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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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CHAPITRE II : EMERGENCE DES POLITIQUES DE GESTION POST CONFLIT ET CONTINUITE HISTORIQUE

Les politiques publiques issues du processus de règlement des rebellions armées au Niger ont permis de mettre en oeuvre les différentes clauses des engagements pris par les parties. L'étude du processus d'émergence de ces politiques publiques offre la possibilité d'aborder le premier axe de notre recherche. Ce chapitre permet de tester l'hypothèse que les institutions naissent dans un monde saturé d'institutions. Ces institutions existantes influent de manière significative sur la configuration de nouvelles institutions. Cette hypothèse est examinée à travers le rôle joué par les institutions dans la structuration des réponses étatiques face au conflit et l'empreinte des institutions existantes dans les Accords de Paix (Section 1). Ensuite, le poids des institutions se perçoit par le modelage de la politique de réinsertion par le cadre institutionnel de gestion post-conflit (Section 2).

Section 1 : La dimension institutionnelle des réponses étatiques au phénomène rébellionnaire

Les institutions existantes ont eu un impact sur le mécanisme de gestion de la Rébellion pendant la période de Transition et sous la 3e République à travers la structuration institutionnelle de la gestion du conflit (Paragraphe 1). L'impact des institutions est également repérable dans les grands principes des Accords de paix et leurs modalités d'application (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La structuration institutionnelle de la gestion du conflit

La gestion de la rébellion touarègue a été considérablement influencée par l'organisation des pouvoirs publics. Cette influence se mesure par l'orientation de la politique gouvernementale (A) et la naissance des institutions de gestion du conflit (B).

A. L'orientation de la politique gouvernementale

Le régime de la Transition issu de la Conférence Nationale Souveraine fut le premier gouvernement à faire face à la Rébellion Armée1. L'organisation des pouvoirs publics pendant cette période était régie par l'Acte Fondamental n°21 de la Conférence Nationale portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de Transition qui tenait lieu de constitution2. Les organes de ce régime, qui n'est ni parlementaire ni présidentiel ou semi-présidentiel, sont constitués d'un exécutif bicéphale, d'un pouvoir législatif, d'un pouvoir judiciaire ainsi que des organes de contrôle. L'exécutif était détenu par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, élu par la Conférence Nationale. Le Chef de l'Etat, le Général Ali Saibou, fut maintenu dans des fonctions protocolaires.

1La Transition a débuté juste après la fin de la Conférence Nationale Souveraine le 3 novembre 1991 pour s'achever le 15 avril 1993 avec les élections générales qui inaugurent la 3è République.

2 Laouel Kader Mahamadou, « L'évolution politique et institutionnelle récente du Niger » in Kimba Idrissa, (dir), Le Niger: Etat et Démocratie, op cit, pp. 321-352. Voir aussi sur l'organisation des pouvoirs pendant la Transition, Sanoussi Tambari Jackou, Affaires constitutionnelles et organisation des pouvoirs au Niger, op cit, pp. 193-208.

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Le pouvoir législatif était exercé par un Haut Conseil de la République (HCR) constitué par des membres élus par la Conférence Nationale et présidé par le Pr André Salifou. Le pouvoir judiciaire était exercé par une Cour Suprême et une Haute Cour de Justice. De par l'organisation formelle des pouvoirs, la gestion du dossier de la Rébellion revenait au Chef de Gouvernement en tant que détenteur du pourvoir exécutif. Cela d'autant plus qu'il cumulait ses fonctions de Chef du Gouvernement avec celles de Ministre de la Défense Nationale.

Dès les premiers instants de la Transition, les trois organes politiques avaient pourtant décidé, compte tenu de la délicatesse de cette question, d'en faire une gestion commune. L'option du Gouvernement face à la Rébellion était la recherche d'une solution pacifique à travers l'ouverture d'un dialogue direct. Dans la réalité, l'orientation de la politique gouvernementale fut marquée par la prépondérance du Premier Ministre, l'opacité dans la gestion du dossier de la rébellion et les conflits institutionnels entre le Gouvernement et le HCR.

En s'appuyant sur ses attributions constitutionnelles, Cheffou Amadou imprima sa marque dans la gestion du processus de négociation avec les rebelles touaregs. C'est ainsi qu'il confia à certains de ses proches, à savoir Mohamed Moussa et Albert Wright, respectivement les portefeuilles du Ministère de l'Intérieur et celui créé le 26 mars 1993 du Ministère de la Réconciliation Nationale. A la tête de ce dernier ministère, Albert Wright fut un des concepteurs essentiels de la politique gouvernementale sur la Rébellion Armée. De par ses attributions, le Ministre de la Réconciliation Nationale responsable devant le premier ministre, disposait de la plénitude des compétences sur la Rébellion.

La marginalisation des autres organes, à savoir le Chef de l'Etat et le Président du HCR se manifestait dans le refus du Premier ministre de rendre compte à ces derniers des initiatives qu'il prenait. C'est ainsi qu'en mai 1992, le Premier ministre envoya à Paris une délégation de trois personnalités pour prendre contact avec Mano Dayak, un des cerveaux de la Rébellion1 à l'insu du Chef de l'Etat et du Président du HCR.

Le Premier ministre avait déjà envoyé secrètement une mission pour rencontrer la Rébellion le 9 février 1992. Les autres organes de la Transition ne seront informés que plus tard de cette mission conduite par Soumana Souley, alors Conseiller du Ministre de l'Intérieur. Le Premier ministre était conforté dans sa politique unilatérale par des activistes touaregs résidant à Niamey qui, dans une lettre à lui adressée, rappelaient « à l'Exécutif qu'il demeure le seul responsable du règlement de la rébellion touarègue »2.

Mais cette politique solitaire du Premier Ministre inspirée en partie par la configuration institutionnelle formelle n'occulte pas le rôle structurant des institutions informelles. Une des institutions existantes était l'armée et la façon dont elle perçoit son rôle non seulement dans le champ politique, mais aussi et surtout sur les questions militaires. Depuis 1974, année du premier coup d'Etat, l'armée nigérienne est devenue une armée politique, c'est-à-dire une armée qui perçoit sa participation dans le jeu politique comme légitime3.

Les militaires nigériens ont toujours considéré la rébellion touarègue comme relevant de leurs seules compétences. Les mutineries de l'armée entre le 26 février et le 3 mars 1992 procèdent de cette logique. Les militaires précédèrent à plusieurs arrestations de responsables

1 André Salifou, La question touarègue au Niger, op cit, p. 152.

2 Ibid, p. 137.

3 Kees Koonings and Dirk Kruijt, « Military and the mission of nation building» in Kees Koonings and Dirk Kruijt (eds) Political Armies: the military and nation building in the age of democracy, London, Zed Book, 2002, p. 9-34.

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politiques dont le Président du HCR et le Ministre de l'Intérieur et libérèrent le capitaine Maliki Boureima1, incarcéré à Kollo pour des massacres commis contre des Touaregs en mai 1990 à Tchintabaraden. La rupture du principe de soumission de l'armée au pouvoir politique traduit un conflit entre deux institutions. L'institution formelle qui fait de l'armée la main du pouvoir politique et une institution informelle ancrée dans la culture militaire qui légitime son insoumission au pouvoir civil.

La réaction de l'armée va également se heurter à une autre institution liée au rôle de la France. Paris avait confié le dossier de la Rébellion à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE). A Niamey, il s'est développé un processus informel et secret de gestion de la Rébellion entre le Premier ministre et le colonel Vié, Facilitateur Français au Niger. Pour André Salifou, « Le Premier ministre ne conçoit absolument rien par lui-même. C'est le facilitateur qui imagine et met au point tous les scénarios »2.

