu développe une vision kaléidoscopique du monde, en marge de sa culture originelle et de celle de la société d'accueil. On pourrait rapprocher cela de la description que fait Adler (1977) de la personne multiculturelle : « ce n'est pas simplement la personne sensible à plusieurs cultures différentes. C'est plutôt la personne qui est constamment en train de devenir une partie de et qui se sent en même temps en dehors d'un contexte culturel donné ». Dune part, l'individu est amené à réinterpréter son identité culturelle, et d'autre part sa vision kaléidoscopique est susceptible de le placer en position d'intermédiaire culturel. Bennett précise que la transition du stade de l'adaptation à l'intégration ne traduit pas un meilleur fonctionnement en situation interculturelle. Il indique en outre qu'il n'est pas forcément préférable de s'affranchir de tout enracinement culturel. Si tout le monde devenait marginal, de quoi serait-on en marge au juste? (Bennett, 1993). Pour résumer, le véritable enjeu de ce stade réside dans la gestion de ce que Bennett appelle la marginalité culturelle. C'est-à-dire le fait de ne plus s'identifier durablement à une norme culturelle. Selon cet auteur, la marginalité culturelle peut prendre deux formes. Dans la première, l'individu se sent aliéné puisqu'il ne se reconnaît dans aucune culture. Ainsi, il peut être enclin à se dévaloriser ou faire l'objet de jugements

négatifs tant de la part des représentants de sa culture d'origine que des membres de la culture d'accueil. Il est comme pris dans un feu croisé en quelque sorte. Inversement, la deuxième forme de marginalité est dite « constructive », le flottement entre les cultures fait partie intégrante de l'identité du sujet. Il se perçoit comme intrinsèquement interculturel et navigue au gré des situations, adaptant aisément ses comportement et ses perspectives, sans qu'il n'en résulte aucun conflit interne, aucun dommage identitaire collatéral.

1. Déni et retrait

2. Défense et dénigrement

3. Minimisation et universalité

4. Acceptation et relativisme

5. Adaptation et alternance

6. Intégration et reconstruction

Figure 2 : modèle de développement de la sensibilité interculturelle (adapté de Bennett, 1993)

À l'encontre du modèle de Byram, l'avantage de ce modèle est de présenter une vision évolutive de l'objet qu'il se propose de décrire. En revanche, il fournit peu d'informations sur la nature des obstacles à surmonter afin d'évoluer d'un stade à l'autre, ainsi que sur la manière de le faire. Ajoutons qu'ici encore c'est une conception quelque peu normative, au sens de Dervin (2009), qui sous-tend le concept de culture.

2.2.3. Notre approche

Dans ce sous-chapitre, nous allons d'abord faire une synthèse des modèles de Byram et de Bennett. Puis, nous tenterons de donner une définition de la compétence interculturelle avant de relativiser tout cela.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus