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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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DEUXIEME PARTIE

L'IMPACT DES INSTITUTIONS SUR LA REINSERTION
ENTRE STRUCTURATION ET REPRODUCTION

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Aofit 2009

Le policy output résultant du processus de gestion post confit a été suffisamment modelé par le monde des institutions existantes. La politique de réinsertion des ex-combattants et le cadre institutionnel qui en a résulté ont à leur tour produit des effets structurants sur le processus. Cette deuxième partie examine les deux axes de recherche portant sur les relations entre institutions et comportements et la logique de reproduction des institutions. D'abord, l'analyse montre dans quelle mesure les institutions affectent les comportements des acteurs. A partir des institutions politiques existantes et du cadre institutionnel de la gestion post conflit, il est apparu que les stratégies déployées par les ex-combattants ont dans une large mesure été induites par les institutions (chapitre I). Ensuite, par des phénomènes de path dépendence, la politique de réinsertion et les institutions qui y sont liées ont engagé la dynamique de leur propre reproduction. Cette institutionnalisation de la politique est porteuse de logiques à la fois stabilisatrices et déstabilisatrices pour le système politique (chapitre II).

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Aofit 2009

CHAPITRE I : INSTITUTIONS ET LOGIQUES COMPORTEMENTALES DES EX-COMBATTANTS

Les institutions, une fois créées, deviennent des variables indépendantes capables d'expliquer les situations politiques. Pour employer l'expression de Paul Pierson, « l'e~~et devient la cause» en ce sens que les institutions induisent des changements qualitatifs dans leur environnement. D'une part, cette vertu explicative des institutions se perçoit dans la structuration des stratégies des ex-combattants (section 1) et d'autre part, dans les relations asymétriques de pouvoir qu'elles introduisent entre les différents acteurs (section 2).

Section 1 : La structuration des stratégies des ex-combattants

Les configurations institutionnelles « structurent les contextes et les choix qui y sont possibles »1. En ce sens, les institutions se présentent pour les ressortissants de la politique, tantôt comme une opportunité (paragraphe 1), tantôt comme une contrainte (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les institutions comme opportunité

Les institutions se présentent comme une opportunité dans leur dimension formelle qui peut être appréciée par le statut juridique du HCRP (A). Elles le sont aussi dans leur expression informelle tel que le montre le processus décisionnel au sein de cette même institution (B).

A. Le statut juridique du HCRP

Les normes formelles qui régissent le cadre institutionnel de la gestion post conflit induisent des résultats en termes de comportement des acteurs, notamment les ressortissants eux-mêmes. Ainsi, les institutions créées et leurs règles officielles de fonctionnement se présentent comme une opportunité pour les ex-combattants destinés à la réinsertion. Cette hypothèse se vérifie à travers l'administration du HCRP et le rattachement de celui-ci à la Présidence de la République.

En effet, l'alternance entre une administration militaire et civile n'est pas sans incidence sur l'exécution de la politique de réinsertion. Au terme du décret n°94-007/PRN du 14 janvier 1994 portant création et attributions du HCRP, le Haut Commissaire est nommé par le Chef de l'Etat de façon discrétionnaire, ce dernier pouvant choisir un civil ou un militaire. Le style de commandement propre aux militaires se présente comme une opportunité à cet égard. La discipline, la rigueur et le sens du travail bien fait qui caractérisent l'institution militaire ont permis de faciliter l'exécution de la politique de réinsertion. Le parcours des militaires au HCRP a été marqué par le travail rigoureux, le respect strict des normes de travail etc. bref, toutes choses qui ont largement contribué à accroître la capacité institutionnelle de l'institution.

Tous les agents du HCRP reconnaissent que le rythme de travail était plus rigoureux sous l'administration militaire.En outre, l'administration militaire a été d'un grand secours pour la facilitation des contacts entre le HCRP et les commandements militaires du Nord. Au sortir des Accords de Paix, la politique de réinsertion et beaucoup de questions liées à la gestion post conflit

1 Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, op cit, p. 209.

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en général, relevaient dans une large mesure des compétences des FAN. Les militaires étaient incontournables dans la gestion des processus de désarmement, de démobilisation et de cantonnement. Jusqu'à présent d'ailleurs, c'est un ancien militaire à la retraite, le sergent-chef Mamane Garba, qui occupe le poste d'opérateur radio au HCRP.

La détermination des quotas par Front et Mouvement qui tenait compte de l'armement des différentes structures fut essentiellement l'oeuvre des militaires. Dans la mise en oeuvre des Accords de la Paix, la présence des officiers à la tête du HCRP a été très déterminante pour débloquer certaines impasses. C'était, en effet, grâce à la nomination des militaires comme le colonel Seyni Garba (aujourd'hui général) que les problèmes de grades ont pu être surmontés, ainsi que les problèmes liés au transfert de grades.

Les militaires avaient la possibilité de conduire des missions difficiles dans des zones dangereuses du Nord et de l'Est du Niger et prendre contact avec les groupes dissidents. Ces facteurs ont largement induit des comportements favorables des ex-rebelles et favorisé leur adhésion aux Accords de Paix. Par ailleurs, le rattachement du HCRP à la présidence de la République est certainement un des facteurs structurants les plus importants. En effet, le Haut Commissaire ne rend compte qu'au Chef de l'Etat. L'institution du HCRP est ainsi partie intégrante d'une institution politiquement irresponsable. Car, de par ses attributions et son organisation formelle, le HCRP n'entretient avec les autres ministères que des rapports de coopération.

En 1995, sous la direction Mai Maigana, le Haut Commissaire, fort de sa position vis-à-vis du Chef de l'État, convoquait même des ministres pour régler certains problèmes relevant de leurs compétences. Il faut en plus souligner que l'organisation des pouvoirs est telle que le Parlement n'a pas la possibilité d'interpeller le Haut Commissaire pour s'expliquer sur l'exécution de la politique de réinsertion. Ce dernier a rang de ministre mais n'est pas membre du Gouvernement. L'impact de cette configuration a facilité la mise en oeuvre de la politique de réinsertion. Le HCRP avait ainsi la possibilité de traiter directement avec le Chef de l'Etat en se passant du Gouvernement.

L'institution était aussi, de par son statut juridique, à l'abri de tout contrôle direct du Parlement. C'est ainsi que beaucoup de dossiers pendants et controversés furent rapidement débloqués. C'est le cas de la question des trois cent (300) ex-combattants initialement destinés aux Sociétés d'État que le Chef de l'État a réglé en juin 2006. L'élément structurant a été pour les ressortissants de cette politique de redéployer toutes leurs stratégies sur la Présidence de la République. Car les autres institutions (le Parlement, la Primature par exemple) n'avaient aucune emprise sur le HCRP qui dispose d'une autonomie dans la gestion de la réinsertion. Les correspondances officielles du HCRP étaient traitées avec diligence dans tous les ministères1. Sur celles-ci, on pouvait lire couramment l'expression «sur instruction du Chef de l'État.... ».

En plus, l'institution dispose d'un mécanisme lui permettant administrativement de faire parvenir au Chef de l'Etat certaines informations directement, sans transiter par le circuit ordinaire de la Présidence2. La place centrale du Chef de l'Etat dans la gestion post conflit

1 Le HCRP utilise cette formule par exemple pour faire débloquer avec diligence des fonds destinés aux ex-combattants par le Ministère des Finances et de l'Economie.

2 Ces correspondances confidentielles et directes sont appelées «Note au Président de la République ». L'essentiel des demandes des ex-combattants dont le contenu semble controversé sont transmises par le truchement de ces «notes ».

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explique également que des fonctions politiques à la Présidence de la République soient attractives et perçues comme stratégiques. Mohamed Anacko, avant sa nomination au HCRP était Conseiller à la Présidence avec rang de ministre avant d'être ministre délégué aux Finances. C'est également le cas de Ali Sidi Adam, responsable des FARS, le front le plus puissant militairement, qui est Conseiller à la Présidence.

C'est dire que les perceptions des acteurs et leurs actions ont été construites et modelées par ce dispositif institutionnel de nature présidentialiste. Ceci était d'autant plus pertinent que la réinsertion des Chefs et Cadres était laissée à l'appréciation du Chef de l'Etat. Ce pouvoir discrétionnaire, à lui conféré par les Accords, a orienté toutes les stratégies des ex-Chefs et Cadres sur la Présidence. L'opportunité pour les ex-combattants, c'est aussi le bénéfice de discrétion que de tels arrangements institutionnels offraient.

En effet, l'autonomie du HCRP et son rattachement direct au Chef de l'Etat ont permis à beaucoup de demandes des ex-combattants suffisamment controversées d'être traitées sans heurt. La politique de réinsertion, avec le principe de discrimination positive qu'elle implique, n'a jamais fait l'unanimité au sein de l'opinion publique. Elle a même été farouchement combattue par beaucoup de nigériens. La procédure assez discrète de règlement de certaines difficultés nées de la réinsertion a évité au pouvoir politique de mettre à mal sa légitimité. C'est le cas par exemple de la réinsertion des Cadres.

Il est certain que si beaucoup de Cadres ont cumulé des avantages (contrairement aux Accords de Paix), c'est en partie en raison du dispositif institutionnel fermé, à l'abri de la curiosité du public. Toutes ces implications produites par les institutions ont favorisé une conception néo-patrimoniale de la politique de réinsertion. Le caractère fermé du cadre institutionnel explique pourquoi la résurgence de la rébellion en 2007 a surpris l'opinion publique.

Les multiples tractations secrètes qui ont été menées entre le HCRP et le premier noyau du MNJ depuis 2004 ne pouvaient être perçues par le public. Il suffit d'ailleurs de parcourir les articles de la presse écrite sur le conflit au nord pour constater ce déficit d'information. Il est fort probable que les limites de la gestion post conflit, les signes alarmants d'une reprise des hostilités auraient été perçues si le Haut Commissaire pouvait être interpellé par l'Assemblée Nationale pour s'expliquer sur la gestion des Accords de Paix.

Le HCRP est au Niger l'une des institutions qui communiquent le moins1. Cette situation a été savamment exploitée par les ex-combattants, notamment les élites résidant à Niamey, pour faire aboutir certaines demandes contestables au regard des prescriptions des Accords de Paix. Ces facteurs structurants sont également perceptibles au niveau de certaines normes informelles tel que le processus décisionnel du HCRP.

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