Cette gestion opaque suscita la réaction sévère du chef d'Etat-major des FAN, le Lieutenant-colonel Issa Maazou qui s'exprimait lors d'une rencontre de la Cellule de Réflexion le 23 février 92 en ces termes : « Ce sont les FAN qui se battent contre la rébellion. Nous sommes là, toujours disponibles, mais le Premier ministre préfère passer des heures interminables avec le colonel Vié, sans même prendre notre avis. Une telle façon de faire doit cesser... »3. L'avènement de la 3e République en avril 93 marque un tournant politique important. La Constitution du 26 décembre 1992 consacre un régime semi-présidentiel qui fait du Président Mahamane Ousmane la clé de voûte des institutions, mais ce dernier doit composer avec un Chef de Gouvernement et un Parlement dotés de pouvoirs propres4.

Ces mutations institutionnelles eurent un impact sur l'orientation de la politique gouvernementale. Désormais, le Président de la République devient le principal maître d'oeuvre de la politique de défense nationale. Mais ses pouvoirs sont limités par une configuration politique et institutionnelle assez complexe. Le pouvoir reposait sur une coalition de partis, l'Alliance des Forces du Changement (AFC) dont les trois principaux leaders se sont partagé les trois postes clés : Mahamane Ousmane à la Présidence, Mahamadou Issoufou à la Primature et Moumouni Djermakoye à l'Assemblée Nationale.

Le Président Mahamane Ousmane maintient la politique du dialogue avec la Rébellion. Le Parlement influença largement l'orientation de sa politique Ainsi, suite de la rencontre avec la CRA en février 1994 à Ouagadougou (Burkina Faso), le Gouvernement introduit le document de la CRA, (le Programme Cadre de la Résistance) devant le Parlement. Les débats extrêmement passionnés au Parlement ont largement orienté la politique du Chef de l'Etat. Les députés avaient

1Considéré comme un héros, le capitaine Maliki Boureima était le seul officier qui avait reconnu pendant la Conférence Nationale avoir ordonné des exécutions sommaires des Touaregs en mai 1990. Lors de son audition publique à cette occasion, ses aveux avaient provoqué un tonnerre d'acclamation de la salle, non pas pour le féliciter d'avoir commis des crimes, mais pour apprécier son courage car beaucoup d'officiers supérieurs avaient nié leur implication dans ces massacres. Les acclamations furent interprétées autrement par les Touaregs : « le capitaine Maliki, héros de son étatfut acclamé par la salle lorsque avec le plus grand mépris, il exposait comment il a mené sa sale besogne, et surtout quand il a décrit la manière macabre dont il a achevé le vieux Abdoulmonine qui agonisait suite aux tortures qu'il a subies », in CRA, Programme Cadre de la Résistance, op cit, p. 24.

2 André Salifou, op cit, p. 178.

3 Ibid, 173.

4 Laouel Kader Mahamadou, « La fonction présidentielle sous la 3è République » in Sahel Dimanche du 18 septembre 1992, p. 4.

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unanimement rejeté le projet de partition du pays proposé par la Rébellion qui revendiquait les 2/3 du territoire national.

Toute négociation avec la Rébellion doit être encadrée par des principes intangibles, à savoir le caractère unitaire de l'Etat, l'intégrité territoriale et le respect d'une manière générale de la Constitution du 26 décembre 1992. C'était d'ailleurs à la demande du Parlement que le Gouvernement élabora le Document de base du Gouvernement du Niger devant servir aux négociations avec la Rébellion en avril 1994. Cependant, aussi bien dans la gestion du conflit par la Transition que sous la 3e République, les institutions n'expliquent pas à elles seules les situations politiques. Les néo-institutionnalistes reconnaissent, d'ailleurs, le rôle important d'autres variables dans l'explication des situations politiques1.

De celles-ci, on peut citer sous la Transition, les relations personnelles difficiles entre Cheffou Amadou et André Salifou, la personnalité modérée et réservée du Président Ali Saibou, etc. Sous la 3e République, des variables comme l'affaiblissement de l'Etat, la situation désastreuse des finances publiques, la médiation des pays amis entre autres ont eu leur effet sur l'orientation de la politique du régime. Le rôle des institutions peut être également analysé par la prolifération d'institutions.

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