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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. La double signification des Accords de Paix

De 1991 à la Cérémonie Flamme de la Paix en septembre 20003, quatre (4) Accords de Paix ont été conclus. L'Accord de Paix du 9 octobre 1994 signé à Ouagadougou, l'Accord de Paix définitif du 24 avril 1995 également signé à Ouagadougou, le Protocole Additionnel du 28 novembre 1997 signé à Alger et l'Accord de N'Djamena du 21 août 1998. Ces Accords revêtent deux significations. Par leur contenu, ils incarnent un consensus politique entre la revendication identitaire de rebelles et l'approche universaliste de l'État soucieux de préserver le cadre étatique hérité de la colonisation.

L'analyse stratégique permet d'élucider la seconde signification : les Accords de Paix reflètent les conflits de leadership au sein des Fronts rebelles. A analyser leur contenu, ces Accords peuvent être classés en trois catégories : les Accords partiels, les Accords définitifs, et les Protocoles d'Accords Additionnels. Mais derrière cette diversité formelle se révèle la volonté politique commune de dépasser les clivages et d'asseoir les bases d'un nouvel ordre politique plus pragmatique.

L'Accord du 9 octobre 1994 est un Accord partiel. Il s'articule essentiellement autour la décentralisation ; et laisse en marge d'autres questions essentielles comme la sécurité ou le développement socio-économique. Cet accord rappelle le « caractère unitaire indivisible, démocratique et social de la République du Niger» et consacre la décentralisation en lieu et place du « fédéralisme » revendiqué par la Rébellion. Il prévoit subsidiairement une trêve de trois mois, des mesures urgentes dans le domaine socio-économique et culturel en faveur de la zone touchée par le conflit. Il crée aussi un Comité de suivi5 de l'Accord de Paix et une Cellule de liaison constituée de

1 Dans l'Aïr, il s'agit du FLAA de Rhissa Ag Boula, du FPLS de Mohamed Anacko, du FAR/ORA de Ousmane Ismaghril, du FLT de Mano Dayak (actuellement Mohamed Akotey), du MUR de Ahmed Waddé Houmouna et du FAR/UFRA de Silimane Hyard. Dans l'Azawak , il s'agit du FFL de Mohamed Ikta, de l'APLN de Hamad Ahmed Halilou, du FPLN de Alhadi Alhadji, de l'ARLN de Attaher Adboulmoumin (actuellement Bilal Islamane) et du MRLN de Goumour Ibrahim.

2 Les trois Accords de Paix principaux sont en annexe.

3 Cette cérémonie consacrait le désarmement total des Fronts et Mouvements ainsi que leur dissolution officielle conformément à l'article 13 de l'Accord de Paix du 24 avril 1995.

4 La composition du comité de liaison était comme suit : SE Mai Maigana, HCRP, Mohamed Aoutchiki pour la CRA, SE Ambassadeur Dimbo Bamba pour le Burkina Faso, SE Ambassadeur Laala Mohamed pour l'Algérie et SE Ambassadeur Alain Deschamps pour la France.

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militaires Burkinabé et Français1 en vue de faciliter le contact entre les parties sur le terrain. Il fut également prévu la libération des personnes détenues de par et d'autre.

Les autres points à négocier portaient sur l'intégration des ex-combattants dans les FDS et dans les autres corps de l'Etat, la question du développement du Nord et la création d'une commission d'enquête internationale. L'Accord du 24 avril 1995 est un Accord définitif. Tout en reprenant les dispositions du premier Accord sur la décentralisation dans son titre II, il traite dans ses titres IV et suivant, de l'organisation des FDS et des questions économiques, sociales et culturelles.

Quand à l'exigence de l'ORA pour la création d'une commission d'enquête internationale sur les massacres de mai 1990 à Tchintabaraden, les deux parties avaient convenu d'une amnistie générale. L'Accord du 24 avril était très significatif dans la mesure où le Gouvernement a accepté l'intégration des ex-rebelles dans l'armée et dans les autres corps paramilitaires. En plus, il accepte la mise sur pied d'Unités à Statut Militaire Particulier constituées des ressortissants des zones Nord et Est du pays. Jusqu'en mars 1995, les FAN rejetaient en bloc l'intégration en leur sein des éléments de la Rébellion.

Dans le domaine économique, la Rébellion a, pour sa part, concédé des politiques économiques plus souples en faveur des zones touchées par le conflit qui sont très loin de ses revendications initiales2. L'Accord du 21 août 98 avec le FDR est le deuxième Accord définitif. Il est singulier car il est conclu avec la rébellion toubou du Manga, non signataire des Accords du 24 avril3. Cet Accord s'inspire largement de celui du 24 avril, mais n'est pas un Protocole Additionnel.

Il reprend les points objet du premier Accord sans le citer formellement. Par contre, le Protocole d'Accord Additionnel d'Alger complète l'Accord du 24 avril. Ce Protocole ne faisait que ramener dans le processus de paix des signataires de l'Accord définitif du 24 avril. Son contenu n'apporte aucune clause nouvelle par rapport au premier Accord. Sa seule particularité est d'avoir intégré formellement les FARS dans le processus.

Par ailleurs, ces quatre Accords ont été complétés par de nombreux actes déterminant leurs modalités d'application, à savoir les Relevés de Conclusions et les Procès-verbaux des réunions du Comité de Pilotage5 intervenus entre 1996 et 1998. Ce processus de « négociation continue », selon l'expression de Soumana Souley, s'explique par la forme ouverte des Accords de Paix.

Ce dernier constate : « les Accords de paix au Niger ont été caractérisés par leur forme ouverte. En effet, les Accords n'étaient pas finis au moment de leur signature. Les Accords traitent des questions qui

1 La cellule de liaison composée d'une quarantaine d'hommes (officiers et hommes de rang) était mise en place en décembre 1994 à Agadez. Elle a contribué à instaurer la sécurité dans la zone de l'Aïr, mais elle eut des difficultés dans la région de l'Azawak à Tahoua où les autorités militaires s'étaient opposées à sa présence dans la zone. Voir HCRP, Note sur la question... op cit, pp. 5-6.

2 Ces revendications étaient devenues caduques après la signature de l'Accord du 9 octobre 1994 dans lequel la Rébellion renonçait au « fédéralisme », car les revendications politiques contenues dans le Programme Cadre de la Résistance (février 1994) étaient justement formulées dans le cadre d'une autre forme d'Etat exigée par la Rébellion qu'on appelle « fédéralisme ».

3 En fait, selon le témoignage que Moustapha issoufou, ex-rebelle du FDR, nous a livré (Entretien le 2 octobre 2008 à Niamey), le FDR n'était pas signataire de l'Accord du 24 avril en tant que structure, mais beaucoup de rebelles toubous, dont lui-même, avaient combattu avec les Touaregs depuis le premier noyau du FLAA en 1992. Ils ont adhéré aux Accords du 24 avril à Niamey avant de reprendre le maquis à l'Est pour faire prévaloir les intérêts de leur région.

4 Voir infra, chapitre 2, section 1, paragraphe 2, point B.

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demandaient à être précisées et détaillées par la suite. Souvent, les questions n'étaient qu'annoncées sommairement. Il en a résulté au cours de l'application de longs débats d'interprétations souvent houleux entre les deux parties... »1.

Selon Mohamed Anacko, Haut Commissaire à la Restauration de la Paix, « les Accords de Paix n'ont fait de déterminer les principes généraux, les vraies négociations n'ont commencé que bien après, au sein du Comité Spécial de Paix »2. Ces Relevés de Conclusions et Procès-verbaux sont pour les Accords de Paix ce que les règlements (décrets, arrêtés etc.) représentent pour une loi. Il est donc impossible d'interpréter les Accords de Paix sans connaître les clauses de ces « règlements ».

D'ailleurs, dans ce travail, l'expression « Accords de Paix » signifie non seulement les quatre Accords signés formellement entre les parties, mais aussi leurs modalités d'application3. Aussi, outre le caractère vague et imprécis de certaines clauses, le point E de l'Accord du 24 avril stipulait clairement que les clauses contenues dans l'Accord n'étaient pas exhaustives et limitatives. En d'autres termes, il était toujours possible à la Rébellion d'introduire de nouvelles revendications que ces Accords auraient occultées.

Il est important de savoir également que les quatre piliers du processus de paix retenus par le HCRP, à savoir la décentralisation, la réinsertion, la sécurité et le développement des régions concernées par la rébellion, se rapportent exclusivement aux conditions de désarmement définies par l'article 13 de l'Accord du 24 avril. C'est suite à l'évaluation des prestations du Gouvernement dans ces quatre domaines que les Fronts et Mouvements ont été officiellement dissous et « désarmés » lors de la Flamme de la Paix de septembre 20004. Outre les engagements souscrits à l'article 13, le Gouvernement a pris de nombreux autres engagements plus ou moins fermes à partir desquels le processus de paix peut être évalué ; et pour lesquels aucune action d'envergure n'a été menée à ce jour.5

Par ailleurs, en dehors de leur contenu, l'analyse montre que ces Accords traduisent des conflits entre acteurs au sein de la Rébellion. Trois figures se sont disputées le leadership du mouvement depuis 1991 : Mano Dayak, président de la CRA, Rhissa AG Boula, président de l'ORA et Mohamed Anacko président de l'UFRA. La création en 1996 de l'UFRA visait à disputer à Rhissa AG Boula le leadership de la Rébellion.

La signature du Protocole Additionnel d'Alger en 1997 « libérait » Mohamed Anacko de la tutelle du président de l'ORA, Rhissa Ag Boula. La renaissance de la CRA après l'Accord du 24 avril, pourtant dissoute et remplacée par l'ORA en mars 1995, procédait de la même logique stratégique. Ressuscitée par Mano Dayak6, la nouvelle CRA posa comme condition de son adhésion à l'Accord du 24 avril (dont ses membres étaient signataires) sa reconnaissance officielle

1 Soumana Souley, op cit, p 16.

2 Entretien à Niamey, 16 avril 2008.

3 D'ailleurs, il est important de signaler que les premiers Relevés de Conclusions étaient signés en présence des médiateurs, dont le Commandant Djibril Bassolé pour le Burkina Faso et l'Ambassadeur AbdelKader Aïtourabi pour l'Algérie.

4 Voir HCRP, Evaluation des dispositions de l'article 13 de l'Accord du 24 avril 1995, décembre 1999.

5 Dans le Titre V de l'Accord du 24 avril (point C), on peut citer certains engagements pris par le gouvernement, comme «promouvoir les langues et écritures nationales notamment le tamachèque et le ti finar », «envisager la création d'institutions d'enseignement supérieur dans les régions du Nord », « a f fecter, dans la mesure du possible, dans les régions, le personnel enseignant ressortissant de ces régions... », « la création, dans la mesure du possible du possible, de stations de radio et de télévision régionales émettant en langues nationales et reprenant les principaux programmes nationaux» etc.

6 Le combat pour la reconnaissance de la nouvelle CRA fut poursuivi par Mohamed Akotey après la mort de Mano Dayak dans un crash d'avion le 15 décembre 1995.

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en tant que coalition distincte de l'ORA de Rhissa Ag Boula. Elle obtint la dite reconnaissance le 17 mars 1996 à la faveur de l'avènement du Général Baré Maînassara Ibrahim au pouvoir le 27 janvier 1996.1

Si la CRA de Mano Dayak visait à saper l'hégémonie de l'ORA de Rhissa Ag Boula, la CRA de Mohamed Akotey était une réaction contre la suprématie de l'UFRA de Mohamed Anacko. En effet, la CRA ressuscitée par Mano Dayak fut « redissoute » en décembre 1996, en même temps que tous les autres Fronts (à l'exception de l'ORA) dans le cadre de la création de l'UFRA comme coalition unique. Battu par Mohamed Anacko à l'élection pour la conquête de la présidence de l'UFRA, Mohamed Akotey « ressuscita » la CRA...

L'Accord du 21 août avec le FDR peut être également perçu comme une stratégie politique des combattants toubous. Ces derniers qui combattaient aux cotés des Touaregs se sont repliés dans leur région de l'est afin de se différencier des Fronts touaregs et ainsi maximiser leurs intérêts. Ce qui se dégage de ces différents accords, c'est qu'ils sont quasiment identiques dans leur contenu. Ce qui importe pour les acteurs, c'est moins le contenu que la forme. Signer un accord directement avec le Gouvernement confère aux leaders du Front d'importantes ressources politiques. Sur la base de ces différents Accords de Paix, un ensemble de politiques publiques ont émergé au Niger.

1 En mars 1996, l'ORA et la CRA vont créer un Comité Technique de Négociation (CTN) constitué de douze (12) membres « en vue de rechercher les voies et moyens de leur unité d'une part et d'apprécier ensemble l'application de l'Accord de Paix du 24 avril 1995 d'autre part». Cf Résistance Armée (CRA-ORA), Acte Fondamental N°001IRA du 26 mai 1996 portant Création d'un Comité Technique de Négociation (CTN) au sein de la Résistance.

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