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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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Paragraphe 2 : Les mécanismes de résistance de l'institution

Le cadre institutionnel de la gestion post conflit et la politique de réinsertion qu'il conduit résistent à la politique de rupture de l'État non seulement par les stratégies de survie du HCRP (A), mais aussi par l'engagement des ex-combattants eux-mêmes à défendre les acquis de la gestion post conflit (B).

A. Les stratégies de survie du HCRP

Depuis sa création, le HCRP a tenté, malgré les résistances, de remplir la plénitude de ses attributions, ou du moins à diversifier ses missions si l'on accepte la conception réductrice qui le confine au seul dossier de la rébellion. L'institution s'est beaucoup investie dans la promotion de la culture de la paix. Plusieurs rencontres intercommunautaires ont été organisées à travers le pays afin de consolider la paix et la quiétude sociale. C'est le cas du Forum de Tesker dans l'est du pays en 2005 pour une coexistence pacifique entre les différentes communautés de cette localité. Le HCRP a également tenté de se déployer dans le règlement des conflits fonciers opposant chaque année agriculteurs et éleveurs sans grand succès.

Dans le planning de ses activités 2006 et 2007, le HCRP prévoit dans le cadre de l'accomplissement de sa mission des actions comme la résolution des conflits intercommunautaires liés à la gestion des ressources naturelles, les sensibilisations des élus locaux sur la gestion et la prévention des conflits, la multiplication des manuels scolaires sur la culture de la paix, des ateliers de formation des inspecteurs de l'enseignement primaires, etc. En réalité,

1 C'est-à-dire les processus de cantonnement, désarmement et réinsertion avec tous les abus qui en ont résulté, notamment la manipulation des effectifs par l'ex-rébellion, le coût exorbitant du processus etc.

2 Cette appréhension est d'autant plus justifiée que le MNJ n'est pas un groupe homogène. A côté des ex-rebelles touaregs, il y aurait des anciens militaires fidèles au président Baré, des trafiquants et bandits opérant dans le Sahara etc.

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l'institution cherche à élargir son champ d'action, à se créer une raison d'exister dans la mesure où les options du Chef de l'Etat sur la politique de réinsertion indiquent une volonté de rupture.

Cependant, ces tentatives de diversification de ses missions furent bloquées par l'absence de financement. C'est seulement en 2006 que l'institution a pu marquer un tournant décisif avec son implication dans le traitement de l'insécurité au nord Tillabéri. Ce conflit meurtrier opposant éleveurs peulh nigériens et éleveurs touaregs maliens le long de la frontière était jusqu'ici géré par le ministère de l'Intérieur. Le HCRP organisa du 17 au 18 mars 2007, à Tillabéri au Niger, un Forum sur l'insécurité transfrontalière et le Pastoralisme avec la partie malienne.

Mieux, le HCRP a lancé en septembre 2007 sous sa tutelle un Projet Pilote d'Appui à la Transhumance Transfrontalière (PAGTT) entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso pour une période de dix huit (18) mois. Ce projet a pour objectif global la sauvegarde et l'accroissement de la production pastorale au Sahel1. De manière plus précise, il vise à sécuriser durablement l'accès aux ressources naturelles aux éleveurs transhumants dans les zones transfrontalières. Les cadres du HCRP impliqués dans le projet s'occupent de la composante intitulée «prévention, gestion des conflits et promotion d'une culture de la paix »2.

A travers ces deux initiatives, le HCRP élargit ses compétences au delà de la seule politique de mise en oeuvre des Accords de Paix en général et de la réinsertion des ex-combattants en particulier. Mais si cette logique de reproduction donne à l'institution des raisons objectives d'exister, il n'en demeure pas moins qu'elle révèle des paradoxes. Le premier paradoxe est inhérent à l'origine de ces deux initiatives.

En effet, aussi bien pour le problème d'insécurité au nord Tillabéri que pour le Projet sur la Transhumance Transfrontalière, l'initiative est venue de l'extérieur. Pour le premier cas, ce sont les organisations de la société civile de la zone, à savoir le Conseil des Eleveurs Nord Tillabéri (CENT) et l'Association pour la Redynamisation de l'Elevage au Niger (AREN) à travers Dr Gandou Zakara et Boubacar Diallo qui en étaient les initiateurs. En bons entrepreneurs politiques, ces derniers avaient saisi le HCRP en réaction à la gestion purement militaire de ce conflit par le Ministère de l'Intérieur. Ils ont ainsi trouvé un accueil favorable auprès du HCRP qui se cherchait une raison d'exister. Une «fenêtre d'opportunité» était donc ouverte.

Le projet sur la transhumance est issu d'une discussion entre le Haut Commissaire et le Délégué de la Commission Européenne en 2006. Le Haut Commissaire sollicitait au début un appui pour la réinsertion des ex-combattants. Le Délégué de la Commission Européenne indiqua que son institution était plus disposée à intervenir dans le domaine de la transhumance transfrontalière. C'est ainsi donc que l'idée germa au HCRP d'intégrer cette dimension dans ses

activités3.

Ces deux exemples de reproductions institutionnelles témoignent de la nature hasardeuse des politiques étatiques en général et de celles du HCRP en particulier. Ils confirment toute la complexité de la décision et participent à la déconstruction du mythe de la rationalité de l'Etat

1 République du Niger (HCRP/MEF), U. E., Etude d'identification d'un projet d'appui à la gestion de la transhumance dans les nones transfrontalières du Niger (phase 1 : Mali, Burkina Faso), décembre 2006.

2 Le Secrétaire Général du HCRP est coordonnateur du Projet, le Chef du Service Financier en est le gestionnaire-comptable et le DAES/C, l'expert en matière de conflits. Un des Secrétaires du HCRP est également recruté dans la cellule de gestion du Projet qui est logée dans les locaux du HCRP.

3 Pourtant, dans tous les documents officiels, il est écrit que c'est sur instruction du Chef de l'Etat que l'étude sur l'insécurité transfrontalière a été lancée...

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que la science politique doit à Hegel et M. Weber. Ce processus décisionnel est mieux appréhendé par le modèle développé par John Kindgon qui remet en cause le modèle séquentielle.

Dans notre contexte, il apparaît donc que l'intervention du HCRP sur ces deux questions (transhumance, insécurité nord Tillabéri) n'est nullement une politique pensée par l'institution elle-même. Le HCRP s'appropriait et exécutait des priorités définies par d'autres institutions. De ce point de vue, ces interventions procèdent plutôt de processus parallèles et autonomes ayant conduit au couplage entre trois courants : les problèmes (insécurité), les solutions (CENT, AREN, Union Européenne) et la politique (HCRP).

Le deuxième paradoxe de cette dynamique de reproduction est lié à son impact. Le projet sur la transhumance a permis à l'institution, certes, d'améliorer sa situation financière et matérielle, mais aussi, il a contribué à affaiblir sa capacité institutionnelle. Cette capacité de l'institution était mise à rude épreuve avec une érosion des relations professionnelles entre les agents du HCRP impliqués dans l'équipe du projet et les autres agents, lesquels ont développé un sentiment de frustration.

L'avènement de ce projet a « créé un climat de travail malsain» selon le mot d'un cadre du HCRP. Les agents non impliqués dans la cellule du projet estimaient que celui-ci était taillé sur mesure pour des considérations matérielles et se plaignaient de «l'opacité» qui entoure son management. Ces effets pervers ont quelque peu ralenti l'élan du HCRP par rapport à sa mission en matière de gestion conflit, puisque c'étaient justement les chevilles ouvrières de l'institution qui s'occupaient de la cellule de gestion du projet1.

Deux « clans» se sont ainsi constitués au HCRP autour de ces enjeux : celui des cadres membres de la cellule de gestion du projet et celui des autres agents. Les relations étaient devenues plus étroites et soudées entre les membres de la cellule du projet, créant du coup une distance avec les autres agents. Ces incompréhensions se sont manifestées jusque dans les taches les plus élémentaires de l'administration (enregistrement de courrier, livraison de lettres etc.)2. Ainsi, tout en renforçant les capacités matérielles et financières du HCRP3, le projet a aussi affaibli à un moment donné cette institution au plan des rapports humains.

Au-delà de cela, il faut relever que la diversification des attributions du HCRP révèle un dilemme pour les cadres de l'institution. Ces derniers ont d'abord le souci de défendre leur « mandat » en démontrant que le HCRP a achevé sa mission d'application des Accords de paix. Tous les documents de l'institution répètent que la réinsertion socio-économique des ex-combattants dans l'Aïr et l'Azawak (censée finir en 2008) était la dernière phase de la politique de réinsertion en particulier et du processus de paix en général.

Mais ce bilan positif est aujourd'hui contrarié par le discours du MNJ qui considère la gestion post conflit comme un échec. Ce que conteste Mr Chipkaou Oumarou qui affirme : « Le MNJ nous a poignardé dans le dos. Le HCRP envisageait de se déployer sur d'autres champs, notamment sur les

1 Les quatre cadres du HCRP membres de l'équipe du Projet bénéficient des indemnités en argent et en nature qu'ils cumulent avec tous leurs avantages au titre du HCRP.

2 Par exemple, le planton refusait de livrer le courrier du Projet prétextant qu'il n'est payé que par le HCRP, le Projet ne lui donne rien. Il en est de même pour la Secrétaire qui refuse de toucher à tout travail du Projet. Les membres de l'équipe du Projet font appel en cas de besoin au concours des Appelés du Service Civique, dont nous même.

3 Le Projet a mis à la disposition du HCRP un véhicule 4X4, des ordinateurs et lui fournit régulièrement du carburant.

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actions de développement dans les tones à risque et la promotion de la culture de la paix. Le MNJ est venu comme un désaveu, une négation de toutes les actions que le HCRP a menées depuis sa création »1.

C'est pourquoi, depuis que le HCRP a été dessaisi du dossier MNJ par le Chef de l'Etat, les actions de l'institution s'inscrivent uniquement dans le parachèvement des Accords de Paix antérieurs, c'est-à-dire ignorant l'existence du MNJ, comme si de rien n'était... C'est le sens que Mr Omar Sanda, Conseiller Technique au HCRP, donne au projet d'extension du Projet Aïr/Azawak : «Notre politique actuelle consiste à ignorer le MNJ. Il s'agit pour nous de poursuivre les actions de réinsertion des 3160 ex-combattants de l'Aïr/Aatvak conformément aux engagements pris par le Gouvernement 2». Mais tout en se souciant de leur bilan, les cadres de l'institution aspirent en même temps à préserver le HCRP pour des considérations «corporatistes ».

Le rattachement du HCRP à la Présidence de la République fait des agents de l'institution des privilégiés par rapport aux agents des autres ministères. Outre le fait symbolique de la valorisation sociale du statut d'agent de la Présidence de la République, le personnel de cette haute institution bénéficie de nombreuses gratifications matérielles et financières. La suppression du HCRP entraînerait le redéploiement de ses cadres dans leurs ministères d'origine et donc, consacrerait la fin des privilèges. En plus, aucun des agents de l'institution ne peut espérer obtenir un poste plus « juteux » que celui qu'il occupe au HCRP avec l'emprise des partis politiques sur la haute administration3.

Les cadres du HCRP sont les premiers militants de la préservation du cadre institutionnel de la gestion post conflit et, en conséquence, de la politique de discrimination positive qu'il symbolise. Les ex-combattants partagent les mêmes intérêts pour le maintien du HCRP, mais sont très réservés sur la nouvelle orientation que les cadres veulent donner à l'institution. Les ex-combattants estiment que le HCRP est très loin d'avoir achevé sa mission de gestion post conflit au point de songer à se déployer sur d'autres champs. Ceci explique l'inflation de leurs revendications.

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