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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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Paragraphe 2 : La politisation de l'ethnicité

La pénétration coloniale a brutalement bouleversé l'ordre politique pré colonial bâti sur des rapports de coopération. Le problème touareg va naître de l'invention par le système colonial d'un clivage Est-Ouest (A) et de la politique touarègue ambivalente du pouvoir colonial (B).

A. L'invention coloniale du clivage Est-Ouest

La pénétration coloniale française au 19e siècle a considérablement rompu les liens de coopération et de solidarité entre les différentes communautés de l'espace précolonial. La conquête française fut déclenchée en 1890 à partir de Bamako, dans le Mali actuel. Les Etats précoloniaux seront progressivement conquis à partir d'avril 1890 avec la rencontre de trois missions françaises à Kousseri au bord du Lac Tchad1. Les territoires conquis furent d'abord rattachés à la colonie du Haut Sénégal. On parlait alors de 3e Territoire Militaire.

En 1911, ce Territoire fut élevé au rang de Territoire du Niger avec Zinder comme capitale. En 1922, le Territoire devient une Colonie. Cette colonie fut agrandie en 1932 suite à la suppression de la colonie de Haute-Volta. Les cercles de Fada N'Gourma et de Dori furent ainsi incorporés dans la colonie du Niger avant d'être restitués en 1947 avec le rétablissement de la Haute-Volta. Le clivage est-ouest est né de la politique coloniale de « diviser pour mieux régner » qui a consisté à attiser les rivalités ethniques entre les différentes communautés. L'ethnicité, vue sous l'angle constructiviste, n'existe pas en soi. Elle est le produit d'une construction sociale par des acteurs.

Dès 1895, la conscience ethnique était délibérément construite dans toutes les sphères publiques : chantiers de travaux forcés, centres de recrutement militaire, etc. Les groupes ethniques étaient ainsi classés selon leur « aptitudes physiques» ou « capacités guerrières ». Par exemple, les populations nomades étaient citées comme « médiocres » pour le métier des armes. Un autre procédé subtil de cristallisation des identités ethniques était l'obligation d'inscrire l'origine ethnique sur tout document officiel. Le système colonial allait ainsi au gré de ses intérêts créer un clivage fait de deux groupes. Les populations vivant l'Est du pays (Haoussa, Touaregs, Toubous, etc.) et celles vivant l'Ouest (Djerma en majorité). Les populations de l'Ouest étaient jugées plus réceptives à la culture française tandis que celles de l'Est étaient vues comme suspectes, voire dangereuses.

Les Haoussas, par exemple, n'inspiraient pas du tout confiance aux Français. Ces derniers redoutaient les liens que ceux-ci entretenaient avec leurs frères du Nigeria voisin. C'est ce qui justifia, semble-t-il, le transfert de la capitale de Zinder (pays haoussa) à Niamey par un décret datant du 28 décembre1926. C'est également ce qui présida à l'intégration (par le même décret) des subdivisions peulh et sonrhaï de Téra et Say dans la colonie du Niger.

La dichotomie ainsi créée se manifestait à tous les niveaux. Ainsi, les régions de l'Est subissaient une forte centralisation de l'administration coloniale. Agadez, Bilma et N'Guigmi étaient en effet des cercles militaires jusqu'à la fin de la 2nde guerre mondiale. Selon Kimba Idrissa, « ce clivage dans l'organisation territoriale et le caractère mixte de l'administration (militaire/civil= donne l'impression d'une colonisation inachevée qui présente au moment de l'indépendance trois niveaux d'occupation de

1 Sanoussi Tambari Jackou, op cit, p. 7.

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l'espace : l'Ouest, première région conquise et passée au régime civil dès 1913, le Centre demeuré tiède et réservé et enfin le Nord et l'extrême Est maintenus sous régime militaire et toujours hostile »1.

La colonisation intensifia cette dichotomie entre la « colonie du Sud » sous administration civile et une « colonie du Nord » sous administration militaire. La conséquence de cette politique ethnique fut une nette domination des ressortissants de l'Ouest, notamment les Djermas dans le champ politique dès les années 40. En effet, au sein des groupes haoussas, peulhs, touaregs ou toubous, il y avait très peu «d'évolués» jusqu'à l'indépendance. Le premier parti nigérien, le Parti Progressiste Nigérien (PPN/RDA) fut dominé dès sa naissance par les élites originaires de l'Ouest.

En 1948, l'Union des Nigériens Indépendants et Sympathisants (UNIS) apparut comme un parti haoussa localisé dans l'est du pays. Pour Kimba Idrissa, « Ce fut la première référence formelle à la région (Niger est) comme catégorie politique et à l'identité ethnique (les Haoussas) comme élément de mobilisation politique »2. La naissance de l'Union Démocratique Nigérienne (UDN) Sawaba en 1954 par Djibo Bakary, originaire de l'Ouest mais bénéficiant du soutien des chefferies de l'Est, va provoquer un « rééquilibrage ethnique » des forces politiques. La dissolution de ce parti de gauche par le Président Diori Hamani en 1959 permit au PPN/RDA de monopoliser la vie partisane à l'indépendance. Pendant 15 ans (de 1959 à 1974), le RDA gouverna en parti unique de fait avec une domination totale de élites issues de l'Ouest.

En réalité, le clivage Est-Ouest était plus une affaire entre Djermas et Haoussas. Les minorités ethniques comme les Touaregs, les Toubous, les Arabes étaient en marge de ce conflit. Sur le plan économique, le clivage Est-Ouest se manifestait par la rupture brutale de la complémentarité économique entre le Sud et le Nord. En effet, les Français vont provoquer un effondrement économique des régions du Nord en détournant les circuits économiques vers leurs colonies du sud riveraines du golfe de Guinée.

Les Touaregs étaient fortement dépendants du commerce transsaharien, leurs chameaux assuraient par centaines de milliers le transport des marchandises vers les pays haoussa, Yorouba, au Ghana, au Cameroun actuel, etc. Les Touaregs firent face à la concurrence des camions dans le transport des marchandises dans le Sahara. Les Français vont accentuer la destruction de l'économie du Nord en coupant les Touaregs de leur hinterland méridional le plus important, à savoir le Nigeria.

C'est également dans cette perspective qu'il fut institué une délimitation entre les zones sédentaires et nomades. Comme le constate André Bourgeot, «ces pasteurs-nomades furent alors enserrés dans un étau. Au sud, la remontée des cultures de rente empiétait sur la Ione pastorale, les contraignant à se replier sur les terrains de parcours les plus arides, générant une rupture de la complémentarité entre Ione pastorale et Ione agricole qui deviennent conflictuelles ; au nord, la réorientation, des échanges vers l'intérieur des frontières nationales désorganisa leurs réseaux d'échange et amenuisa considérablement leurs mouvements d'amplitude nécessaires à la reproduction du système pastoral. Il s'ensuivit un cloisonnement politico-territorial interétatique assorti de quadrillages administratifs à l'intérieur de chaque Etat »3.

Ce fut l'une des sources de la crise du nomadisme. Toutes les rebellions touarègues du Niger indépendant allaient se développer dans les zones à vocation pastorale. Le pastoralisme nomade fut déstabilisé « conséquemment aux réorganisations sociales insufflées à l'époque coloniale et au déclin

1 Kimba Idrissa, op cit, p. 23.

2 Ibid, p 63.

3 André Bourgeot, « Le désert quadrillé : des Touaregs au Niger », op cit, p. 68.

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irréversible du trafic caravanier transsaharien »1. Ces politiques trouvent leur fondement dans la vision coloniale du monde touareg.

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