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Savoirs et savoir- faire locaux face aux politiques agraires: diagnostic d'un système agraire dans un village Khamou ou du Nord Laos

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par Pierre- Yves Heurtier
Université Aix-Marseille 1 - Master 2 anthropologie sociale et culturelle 2006
  

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3.11. L'école :

L'école de Bouamphanh est une école primaire composée des classes officielles. Les collèges se trouvent à Lat sang et à Muang Khoua. Seuls quelques élèves iront s'y inscrire.

130 élèves sont inscrits à l'école dont 30 originaires des villages voisins et dormant dans un dortoir. Ces << internes » vivent avec l'instituteur Jay Pèt qui a sa chambre particulière près du dortoir et qui est responsable de leur vie périscolaire. Toutes les semaines, un nouveau groupe de 5 << internes » est responsable de collecter et de cuisiner pour eux-mêmes et leur instituteur avec qui ils partagent leurs repas des midis et des soirées. Les repas du matin sont souvent déjà consommer par les enfants avant que Jay Pèt ne se réveille.

Chaque groupe d'enfant est chargé de la vaisselle, de la cuisine, de la collecte lorsque l'instituteur leur demande et de l'arrosage du potager commun.

Ce dernier n'est pas très grand (15 m2) pour fournir des légumes toute l'année à ces groupes <<d'internes ». Le chef du village n'a pas accepté de laisser agrandir le potager car selon lui << sa surface est suffisante pour des instituteurs qui ne restent que deux ». L'instituteur ne doit pas avoir de temps pour cultiver, il n'est pas agriculteur.

L'instituteur Jay Pèt tient la 3e et 4e classe de primaire au village. Il déclare gagner 120.000 kips par mois pour son travail. Son niveau n'est pas le plus élevé dans l'ancienneté scolaire, ainsi les autres instituteurs plus expérimentés, mariés avec des enfants, habitants à part entière du village, gagnent 300.000 kips par mois.

Comme lui, les plus jeunes instituteurs sont mutés tous les deux ans dans une nouvelle école. Très souvent d'origine khamou locale, plus rarement d'origines akha ou phounoi et rarement d'origine Lao, les instituteurs du district doivent s'intégrer à un nouveau village, une ethnie différente de la leur, des conditions de vie souvent plus pauvres que dans leurs familles.

Ils doivent ainsi s'installer dans leurs nouvelles chambres ou chez de nouveaux villageois (souvent le chef des villages). Durant deux ans, la vie de ces jeunes instituteurs n'est pas facile. Etant donné leurs salaires et le temps mis à les recevoir, ils n'arrivent pas à garder assez d'argent chaque mois et vont tenter de se procurer de la nourriture. Ils demandent aux élèves d'aller collecter en forêt ou vont seuls, chercher des pousses de bambous, des légumes feuilles, des petits gibiers pris à leurs pièges, des poissons. Ces temps de collecte sont très fatiguant pour des instituteurs qui travaillent réellement 7 heures par jour. Ils vendent aussi quelques photos de leurs appareils, échangent des services contre des aides alimentaires ou se font offrir par les villageois quelques kilogrammes de riz pour plusieurs semaines, des morceaux de gibiers quelques fois imposants, des produits de la collecte. Ces dons des villageois et leurs accueils chaleureux au sein de leurs familles marquent pour longtemps ces jeunes instituteurs. Au bout de deux ans, leur village de mutation est devenu leur village, leur famille.

Après la fin des cours, les responsables de l'éducation au district et au canton129 viennent faire les bilans avec les instituteurs. Les mauvais résultats des enfants akha et pala du village sont, selon tout le monde, le fruit d'une presque impossibilité de pouvoir articuler et concevoir la langue lao, qui est le principal enseignement des instituteurs. Les enfants seraient, par leurs origines ethniques, incapables de pouvoir écrire et parler convenablement lao.

Le dilettantisme des instituteurs n'est pas remarqué. Leurs absences répétées pour voir des

129 muat : canton scolaire, différent du canton administratif.

parents hors du village, pour aller travailler autre part qu'à l'école, ne sont pas prises en compte.

Selon des études D'Yves Goudineau130 sur les effets des déplacements de population, l'école serait contre toute attente un facteur de l'intégration laotienne des nouveaux arrivants, enfants comme adultes. Par l'école et la maîtrise de la langue lao (tout comme une proximité plus grande aux marchés et aux voies de communication), les familles auraient de plus grandes chances de s'intégrer et par la même de voir leurs conditions de vies s'améliorer.

Une fois leurs contrats terminés le 10 juin, leurs isolements dans les villages lointains achevés, ils souhaitent partir en ville, au moins quelques pour travailler dans les constructions de bâtiments pendant leurs congés ou aller rejoindre une petite amie ou une femme inaccessible pendant les plusieurs mois précédents.

Leurs souhaits pour l'année suivante sont de rester instruire en ville, près d'une piste ou d'une route. Les montagnards sont pour eux de très bons amis mais ils ne peuvent se résoudre à vivre comme eux. Cependant ils savent bien que leurs chefs ne les muteront pas en ville d'ici une dizaine d'année.

Les élèves ont dit préférer vivre à Bouamphanh plutôt que dans leurs villages, car il y aurait une école primaire avec toutes ses classes officielles et un marché. Toutefois, ce discours ressemble à celui d'un adulte, peut-être celui de leurs parents.

Un élève avoue préférer Bouamphanh pour son animation, sa télévision le soir, ses karaokés en VCD les matins et soirs, les allées et venues d'étrangers au village.

Très peu d'élèves préfèrent leur village à Bouamphanh même si certains disent avoir plus de copains au village de leurs parents. La famille n'est pas mentionnée dans les raisons de préférer son village ou Bouamphanh.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon