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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. La primauté de la coopération sur le conflit

Avant la pénétration coloniale, les rapports entre les différentes communautés ethnolinguistiques occupant l'espace nigérien étaient dominés par la complémentarité économique et des brassages culturels. Le Nord, domaine pastoral par excellence, habité par des peuples nomades dont les Touaregs, était en parfaite harmonie avec le Sud sédentaire et agricole. Avant la colonisation, il n'existait pas de délimitation des zones pastorales et sédentaires. A travers le prestigieux commerce transsaharien, les Touaregs du Nord fournissaient aux sédentaires du Sud des produits dont le sel, les dattes et le natron qu'ils échangeaient contre les céréales.

1 Jan Krzystof Makulski, « Evolution du modèle de la personnalité des Touaregs Kel-Ahaggar », Africana Bulletin, n°15, Warszawa, 1971.

2 Les autres groupes ethniques sont les Peulhs (10%), les Kanouris (4,4%), les Arabes, Toubous et Gourmantchés (1,6%) selon les données du recensement général de 1988.

3 CRA, Programme Cadre de la Résistance, p.8.

4 André Salifou, op cit, p. 107.

5 Les données historiques dans cette partie sont en partie puisées de deux conférences publiques du Pr Djibo Hamani, à savoir celle du 2 août 2007 à l'Atelier du Partenariat Stratégique pour la Paix en Afrique (PASPA) sur le thème « le rôle de l'histoire dans la recherche de la paix» et celle 11 août 2007 à la Journée de Réflexion de l'ANDDH et Alternative Espace Citoyen sur le thème «les enjeux stratégique du Sahara à travers l'histoire ».

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Le commerce transsaharien fut un modèle d'intégration économique très avancé qui n'avait rien à envier aux modèles existant ailleurs à cette période. Le Pr Djibo Hamani, spécialiste de l'Aïr, compare Agadez, le plus grand carrefour commercial du nord Niger, à Lagos et Cotonou actuels réunis. On dénombrait plus de 100 000 têtes de chameaux dans le Sahara en 1913. Les principaux partenaires économiques des commerçants sahariens étaient des pays comme la Libye, le Ghana, le Nigeria où les produits du Sahara étaient de très loin, plus compétitifs que ceux d'Europe.

La complémentarité économique entre le Nord et le Sud imposait, par pragmatisme, une coexistence pacifique entre les Touaregs et les populations sédentaires (Haoussa, Djerma, etc.). L'histoire de la plupart des groupes ethniques existant dans le Niger actuel a un lien avec la région de l'Aïr. Les populations haoussa, djerma, toubou, par exemple, y ont vécu avant et après les Touaregs. Les traces linguistiques et topographiques sont d'ailleurs actuellement présentes pour confirmer cette réalité. Depuis des siècles, l'Aïr a servi de carrefour entre les Etats Sonrhaï, Haoussa et les pays de la méditerranée et du Moyen-Orient1.

Les conflits intérieurs au monde touareg étaient plus fréquents que ceux qui les opposaient aux populations non Touaregs. Ceci était identique pour les autres groupes ethniques. L'essentiel des conflits qui ont déchiré l'espace nigérien n'étaient pas de nature ethnique, mais étaient liés à l'occupation des zones de pâturages ou de culture et du contrôle des routes commerciales. Le Pr Djibo Hamani soutient en effet que « ce fut la pression démographique et la compétition pour le contrôle des pâturages et des hommes qui changèrent les conditions de coexistence pacifiques dans le pays »2.

Les actions de razzias des Touaregs se limitaient à des zones et régions marginales sur lesquelles les pouvoirs des sédentaires étaient lâches. Selon Maikorema Zakari, « les rapports entre les différents peuples de l'espace nigérien n'ontpas été que conflictuels. Au cours d'une cohabitation multiséculaire, ces peuples eurent l'occasion de se connaître, de se brasser, de procéder à des échanges commerciaux d'autant plus indispensables qu'il s'agissait de Iones aux économies complémentaires : le pastoralisme domine au Nord et le travail de la terre au Sud »3.

Aussi, tous les Etats non Touaregs de l'espace nigérien ont compté parmi leurs sujets des populations Touaregs (Katsina, Gobir, Damagaram, etc.) et tous les Etats touaregs (Aïr, Azawagh au XIXe siècle, etc.) ont eu des sujets appartenant à d'autres ethnies4. D'ailleurs, la plupart des Touaregs Kel Aïr, Kel Geres du Damergu, de l'imannan, de Taghazar sont issus d'un métissage avec les Djermas, les Sonraïs, les Haoussas et les Dagras5.

Les Touaregs passaient plus de temps dans le Sud sédentaire que dans le Nord pastoral. Le métissage socioculturel qui en a résulté explique pourquoi il est difficile aujourd'hui de trouver un nigérien qui n'ait pas de lien consanguin avec les Touaregs de par la généalogie de sa famille. Pour le Pr Kimba Idrissa, «c'est la situation géographique du nord, Ione de transit, carrefour entre la méditerranée au nord et le golfe de Guinée, point de passage des principales routes commerciales transsahariennes se

1 Interview du Pr Djibo Hamani, Sahel Dimanche, n°1245 du 20 juillet 2007, p. 11

2 Djibo Hamani, «Une gigantesque falsification de l'histoire » in SNECS, op cit, p. 30.

3 Op cit, p. 13.

4 République du Niger, Document de Base du Gouvernement du Niger devant servir aux négociations avec la rébellion, avril 1994, p. 9.

5 Ibid.

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prolongeant jusqu'en pleine zone forestière, qui fait de l'espace nigérien un «melting-pot» ou se rencontrèrent et parfoisfusionnèrent ethnies, cultures, économies du soudan et de l'Afrique du nord »1.

L'ethnicité à cette époque n'était pas une source de conflictualité car les groupes ethniques, en plus des brassages culturels, étaient solidement unis par des liens économiques ou politiques. En effet, «Quand les caravanes ne venaient plus du Nord pour alimenter le commerce urbain ou apporter du sel, et que les grains ne remontaient plus au Sud pour nourrir les populations, le retour à la paix s'imposait »2. L'expérience pré coloniale a ainsi montré que l'ethnicité n'était pas une source majeure de conflit, elle était plutôt « étouffée» et « contenue ». En Afrique, les « conflits prétendument ethniques étaient en réalité des conflits sociaux» comme le soutient le Pr Ki-Zerbo3.

Le Niger pré colonial a même montré des cas d'assimilation culturelle avec, par exemple, la région de Damagaram où des populations Kanouris furent pacifiquement assimilées par les Haoussas. Beaucoup de mécanismes ont été mobilisés pour pacifier et harmoniser les relations intercommunautaires. C'est le cas de la parenté à plaisanterie qui relie toutes les communautés linguistiques du Niger : Peulh/Djerma, Peulh/Arawa, Djerma/Gobirawa, Touareg/Djerma etc. Cette institution est le témoignage éloquent de l'ancienneté des relations interethniques qui contribuent à renforcer la solidarité et l'interpénétration des cultures4.

Le cas de l'espace nigérien pré colonial infirme une fois de plus la thèse propagée par l'idéologie coloniale qui procède de ce que le Pr Basile Guissou appelle « une vision européocentriste des institutions politiques africaines précoloniales »5. L'idéologie coloniale a, en effet, toujours dépeint une Afrique déchirée par les conflits ethniques. Pour le Pr Ki-Zerbo, « ily a toujours eu une expérience historique largement répandue et transcendant les ethnies qui, au fil du temps, a sculpté la conscience culturelle des uns et des autres. La conscience culturelle des peuples n'est pas une médaille frappée une fois pour toute avec arêtes bien circonscrites, mais plutôt un champ de forces »6. Aucune ethnie n'a pu construire sa personnalité culturelle encore moins sa personnalité biologique en vase clos.

S'agissant précisément des Touaregs, Hélène Claudot écrit que « l'idée d'une vaste communauté économique africaine entre parfaitement dans la vision du monde touarègue. Cette compréhension des nécessités politiques et économiques nécessairement supra-étatique est profondément ancrée en pays nomade, notamment chez les anciens noyaux dirigeants écartés du pouvoir par les autorités coloniales au profit d'éléments plus dociles, et dont les perspectives se dessinent toujours à l'échelle des relations inter confédérales et intercommunautaires plutôt que tribales et locales »7.

En définitive, cette description des relations entre Touaregs et non Touaregs dans le Niger pré colonial ne permet pas de comprendre l'éruption des rebellions touarègues. Celles-ci ont leurs véritables sources dans le phénomène colonial.

1 Kimba Idrissa, « La dynamique de la gouvernance : administration, politique et ethnicité » in Kimba Idrissa (dir), Le Niger: Etat et Démocratie, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 53.

2 Djibo Hamani, Sahel Dimanche, op cit.

3Joseph Ki-Zerbo, A quand l'Afrique, Paris, Editions de l'Aube, 2003, p. 61

4 Kimba Idrissa, op cit, p. 57.

5 Basile Guissou, «La chefferie traditionnelle est politique », http://www.petiteacademie.gov.bf/ cahier/article6.htm (Consulté le 3 septembre 2008), p. 10.

6 Joseph Ki-Zerbo, Repères pour l'Afrique, Dakar, Panafrika, 2007, p. 65

7 Hélène Claudot-Hawad « Bandits, rebelles et partisans... », op cit, p. 148

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