WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

( Télécharger le fichier original )
par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. Les modalités d'application des Accords de Paix

Les Accords du 24 avril prévoyaient la mise en place d'un Comité Spécial de Paix (CSP) constitué des deux parties et des trois médiateurs chargé de démarrer la mise en oeuvre des engagements pris. Le CSP siégea à cinq reprises à Niamey en 19954. Mais, grâce à la « confiance retrouvée » entre la partie gouvernementale et la Rébellion, il fut décidé sur proposition de la France, que les deux parties continuent seules la mise en oeuvre des Accords. C'est ainsi que s'agissait de la réinsertion des ex-combattants, des rencontres entre les deux parties aboutirent aux Relevés de Conclusions suivants5 :

- Le Relevé de Conclusions entre le Gouvernement et l'ex-Résistance autour de la détermination des effectifs du 7 au 4 juillet 1996 ;

- L'Acte Additif à la détermination des effectifs entre le Gouvernement et l'ORA en date du 4 septembre 1996 ;

- Le Protocole d'Accord sur le cantonnement, les intégrations et le désarmement des 25 novembre au 14 décembre 1996 ;

1 Accord du 24 avril 1995, article 22 (Titre V, point B). Souligné par nous.

2 Phillipe Garraud, «Agenda/Emergence » in Laurie Boussaguet et al, Dictionnaire des politiques publiques, op cit, p. 54.

3 André Lecours, op cit, p. 12. Voir aussi M. Gazibo et J. Jenson, op cit, p. 204.

4 Les cinq sessions se sont tenues aux dates ci-après :

- 1ère session du 23 mai au 2 juin 1995

- 2è session du 13 juillet au 11 août 1995

- 3è session du 10 au 18 novembre 1995

- 4è session du 5 au 18 novembre 1995

- 5é session du 13 au 26 décembre 1995. Voir HCRP, Mise en oeuvre des Accords de Paix, août 1996, p. 3.

5 HCRP, Bilan du processus de paix, août 2004, p. 5.

45

La problématique de la gestion post conflit au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants touaregs

Aofit 2009

- Le Forum de réconciliation intercommunautaire de Tahoua (CVT -- CAD) du 15 février 1997 ;

- Les Procès-verbaux des Comités de Pilotage du 3 septembre 1997 et 22 avril 1998 ;

- Le Relevé de Conclusions entre le HCRP et les FARS suite à l'armement additionnel du 2 juin 1999 ;

- Le Relevé de Conclusions entre le HCRP et le FDR du 19 août 1999 ;

- Le Relevé de Conclusions entre le HCRP et la Milice Peulh du 7 février 2000 ;

- Le Relevé de Conclusions entre le HCRP et la Milice Arabe de N'Guigmi du 30 mai 2000.

Les critères de déterminations des quotas par Front ou Mouvement reposaient essentiellement sur l'armement détenu, c'est-à-dire la « capacité de nuisance» selon l'expression du Colonel Laouel Chékou Koré, ancien Haut Commissaire à la Restauration de la Paix. Ainsi, plus la structure dispose d'armes, plus elle aura des quotas. La qualité des armes importait beaucoup puisqu'on tenait compte du nombre de personnes nécessaire pour les manier. A titre d'exemple, un Kalachnikov donne droit à une (1) place, une lance-roquette anti-char ou une 12-7 donne trois (3) à quatre (4 places), un appareil radio de transmission peut donner une (1) à deux (2) places etc. Cette formule propre à l'institution militaire reflétait l'effet de celle-ci sur ce processus décisif.

De l'avis de Soumana Souley, «par ce procédé incitatif, le Gouvernement entendait dissuader les rebelles de garder des armes de guerre.1 Pourtant, le désarmement de certains chefs de guerre comme Chahaï Barkaï des FARS ne fut pas chose aisée2. Aussi, cette formule, pourtant universelle en matière de gestion post-conflit, ne fut pas appliquée à la lettre. Il était apparu que les Fronts les moins dotés en armement en seraient lésés. En vérité, beaucoup de ces Fronts étaient fictifs, ils étaient créés à la hâte par certains opportunistes pour bénéficier des intégrations.

Déjà en 1996, lors de la réunion de travail entre le HCRP, la Rébellion et la Médiation sur les modalités de cantonnement, le HCRP avait proposé trois critères d'admission sur les sites de cantonnement : être nigérien, appartenir à un Front et détenir une arme. Ce dernier critère fut rejeté par la Rébellion qui estima que « tout élément remplissant les deux premiers critères dans la limite de 5900 combattants devrait être admis »3. Cette position fut acceptée par le HCRP et la Médiation.

La Réunion du Comité de Pilotage du 3 septembre 1997 a décidé d'attribuer les quotas au prorata de 20 % de l'effectif théorique et 80% pour l'armement4. En 1999, le FDR, s'estimant lésé par les critères définis plus haut, introduisait un critère d'ordre démographique et spatial. Dans un document adressé au HCRP, il exprimait sa position en ces termes : «Pour le FDR, le

1 Entretien à Niamey, 15 avril 2006.

2 Le « Commandant» Chahaï avait signé un accord avec le gouvernement le 6 juin 2000 qui l'autorise à garder des armes même après le désarmement de tous les Fronts afin d'assurer sa sécurité. Ces armes devraient être restituées après l'installation des USS dans le Kawar. Il garda ainsi une mitrailleuse 14,5 mm, une FAL N°56353, une AK47 N°R22462, une SG N°64827 et quatre PA. Avec l'installation des USS dans le Manga en fin 2000, le HCRP lui somma par lettre N°44/HCRP/CT du 22 février 2001 de rendre les armes détenues conformément à l'accord conclu. Une mission du HCRP fut dépêchée pour le rencontrer à cet effet, mais en même temps, les FAN en décidaient autrement. Une mission lancée en même temps que celle du HCRP le 21 septembre 2001 attaqua le convoi du « commandant» qui trouva la mort dans les combats. Voir HCRP, Bref aperçu sur le désarmement des FARS, (document non daté) et HCRP, Armement détenu par les FARS, juin 2000.

3 HCRP, Procès-verbal de Réunion, 25 septembre 1996, p. 4. Voir aussi, HCRP, Protocole d'Accord sur le cantonnement, les intégrations et le désarmement, 25 novembre au 17 décembre 1996, p. 2.

4 Procès-verbal de Réunion du Comité de Pilotage du 3 septembre 1997, p. 3.

46

La problématique de la gestion post conflit au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants touaregs

Aofit 2009

Karvar-Manga est un espace géographique aussi vaste que l'Aïr-ADarvak et la population qui y vit est aussi nombreuse que celle de l'Aïr-ADarvak. Il serait dès lors aberrant, voire cynique de vouloir affecter au FDR, le 1/15 des quotas réservés à l'autre ex-Rébellion. Une telle démarche ne peut relever que du simplisme et de l'arithmétique pur »1. C'était donc sur la base d'une formule hybride combinant les critères à la fois politiques et techniques que les quotas furent déterminés, tel que illustré dans le tableau n°1 ci-dessous.

Tableau n°1 : Poids des Fronts et Mouvements en pourcentage et par ordre dé croissant2

Structures

Statut

Pourcentage

Zone d'intervention

FARS

Front toubou

14,19%

Kawar

FPLS

Front touareg

12,33%

Aïr

FLT

Front touareg

10,54

Aïr

FLAA

Front touareg

9,31%

Aïr

MUR

Front touareg

8,40%

Aïr

CVT

Mouvement arabe

7,76%

Azawak

APLN

Front touareg

6,04%

Azawak

FAR/UFRA

Front touareg

5,86%

Aïr

CAD

Mouvement arabe

5,58%

Azawak

MRLN

Front touareg

5,45%

Azawak

FFL

Front touareg

4,12%

Azawak

ARLN

Front touareg

3,35%

Azawak

FAR/ORA

Front touareg

2,11%

Aïr

FPLN

Front touareg

2,8%

Azawak

 

Source : HCRP, Poids en pourcentage des ex-Fronts et Mouvements, juillet 2006.

Les modalités d'application montraient, par ailleurs, le rôle des institutions existantes dans l'attribution des grades. La hiérarchie militaire refusa l'attribution des grades aux ex-rebelles démobilisés. Dès mars 1995, les FAN s'étaient prononcées contre toute intégration des éléments démobilisés de la Rébellion en leur sein ; « cela du fait même du caractère républicain d'une armée, condition fondamentale de la viabilité de l'Etat »3. Selon les officiers, l'égalité d'accès pour tous les citoyens aux emplois militaires est « incompatible avec la prise en compte de facteur ethnique »4.

En effet, les mesures de discrimination positive en faveur des ex-combattants contredisent les normes régissant l'institution militaire. Cette contradiction fut à l'origine de la reprise des hostilités par l'UFRA en septembre 1997. Finalement, les FAN ont accepté le principe de l'intégration des éléments démobilisés, mais à condition d'être encadrée par des normes

1 FDR, Propositions du FDR sur l'intégration, la réintégration, l'insertion socio-économique et la détermination des grades, 23 février 1999, p. 1.

2 Seuls les Fronts et Mouvements du Manga (Est) ne figurent pas dans ce tableau, à savoir le FDR, rébellion toubou et les deux Milices de la zone (Milice Arabe de N'Nguigmi et la Milice Peulh de Diffa). Ces structures ont été intégrées avec les Accords de N'Ndjamena de 1998 sur des bases forfaitaires.

3 HCRP, Note sur la question de..., op cit, p. 18.

4 ibid.

47

La problématique de la gestion post con~lit au Niger : analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants touaregs

Aofit 2009

pré cises1. C'est ainsi qu'il fut décidé que la formation des éléments démobilisés ne pouvait se faire dans des camps isolés, contrairement aux voeux de la Rébellion qui envisageait la formation de ses éléments dans des écoles françaises. Les écoles existantes de formation furent alors utilisées.

Ainsi, la logique institutionnelle propre à cette structure étatique fut un facteur structurant dans l'application pratique des clauses liées à la réinsertion. L'option du HCRP fut dès les Accords du 9 octobre 1994 de solliciter l'avis de toutes les structures de l'Etat sur d'éventuelles intégrations des éléments de la Rébellion. Chaque structure se prononçait en fonction de sa logique intrinsèque en termes de critères d'entrée et de capacité d'absorption.

La Garde Républicaine offrait dès mars 1995 des possibilités d'intégration pour les ex-combattants. Ce corps disposait d'une catégorie E en voie d'extinction qui pouvait accueillir les ex-combattants non titulaires du Certificat de Fin d'Etudes du Premier Degré (CFEPD). En outre, il fut également décidé que pour l'ensemble des corps de l'Etat, les intégrations se feront selon les nécessités de services exprimées par les institutions compétentes. Et surtout que l'affectation des agents dans le Nord se fera en fonction de la connaissance du terrain et non du seul fait d'être ressortissant de la Région.

Au cours du processus, les conditions pratiques de sélection selon les corps furent graduellement définies et précisées, notamment au sein des commissions spécialisées qui seront créées à cet effet. Il apparaît évident que malgré des éléments de rupture, les institutions antérieures et leurs normes de fonctionnement ont fortement encadré le processus de définition de la politique de réinsertion. Malgré la présence des représentants de la Rébellion dans toutes les sphères de décisions, l'Etat a largement sauvegardé ses principes de fonctionnement.

Au sein des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), la seule innovation qualitative fut la création des Unités Sahariennes de Sécurité (USS) composées de ressortissants des zones touchées par le conflit. Mais ce corps était lui-même incorporé au sein des Forces Nationales d'Intervention et de Sécurité (FNIS) avec la Garde Républicaine qui existait déjà, et avec un Commandement Central basé à Niamey. En clair, l'universalisme et la logique jacobine de l'Etat ne semblent pas avoir souffert outre mesure de l'application des Accords à cette étape précise. Cette réalité s'observe également dans le cadre institutionnel de la gestion post-conflit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon