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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. L'inflation des demandes des ex-combattants

Le processus de mise en oeuvre des Accords de Paix, particulièrement de la politique de réinsertion des ex-combattants, a engendré beaucoup de contradictions qui rendent sa terminaison aléatoire. En plus de la dynamique reproductrice engagée par le HCRP lui-même, les ex-combattants contribuent, par l'articulation des demandes, à maintenir les institutions de gestion post conflit. Et de ce fait, ils participent à consolider les acquis de la discrimination positive. Profitant à la fois de leurs ressources politiques et d'un cadre institutionnel favorable, les ex-combattants ont contribué à créer un cercle vicieux autour de la politique de réinsertion. Il en a résulté un processus circulaire interminable par lequel chaque demande satisfaite conduit à la formulation d'une autre demande.

Il est donc tout à fait justifié de parler de capture de la politique ou de policy lock in. Cette inflation des revendications s'observe d'abord par le traitement de la question des Chefs et Cadres. Depuis septembre 2000, la réinsertion des élites fut réalisée selon les modalités convenues entre les parties. Ce traitement des Chefs et Cadres, laissé à l'appréciation du Chef de

1 Entretien à Niamey, 25 juillet 2008.

2 Entretien à Niamey, 16 mars 2008.

3 Aucun des cadres du HCRP ne milite activement dans un parti politique.

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l'Etat, était donc achevé. Mais en 2006, cette question fut curieusement réactivée lors de la réunion des Chefs des Mouvements et Fronts du 15 juin. L'explication donnée par les Chefs et Cadres était que « ce premier traitement ne couvrait pas l'ensemble des Cadres mais ceux dits principaux »1. Les Fronts et Mouvements disposeraient encore chacun d'une «quinzaine, voire d'une quarantaine de Cadres »2 en attente. Le nombre de « nouveaux Cadres» fut estimé à 250 personnes auquel le Chef de l'Etat promis un pécule de 1 200 000 F CFA chacun.

A y regarder de très près, la distinction Chef/Cadre/Combattant est un leurre. La

distinction sert uniquement aux élites d'accumuler les privilèges en gonflant les effectifs. Beaucoup d'éléments permettent d'attester que ces « nouveaux cadres» sont en réalité fictifs. Dans le traitement de cette question, le FLAA avait par exemple demandé au Haut Commissaire d'intercéder auprès du Trésorier Général pour que le mandatement des 25 500 000 F CFA lui revenant soit fait au profit du Trésorier du FLAA et non pas directement aux dix sept (17) « Cadres ».

Le FLAA avait en effet « décidé de faire bénéficier le montant revenant aux dix sept (17) ex-combattants à autant d'ex-combattants qui sont actuellement dans le dénuement total... »3. Ces fonds devaient aussi servir à désintéresser les « martyrs et victimes de guerre »4 du FLAA. En clair, la réinsertion des Cadres visait donc autre chose, faute de Cadres...

D'ailleurs, il suffit de consulter les listes transmises par les différents Fronts et Mouvements pour constater que les mêmes noms se sont répétés depuis le début du processus. En fait, c'est au gré des intérêts et des circonstances que l'on devient Chef, Cadre ou Combattant5. Un Chef de Front ou de Mouvement peut ainsi se « rabaisser » au statut de Combattant lorsqu'il s'agit d'empocher des sommes d'argent importantes. De même, un Combattant peut être auréolé du statut de « Cadre » ou « Chef » lorsqu'on décide de lui faire bénéficier de certains avantages.

Une autre revendication, cette fois-ci pour les Chefs, était l'élaboration du statut pour ex-

Chefs de rébellion ou de mouvement d'autodéfense afin de « leurfaciliter les rapports de travail avec les représentants de l'Etats à tous les niveaux et déterminer un statut leur permettant une vie décente »6. Il s'agit là d'une revendication inédite et qui va certainement au delà des clauses des Accords de Paix. Les Chefs estiment être ignorés officiellement par les institutions. Le HCRP est la seule institution qui les reconnaît comme interlocuteurs.

En effet, dans tous les Ministères, un Chef de Front est un citoyen ordinaire et ne peut être reçu qu'en cette qualité. Or, les Chefs estiment être des « autorités »7. Et pour cette raison, ils revendiquent un statut qui leur permette d'accéder à toutes les institutions en cette qualité. Dans une note adressée au Chef de l'Etat en date du 12 juin 2007, les Chefs de Fronts et Mouvements

1 HCRP, Traitement de la question des Cadres...op cit, p. 1.

2 Ibid.

3 Lettre du FLAA au HCRP, 2006.

4 Ibid.

5 Sur les listes des 250 cadres et des 300 ex-combattants (initialement destinés aux Société d'Etat) bénéficiaires des pécules à titre compensatoire, se trouvaient de nombreux ex-combattants, cadres et chefs occupant déjà des postes dans les corps de l'Etat.

6 HCRP, Conclusions de la réunion des Chefs...op cit, juin 2006, p. 1.

7 C'est le mot utilisé par le «commandant» A. N'Gadé, «Chef d'État-major» du FLAA pendant la réunion du 15 juin 2006 au HCRP.

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réitéraient également leur revendication sur « la nomination des responsables des ex-Fronts et de leurs principaux Cadres »1, question qui était censée être réglée...

D'autres demandes formulées par l'ex- Rébellion ont trait à leurs combattants. A ce sujet, les ex-combattants ayant bénéficié de bourses d'études dans les écoles professionnelles ont réclamé une intégration directe dans la Fonction Publique. Ceci n'a pourtant jamais été prévu dans les Accords de Paix et leurs modalités d'application. C'est le cas de trente trois (33) «ex-combattants » diplômés de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA) pour lesquels les Chefs avaient demandé une intégration directe « conformément aux accords de paix ». Pour les ex-combattants intégrés dans les corps militaires et para militaires, révoqués conformément aux textes en vigueur ou ayant déserté, les Chefs avaient sollicité « la réintégration des éléments sur lesquels desfautes graves ne pèsentpas 2».

En termes clairs, il est demandé aux pouvoirs publics de faire dérogation aux lois et règlements de l'Etat pour le traitement des problèmes relatifs aux ex-combattants. Mieux, l'ex-Rébellion demande que le recrutement des ex-combattants dans les corps militaires et para militaires soit annuel. Cette requête suppose l'existence d'un « stock » important d'ex-combattants non encore intégrés, ce qui est naturellement inexact.

Dans le fond, l'ex-Rébellion cherche à travers la perpétuation de cette politique clientéliste à conserver sa capacité distributive, et ainsi continuer à faire des « bons investissements ». Cette logique reproductrice est aussi évidente dans la réinsertion socio-économique des ex-combattants dans l'Aïr et l'Azawak concernant 3 160 éléments. Le Projet Consolidation de la Paix dans l'Aïr et l'Azawak (PCPAA), censé clôturer ses activités en 2007 démontre toute la réalité de ce cercle vicieux autour de la politique de réinsertion. La réunion du Comité de Pilotage de ce Projet tenue le 17 mars 2008 à Niamey a décidé de l'extension pour une année supplémentaire du Projet. Deux raisons majeures ont été invoquées pour justifier cette extension. Il s'agit d'abord de la nécessité d'impliquer les femmes dans le processus de réinsertion et de la conception d'un document pour une deuxième phase.

L'introduction de la composante féminine est justifiée par l'équipe du Projet en raison « des problèmes d'identification des bénéficiaires » lors de l'établissement des listes des ex-combattants. Il est ainsi indiqué que « les femmes qui constituent les premières victimes en matière de conflits, ont été sous-représentées sur les listes des ex- combattants bénéficiaires des actions du Projet. C'est ainsi que, sur les 3 160 ex-combattants ayant bénéficié déjà de la subvention, figurent seulement 156 femmes, soit un taux de représentativité de 4,93%. On ne compte que huit (8) coopératives féminines sur les 298 coopératives d'ex-combattants appuyés par le Projet soit 3,10% »3.

Quand à la conception d'un document de projet pour une seconde phase, elle vise à « consolider les acquis de la première phase du PCPAA à travers la poursuite des activités de consolidation de la paix et d'amélioration de lagouvernance locale »4 et à «promouvoir un développement durable des tones pastorales touchées par les conflits armés, notamment l'AïrlAawak, le Kawar et le Manga ». Avec ces deux nouvelles dimensions, le Projet de réinsertion assure sa propre reproduction et s'enlisera certainement dans un cercle vicieux.

1 HCRP, Déclaration des Chefs de Fronts, Mouvements et Comités d'Autodéfense et Milices, 12 juin 2007.

2 HCRP, Conclusions de la réunion des Chefs...op cit, juin 2006, p. 2.

3 République du Niger, PNUD, (Document de projet Niger), Consolidation de la Paix dans l'Aïr et l'ADawak, mars 2007, p. 9.

4 Ibid, p. 14.

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Comment expliquer que c'est seulement douze (12) années après les Accords de la Paix que l'on se préoccupe du sort des femmes ? Comment expliquer aussi que la réinsertion socio-économique se confonde avec le « développement des zones touchées par le conflit » ? Cette clause est, en effet, officiellement honorée depuis longtemps1. Cette extension de la réinsertion traduit une volonté de perpétuer les acquis de la politique de gestion post conflit. La communauté d'intérêts entre les acteurs autour de cette question s'explique par les velléités de rupture radicale du Gouvernement. Il est paradoxal de constater que ce sont les bailleurs de fonds (PNUD notamment) qui se montrent plus entreprenants que le Gouvernement lui-même sur des questions liées à sa propre sécurité.

Ce manque d'intérêt explique pourquoi le Gouvernement n'a rien prévu dans son budget 2007 pour soutenir la réinsertion. En ressuscitant la question du développement des zones touchées par le conflit, ces acteurs s'assurent ainsi du maintien de la politique ; surtout que le Projet parle explicitement des zones de l'Aïr, de l'Azawak, du Kawar et du Manga pour éviter la controverse autour du Programme de Développement de la Zone Pastorale élaboré en 2000 par le HCRP2.

Ainsi, à travers tous ces processus de reproduction activés par les acteurs, la politique de réinsertion des ex-combattants devient un éternel recommencement, un cercle vicieux savamment entretenu par des acteurs intéressés. Ce processus d'institutionnalisation révèle des effets ambivalents sur le système politique en général.

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