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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. Les balbutiements de la réinsertion des ex-combattants

La politique de réinsertion des ex-combattants a essentiellement produit deux types de traitements. Il s'agit d'abord des intégrations qui ont consisté à recruter directement les ex-combattants dans divers corps de l'Etat et de la réinsertion socio-économique qui a permis de réinsérer à la vie civile des ex-combattants à travers l'octroi des subventions dans le cadre des projets communautaires. La réinsertion des ex-combattants a été faite sur fond de tension. En effet, si dans le cas des intégrations, le processus a été réalisé avec diligence, de nombreux cas de désertions ou de révocation des ex-combattants au sein des FNIS ont mis à mal le processus de paix.

Pour la réinsertion socio-économique, les dix ans de retard que sa réalisation a accusé n'étaient pas aussi pour apaiser les tensions. Les effectifs ont été déterminés à travers les différents Relevés de Conclusions issus des réunions entre les deux parties. Les recrutements au titre des intégrations furent déterminés non seulement par les critères de compétence, des besoins exprimés par les ex-combattants eux-mêmes, mais aussi en fonction des besoins de service exprimés par les administrations. Au total, trois mille quatorze (3014) ex-combattants ont été intégrés, comme illustré dans le tableau n°4 à la page suivante. Il est à noter que pour certains ex-combattants, il s'agissait des réintégrations.

En effet, l'article 16 de l'Accords de Paix du 24 avril 95 engageait le Gouvernement à réintégrer à la Fonction Publique et dans les Sociétés d'Etats, les éléments démobilisés de la Rébellion qui avaient quitté leurs postes. Il en a été de même pour les élèves et étudiants. Dans la

1 Les états de paiement étaient déjà préparés par le HCRP et transmis au Ministère des Finances. Certains ex-combattants s'étaient même endettés, convaincus qu'ils étaient que le paiement était acquis. En fait, il semble que le Chef de l'Etat a été dissuadé d'aller au bout de ce processus par les désertions de certains ex-combattants pour rejoindre le MNJ.

2 Cette distinction entre politique et administration est de Claude Ake. Il l'exprimait en ces termes : «reduced to the essentials, the difference is that politics refers to the process whereby members of the community arrive at decisions about the management of matters of common concern, administration refers to the implementation of these decisions (...) The political situation is one in which the issues are still in dispute, the administrative situation is highly structured because it is a matter of relating determinate rules and norms to standardized circumstances. So in a sense, administration begins where politics ends» in C. Ake, Social science as imperialism: the theory ofpolitical development, Ibadan, Ibadan University Press, 1979, p 107.

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pratique, ces réintégrations se sont passées sans heurt majeur par la médiation du HCRP qui introduisait les dossiers des ex-combattants aux institutions concernées. Mais, il est à relever que certains avaient opté pour d'autres emplois au lieu de reprendre leur activité d'origine.

C'est le cas surtout des Chefs et Cadres, qui, on l'a vu, ont bénéficié d'un traitement spécial. Les intégrations ont en même temps permis à l'Etat de répondre à une question centrale des Accords de Paix, à savoir la sécurité des zones touchées par le conflit. La mise en place des Unités Sahariennes de Sécurité (USS), corps constitué en majorité des ex-combattants et/ou des ressortissants des zones affectées par la Rébellion, a été considérée comme un des quatre (4) piliers des Accords de Paix par le HCRP. Ces Unités ont absorbé 1602 ex-combattants, soit 53,15% du total des ex-combattants intégrés. Ceux-ci ont été repartis dans les quatre compagnies créées par décret n°98-038/PRN/MI/AT du 23 janvier 1998 dans les zones touchées par le conflit (Kawar, Manga, Aïr et Azawak).

En ce qui concerne la réinsertion socio-économique, le processus accusa un long retard. Ce processus a concerné au total 4050 ex-combattants. Au début, le Relevé de Conclusions du 4 juillet 1996 prévoyait 3500 éléments. Par la suite s'étaient ajoutés 250 éléments consécutivement aux Relevés de Conclusions conclus entre le HCRP et le FDR, la Milice Peulh et la Milice Arabe de N'Guigmi. En plus, en septembre 2000, des 600 ex-combattants initialement destinés à un recrutement dans les Sociétés d'Etat, 300 avaient opté pour la réinsertion socio-économique.

Tableau n°4 : La situation des intégrations dans les corps de l'Etat

Corps

Effectifs prévus

Effectifs intégrés

Forces Armées Nigériennes (FAN)

274

274

Gendarmerie Nationale

66

66

Unités Sahariennes de Sécurité

1602

1602

Garde Républicaine

91

91

Police Nationale

107

107

Douanes

120

120

Forêt/Faune

112

112

Sous/total 1

2372

2372

Université

152

152

Lycées/Collèges

160

160

Ecoles Normales

85

85

Ecoles Nationale de Santé Publique

65

65

ENA-IFTIC-IPDR1

61

61

Fonction Publique

7

7

Auxiliaires Ministère de l'Education

73

73

Auxiliaires Ministère de la Santé
Publique

40

40

Sous/total 2

642

642

Total général

3014

3014

 

Source : HCRP, Bilan du processus de paix, août 2004, p. 6.

1 Ecole Nationale d'Administration, Institut de Formation aux Techniques de l'Information et de la Communication, Institut Pratique de Développement Rural (Kollo).

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Le Gouvernement n'a pu honorer ses engagements pour les 300 ex-combattants restants. Ceux-ci avaient reçu en compensation un pécule de un million cinq cent mille (1 500 000) F CFA chacun en 2006. Au total, la réinsertion socio-économique a permis de désintéresser 4050 ex-combattants repartis en trois zones, à savoir le Kawar (230 ex-combattants), le Manga (660 ex-combattants) et l'Aïr/l'Azawak (3160 ex-combattants). La réinsertion socio-économique des ex-combattants est inséparable du développement des zones touchées par le conflit qui fait l'objet du Titre V de l'Accord de Paix du 24 avril 1995.

Pour répondre à cette clause, le Gouvernement a adopté deux approches. L'une a consisté à prendre des mesures urgentes en vue de réhabiliter les zones touchées par le conflit et d'occuper temporairement les ex-combattants démobilisés. L'autre approche s'inscrit dans le long terme. Elle était censée aboutir à l'élaboration d'un vaste programme de développement de la zone pastorale. Au titre des mesures d'urgence, deux Projets à Haute Intensité de Main-d'oeuvre (HIMO) ont été réalisés en vue non seulement de réhabiliter les infrastructures de développement, mais aussi occuper les ex-combattants en attente de leurs intégrations ou réinsertion1.

En outre, une Table Ronde fut organisée du 30 au 31 octobre 1995 à Tahoua afin de mobiliser les Bailleurs de Fonds et relancer les projets de développement des zones concernées. Dans le cadre du long terme, des études avaient été commanditées par l'Etat à travers des experts afin de déterminer les opportunités d'emploi pour les ex-combattants.

C'est ainsi que le Cabinet Maina Boukar et Conseils a réalisé en août 1997 deux études : Etudes sur les opportunités d'emploi et d'occupation et les potentialités de réinsertion socio-économique des ex-combattants et le Rapport sur les quelques résultats de l'enquête relatifs au profil et aux attentes des ex-combattants et le rapport de l'informaticien sur le programme mis en place et sur le déroulement des enquêtes. Au mois de novembre 1997, une étude fut réalisée par un Expert du Bureau International du Travail (BIT) sur un programme de réinsertion des ex-combattants2.

Ce programme n'a pu être exécuté, faute de financement. La réinsertion socio-économique ne débutera qu'en 2002, soit sept (7) ans après les Accords de Paix. Dans le Kawar, elle fut exécutée par le Projet Consolidation de la Paix dans la Région de Bilma entre avril 2002 et le 31 mai 2004. Les ex-combattants furent organisés en Coopératives et Groupements selon les domaines économiques choisis et ont bénéficié des subventions et de l'encadrement technique du Projet.

Dans le Manga, le Projet Consolidation de la Paix dans la Région de Diffa exécuta la réinsertion des 660 ex-combattants entre mai 2001 et le 31 mai 2003. 95 Microprojets regroupés en 9 Groupements d'Intérêt Economique (GIE) ont été formés et financées. L'ensemble de ces Projets était financé grâce au soutien du PNUD, du Programme des Volontaires des Nations-Unies (PVNU) et de la Coopération Française (principal bailleur de fonds).

Pour la zone Aïr/Azawak, la réinsertion ne débuta qu'en 2006 avec le soutien de la France, des USA, du PNUD, du PVNU pour le grand contingent des ex-combattants. En termes de résultats obtenus, le Projet Consolidation de la Paix dans l'Aïr et l'Azawak (PCPAA) a constitué 298 coopératives, 298 Microprojets financés à hauteur de 1 042 800 $ US dans des

1 HCRP, Programme d'Intervention HIMO au profit des Ex-combattants dans l'Aïr et l'Arawak, Novembre 1997.

2 République du Niger, Proposition pour un programme d'urgence de réinsertion des ex-combattants, novembre 1997.

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domaines comme l'élevage, l'agriculture, le commerce général, etc.1 Le PCPAA a été prolongé pour une année supplémentaire lors de la dernière réunion du Comité de Pilotage2 du Projet tenue à Niamey le 17 mars 2008.

La réinsertion socio-économique fut très lente dans son application. Cette lenteur est d'autant plus paradoxale que la réinsertion socio-économique concerne l'écrasante majorité des ex-combattants dont le niveau d'instruction n'était pas compatible avec les intégrations3. Plusieurs facteurs expliquent ce paradoxe. Le plus important a été l'insuffisance du financement due en partie au boycott économique de certains pays suite au Coup d'Etat du Général Ibrahim Baré Mainassara en janvier 19964.

Certaines puissances comme les Etats-Unis avaient, en effet, combattu le régime de la 4è République à travers une suspension de leur coopération économique et financière5. Le problème de financement a failli remettre en cause le processus de paix à certaines périodes, comme le note Soumana Souley : « ...les requêtes de financement ont toujours tardé à être honorées au regard des difficultés financières de l'Etat. Cette situation pouvait compromettre le bon déroulement du processus. Au cantonnement des ex-combattants par exemple, n'eut été l'intervention rapide du partenaire français qui a déboursé plus d'une centaine de millions, des problèmes insurmontables auraient ramené le processus en arrière »6.

Selon Abdourahamane Mayaki, Expert en Bonne Gouvernance au PNUD/Niger, le démarrage tardif de la réinsertion des ex-combattants dans l'Aïr et l'Azawak s'explique du fait que « les partenaires voulaient d'abord intervenir dans un échantillon restreint avant d'élargir à l'Aïr et l'A atvak l'expérience née de la gestion de la question dans le Katvar et le Manga »7. On note également un manque d'enthousiasme dans la recherche de financement par le Gouvernement qui, par ailleurs, a toujours été le dernier à s'acquitter de sa contribution dans le financement des différents projets de réinsertion. Cette attitude a conduit la France à conditionner son appui au versement par le Gouvernement du Niger de sa contribution (10%) au titre du PCPAA en 2006.

En plus, la réinsertion des ex-combattants s'était heurtée au refus de certains partenaires dont les méthodes d'intervention étaient incompatibles avec la discrimination positive8.

1 PCPAA, Rapport annuel, janvier 2008.

2 C'est le Haut Commissaire qui préside le Comité de Pilotage du Projet en partenariat avec le Ministère du Développement Communautaire et de l'Aménagement du Territoire

3 Selon l'enquête du Cabinet Maina et Conseils d'août 1997 portant sur un échantillon de 1851 ex-combattants, il était ressorti que 57,15% n'avaient reçu aucune instruction scolaire tandis que 30,60% ont, soit suivi des cours d'alphabétisation, soit fréquenté l'école coranique, et donc appris à lire et à écrire. Les autres, qui ne sont que 245, soit 12,25% se repartissent entre le CFEPD/CAP (168), le BEPC (65), le Bac (8) et l'Université (4). Voir Etudes sur les opportunités d'emploi et d'occupation et les potentialités de réinsertion socio-économique des ex-combattants, août 1997, Page 3.

4 Voir Dodo Boukari AbdoulKarim, « La conditionnalité démocratique de l'aide au développement : le cas du Niger depuis le coup d'Etat du 27 janvier 1996 » in Actes du Premier Colloque International sur le thème «Armée et démocratie en Afrique : cas du Niger». Niamey, 6-9 décembre 1999.

5 L'Ambassadeur américain Joseph Wilson, alors en poste à Niamey, a révélé dans ses mémoires (The politics of truth, 2004) qu'il s'était personnellement investi pour la chute du régime de Baré Mainassara.Voir Africa International, n°378 juillet/août 2004, page 4.

6 Soumana Souley, op cit, p. 17.

7 Interview dans la revue Seeda consacrée à la rébellion touarègue, n°41-42, 2008, p. 14.

8 A la rencontre des Bailleurs de Fonds sur le financement du programme d'urgence de réinsertion socio-économique des ex-combattants tenue le 19 décembre 1997 à Niamey, la représentante de ECHO (Office Humanitaire de la Communauté Européenne) a estimé que son institution se veut communautaire, ses actions sont censées bénéficier à toute la population et non à une frange représentée par les ex-combattants. Voir HCRP, Rapport de synthèse de la

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Au total, en termes de policy output, le Gouvernement a réinséré à la vie civile plus de sept mille quatre cent quatre vingt trois (7483) ex-combattants, toutes catégories confondues. Il s'agit pour le traitement des Chefs et Cadres de cent dix neuf (119) personnes, à savoir les dix sept (17) Chefs et leurs Cadres (à raison de 6 par structure) estimés à cent deux (102) personnes. Pour les ex-combattants, trois mille quatorze (3014) ont bénéficié des intégrations, quatre mille cinquante (4050) de la réinsertion socio-économique et trois cent (300) ex-combattants initialement prévues pour les Sociétés d'Etat, bénéficiaires d'une réinsertion spéciale.

Réunion des Bailleurs de Fonds sur le Financement du Programme d'Urgence de Réinsertion Socio-économique des Ex-combattants tenue à Niamey le 19 décembre 1997, décembre 1997, p. 5.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry