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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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Paragraphe 2 : Les institutions comme contrainte

Les contraintes inhérentes au cadre institutionnel de gestion post conflit se mesurent également aussi bien par des normes formelles illustrées par la rigidité de l'administration publique (A) que par des normes informelles telles que les contraintes géographiques et linguistiques (B).

A. La rigidité de l'administration publique

Les institutions se présentent ici comme une limite de la capacité d'influence des ressortissants sur le processus de mise en oeuvre de la politique de réinsertion. En rétrécissant la marge de manoeuvre de ces acteurs, les institutions induisent d'autres attitudes et comportements. Cette réalité se lit dans les contraintes que constitue l'administration militaire du HCRP et également dans la rigidité des normes régissant les institutions dans lesquelles les ex-combattants ont été intégrés. Au-delà des significations que la nomination des militaires à la tête du HCRP a revêtues, l'administration militaire a rempli certaines fonctions latentes.

Le contexte issu de la signature des Accords de Paix était marqué par les relations de suspicion et de méfiance mutuelles entre les parties. Au HCRP, cette situation post conflit a mis à mal les relations entre le personnel civil et les ex-combattants directement sortis des maquis. Des incompréhensions entre les deux parties se sont ainsi soldées par des agressions physiques ou menaces verbales, toutes choses qui ont créé un contexte de travail tendu, voire dangereux pour le personnel civil.

Trois agents du HCRP ont fait les frais de ce climat de psychose. Un d'entre eux fut physiquement agressé par un Cadre de l'ex-Rébellion dans les locaux du HCRP, les deux autres furent menacés de mort, dont un avec arme à feu. L'arrivée des militaires à partir de mai 19961 a permis de mettre en confiance les agents du HCRP en leur offrant un cadre de travail plus sécurisé. Cette situation conduit le colonel Laouel Chékou Koré, (à l'époque chef d'escadron) alors Haut Commissaire, à placer des sentinelles à l'entrée des locaux.

1 Bien avant la nomination du Chef d'Escadron Laouel C. Koré, c'est le Chef d'Escadron Yayé Garba qui fut nommé Conseiller Technique du Haut Commissaire le 25 mars 1996.

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La sécurisation du cadre de travail apparaît ici non pas comme une cause de l'arrivée des militaires, mais comme une fonction latente que l'institution militaire remplit pour le HCRP. Si pour les cadres du HCRP, l'administration militaire est facteur de sécurité et de sérénité, il n'en est pas de même pour les ex-rebelles. Pour ces derniers, la gestion des militaires, en dépit de certains atouts qu'elle présente, apparaît plutôt comme une contrainte, une limitation de leur pouvoir d'influence. Ainsi, le dispositif militaire dans les locaux de l'institution a eu un impact dissuasif sur les ex-combattants. Les comportements violents ont cessé avec le temps au profit des rapports plus empreints de compréhension et de civilité.

De ce point de vue, l'administration militaire a eu une incidence sur les attitudes et les comportements des acteurs, notamment les ex-combattants. Cette incidence a été ainsi structurante car l'administration militaire a changé le contexte et les options qui y étaient disponibles. Une action violente, verbale ou physique, de la part des ex-combattants envers le personnel entraînerait certainement des mesures de représailles immédiates de la part des militaires. La prise en compte de ce changement de données conduit à un changement d'attitude et de comportement.

L'institution fournit donc une information aux acteurs quand aux conséquences de leurs actes, c'est-à-dire les réactions possibles qui peuvent en résulter. Cette réalité confirme la vertu structurante des institutions. Pour Peter Hall et Rosemary Taylor, en effet, « le point central est qu'elles (institutions) a~~ectent les comportements des individus en jouant sur les attentes d'un acteur donné concernant les actions que les autres acteurs sont susceptibles d'accomplir en réaction à ses propres actions ou même en même temps qu'elles »1.

Une autre dimension de l'impact militaire sur les comportements est la rigidité et la fermeté des officiers quand au respect de certains principes. Très peu prédisposés à transiger sur les principes (contrairement aux civils), les militaires se sont surtout distingués par leur conception stricte des Accords de Paix. Beaucoup de demandes des ex-combattants manifestement en marge des clauses des Accords de Paix se sont heurtées au refus catégorique des militaires. C'est le cas des problèmes nés de l'intégration des ex-combattants dans les corps militaires et para militaires.

Les demandes des ex-combattants en faveur d'une réintégration des éléments déserteurs ou révoqués n'ont été admises dans l'agenda du HCRP qu'en 2006 avec l'avènement d'une administration civile. Les normes régissant les institutions d'accueil des ex-combattants intégrés ont produit les mêmes contraintes et induit des attitudes et des comportements. Comme nous l'avons souligné, les Accords de Paix n'ont pas consacré une rupture totale avec les institutions antérieures.

Les conditions d'accès dans les différents corps de l'Etat n'ont pas substantiellement changé, à l'exception bien sûr, du fait que les ex-combattants sont dispensés de passer les concours d'entrée, là où cela était exigé. Dans l'esprit des Accords de Paix, les ex-combattants intégrés ne sont pas censés, en vertu de leur situation, bénéficier d'un traitement particulier. Une fois admis dans la Fonction Publique par exemple, l'ex-combattant est censé être régi par les mêmes textes que les autres fonctionnaires travaillant dans ce même corps. Il en est de même dans toutes les institutions.

En général, l'adaptation au nouvel emploi s'est faite sans heurt dans les corps civils. C'est surtout au sein des corps militaires et para militaires que la rigidité des normes a été difficile à

1 Op cit, p. 472.

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assimiler pour les ex-combattants, comme en témoignent les désertions et révocations au sein des FNIS. Les normes encadrant les comportements des acteurs ont eu des incidences sur les attitudes et les comportements des ex-combattants de deux manières.

D'abord, par leur rigidité et leur portée universelle, les normes ont conduit à des comportements d'auto discipline de la part des ex-combattants. Celle-ci fut dictée par un calcul rationnel que les institutions, en fournissant des informations fiables aux acteurs, ont favorisé. Il est bien connu que dans les corps militaires et paramilitaires, la hiérarchie est très stricte sur le respect des normes.

En plus, le pouvoir des autorités politiques sur ces corps n'est pas si important qu'il puisse permettre une interférence de celles-ci sur les affaires internes à ceux-ci. Il en découle une conséquence de taille : il est difficile, voire impossible pour un ex-combattant frappé par une sanction au sein de son corps de bénéficier d'un traitement complaisant en se servant de ses relations politiques.

Dans la même perspective, un ex-combattant intégré à l'Université ne peut espérer bénéficier des faveurs en sa qualité d'ancien rebelle. Bref, les institutions d'accueil des ex-combattants ignorent la discrimination positive. L'auto discipline, c'est-à-dire la conformité aux règles par l'appropriation et l'intériorisation extérieures de celles-ci, est ainsi une conséquence de la force structurante des institutions.

Dans un second lieu, l'on a assisté à des comportements qu'Albert Hirs chman appelle «comportements de sortie» (exit) dictés par le refus d'intérioriser les régulations contraignantes des institutions1. Les désertions des ex-combattants au sein des FNIS en sont des manifestations tangibles. Dès juillet 1997, 56 ex-combattants destinés aux FAN avaient démissionné2. Dans une logique compréhensive, ces « comportements de sortie» ne sont pas uniquement imputables à la rigidité des normes et à l'incapacité ou le refus des ex-combattants de s'y adapter.

Ils procèdent également d'une «frustration relative» (T. Gurr) que les ex-combattants ont développée au sein de ces institutions. Selon plusieurs témoignages de ces derniers, il n'y aurait une méfiance et une suspicion contre tous les éléments intégrés. Et l'accès à des postes stratégiques leur serait interdit quelque soit leur rang. D'après un ancien Cadre de l'ex-Rébellion, « on ne donne jamais à un ex-combattant intégré la responsabilité de gérer un magasin de munitions ou les clés d'un véhicule 4X4. On est intégrés que de manière mécanique, on pense que nous sommes toujours prêts à reprendre la guerre »3.

En juin 2006, dans la déclaration sanctionnant leur rencontre avec le HCRP, les Chefs de Fronts et Mouvements avaient fustigé les « renvois complaisants» et les « révocations planifiées »4 de leurs combattants dans les FDS. Mais l'argument de la «frustration relative» n'occulte pas celui de la logique utilitaire. Pour certains, la désertion était rationnelle dans la mesure où elle leur ouvrait des perspectives plus prometteuses. C'est ainsi que beaucoup sont retournés en Libye ou en Algérie, pays dont beaucoup d'entre eux détiennent la nationalité d'ailleurs.

1 Selon cet auteur, trois options se présentent pour un acteur face à un changement de contexte : la « défection » (exit), « la loyauté » (loyality) et « la prise de parole » (voice). Voir Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, op cit, 302 ; Phillipe Braud, op cit, p. 47

2 HCRP, Estimation du coût du processus de paix, juillet 1997, p. 4.

3 Il s'exprimait pendant la réunion des Chefs de Fronts et Mouvements du 15 juin 2006 au HCRP.

4 HCRP, Conclusions de la Réunion des Chefs et Cadres de l'ex-Résistance Armée et Comités d'Autodéfense, juin 2006, p. 2.

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En clair, la rigidité de l'administration, militaire comme civile, explique certains comportements des ex-combattants intégrés, même si ces comportements obéissent également à d'autres logiques. Cette hypothèse se vérifie avec les normes informelles.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand