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La problématique de la gestion post conflit au Niger. Analyse de la politique de réinsertion des ex-combattants Touaregs

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par Abdoul Karim SAIDOU
Université de Ouagadougou (Burkina Faso) - Diplôme d'études approfondies en droit public et science politique 2009
  

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B. La dimension géopolitique du conflit touareg

Pour cerner cette dimension stratégique du problème touareg, il s'avère important de remonter à la conquête coloniale. Pour la France, le Niger était destiné, dès sa création, à jouer un rôle stratégique. La conquête du Niger à l'époque était d'ailleurs perçue comme un « hasard inutile et arbitraire» ou un « accident de l'histoire». Toutefois, il existait des mythes sur les potentialités économiques qui encourageaient une conquête politique de cet espa ce5. La conquête du Niger fut

1 C. Raynaut et S. Abba, «Trente ans d'indépendance : repères et tendances » in Politique africaine, n°38, juin 1990, p. 14.

2 République du Niger, Rapport de la Commission Ad Hoc Chargée de Réfléchir sur le Règlement Négocié de la Rébellion Armée au Niger, p. 9.

3 Elisabeth Sheppard, « Problème public » in Laurie Boussaguet et al, Dictionnaire des politiques publiques, op cit, pp. 349355.

4 Op cit, p 330.

5 Kimba Idrissa, op cit, pp. 18-20.

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d'abord une désillusion pour la France car les espoirs de gains économiques furent vite déçus. D'où ce dilemme : faut-il disloquer le territoire pour rattacher ses parties à d'autres colonies1 ?

Le Niger fut finalement maintenu pour des impératifs stratégiques. Déjà pendant la période pré coloniale, le Sahara fut un enjeu géopolitique pour toutes les puissances de la région. Le Sahara a fait en effet rêver depuis des siècles « les conquérants militaires et marchands car il donnait accès aux produits africains » selon le Pr Djibo Hamani2. Son intérêt stratégique fut rehaussé avec l'apparition des Arabes après la naissance de l'islam. Toutes les puissances islamiques ont cherché à contrôler les routes du Sahara. Le Sultanat de l'Aïr fut créé par des Touaregs dans le but de maintenir une hégémonie sur le commerce transsaharien.

Bien d'autres conquérants comme Idriss Alaoma du Bornou, Askia Mohamed de Gao, le Sultan marocain Al Mansour, se sont disputés le contrôle des routes sahariennes. La découverte du pétrole en 1953 dans le Sahara accrut les convoitises. Pour la France, l'importance stratégique du Niger à travers le Sahara est illustrée par les propos du sénateur Borg en 1958 : «D'ailleurs, il fallait être fou pour croire que nous Français, nous allions laisser partir le Niger. En perdant la Guinée nous perdons des richesses. Cela peut se remplacer. Mais si nous perdons le Niger, nous perdons l'Algérie. Nous ouvrons la voie à Nasser. Nous permettons la création d'un grand Etat musulman de Lagos auxfrontières algériennes »3.

Ce qui fait la spécificité du Niger, c'est qu'il contrôle trois issues clé en Afrique : le désert qui donne accès aux Maghreb et à la Méditerranée et protège les hinterlands algériens et tunisiens contre les menaces anglaises, la porte du Tchad qui débouche sur l'Afrique centrale et enfin, la porte du fleuve qui donne accès à l'Atlantique. Ces éléments de stratégie faisaient du Niger, non pas une colonie classique, mais un complément de l'empire français.

En outre, trois facteurs donnent au Niger sa singularité par rapport aux autres Etats africains. D'abord le pays est enclavé et quatre de ses frontières débouchent directement sur le désert. Ensuite, il se place entre deux univers culturels : l'Afrique blanche et l'Afrique noire. D'où le risque que certains groupes socioculturels soient tentés de se détacher du centre car ayant leur centre de gravité à l'extérieur. Ainsi, les Arabes et les Touaregs pourraient préférer l'Algérie ou la Libye au Niger. Enfin, le Niger est singulier de par le caractère disproportionné de son territoire par rapport aux ressources économiques disponibles.

Mais c'est aussi les ressources minières telles que l'uranium exploité par le France depuis quarante ans qui donne au nord Niger son importance stratégique. La création en 1957 de l'OCRS visait pour la France de créer un nouveau territoire qui échapperait aux mouvements nationalistes. Comme l'ont noté C. Raynaut et S. Abba, « à un moment où se profilait l'indépendance inéluctable de l'Algérie, certains milieux français caressaient le rêve d'un ensemble saharien prélevé sur différents pays limitrophes et dont l'existence pourrait sauvegarder les intérêts français dans le domaine pétrolier comme dans celui des expérimentations nucléaires »4.

Les Touaregs voyaient dans le plan OCRS une opportunité pour échapper à la domination des autres ethnies majoritaires qui prenaient le relais dans la direction de cette « entreprise franco-française piloté de Paris »5 qu'est le Niger. Même si cette « Afrique Saharienne » n'eut

1 Ces développements sont analysés dans la thèse du Pr Kimba Idrissa, La formation de la colonie du Niger: du mythe à la politique du mal nécessaire, thèse de Doctorat ès-Lettres, Université de Paris 7, 6 volumes, 1987.

2 Djibo Hamani, «Les enjeux stratégiques du Sahara à travers l'histoire », op cit.

3 Kimba Idrissa, op cit, p. 19.

4 C. Raynaut et S. Abba, op cit, p. 22.

5 CRA, op cit, p. 4.

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pas lieu, l'OCRS apparaît « comme un handicap de naissance pour les futurs Etats-nations de la région, car il introduit le germe de la revendication séparatiste et des difficultés de la construction nationale »1.

Mais le problème touareg au Niger n'a pas de solution territoriale, contrairement au contexte malien, comme le souligne le Pr André Salifou en ces termes : « Je persiste à croire et à clamer haut etfort que la question touarègue ne se pose pas de la même façon qu'au Mali. Autrement dit, à mes yeux, le Pacte National malien ne peut en aucune façon servir de référence pour un règlement du problème au Niger, où aucune portion du territoire national ne peut être considérée comme un «pays touareg 2». En outre, des centaines de milliers de touaregs cohabitent, certains depuis des siècles, avec des sédentaires, et entre les deux groupes, les mariages se sont multipliés, entraînant des métissages à la fois biologiques et culturels que nul ne peut ignorer aujourd'hui ».3

En outre, la ville d'Agadez, considérée par les rebelles touaregs comme « capitale des Touaregs », est en réalité une cité haoussa4. De même, cette région n'est pas celle qui compte le plus de Touaregs, contrairement au discours des mêmes rebelles touaregs5. Ce détour par l'histoire permet de comprendre le lien, ou du moins la communauté d'intérêts entre la France et les Touaregs sur les enjeux du Sahara.

Une autre dimension stratégique du problème touareg est liée à l'implication de la Libye. Le colonel Kadhafi appelait dès son accession au pouvoir à soutenir les «fils libres de la nation arabe souffrant de la répression et des camps d'extermination au Mali et au Niger »6. Les Touaregs ont toujours eu une allégeance politique vis-à-vis de la Libye à laquelle ils s'identifiaient mieux culturellement. Les rapports entre le Niger et la Libye ont toujours été mis à mal par des différends frontaliers autour des puits de Toummo et le Mangeni, zones très riches en ressources minières dont le pétrole7.

Les relations politiques tendues entre le Président Kountché, acquis à la France, et le Colonel Kaddafi vont précipiter la constitution d'une opposition politique armée contre le régime de Seyni Kountché en Libye. Beaucoup de dissidents touaregs enrôlés dans la Légion Islamique de Kadhafi s'exerceront au métier des armes8 dans les conflits libanais, sahraoui et tchadien en même temps qu'ils subissaient un endoctrinement idéologique « axée principalement sur l'appartenance des hommes en formation à la nation arabe, sur l'importance de la langue et de la civilisation arabes, différentes de celle des populations vivant au sud du Sahara »9.

C'est cette expérience libyenne qui donnera à la première rébellion des années 90 ses premiers combattants aussi bien au Niger qu'au Mali. En effet, suite au décès le 10 novembre 1987 du Général Seyni Kountché, on assista à une normalisation des relations avec la Libye. Celle-ci s'expliquait non seulement par la personnalité modérée du Général Ali Saïbou, le

1 Propos d'une do ctorante citée par Djibo Hamani in «Les enjeux stratégiques du Sahara à travers l'histoire », op cit.

2 Souligné par nous.

3 André Salifou, op cit, p. 104.

4 Sur le peuplement de l'Aïr, voir Djibo Hamani, «Une gigantesque falsification de l'histoire », op cit, pp. 24-43.

5 Selon le recensement général de la population de 1988, la population touarègue est repartie sur le territoire national comme suit :Tahoua (202 833), Tillabéri (155 315 ), Agadez (114 020), Maradi (37 515), Zinder (36 688), Dosso (9 170), Diffa (1513). Voir Ibid, p. 107.

6 Le point, 22 février 1980, cité par C. Raynaut, op cit, p. 22.

7 Voir interview de Sanoussi Tambari Jackou dans La Roue de l'histoire, n°362 du 25 juillet 2007, pp. 6-7.

8 Les officiers touaregs maliens et nigériens étaient formés à Tajora dans un régiment d'élite où se recrutent les hommes chargés de la sécurité rapprochée du colonel Kaddafi. Les hommes de rang, à leur tour, étaient formés dans deux camps, le camp du 2 mars pour la formation de base et le camp de Benghazi pour la formation de type commando.

9 André Salifou, op cit, p. 112.

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nouveau président, mais aussi par l'amenuisement des ressources libyennes et la fin du conflit de la bande d'Aouzou. Le Général Ali Saibou invita les Touaregs à rentrer au pays participer à la construction nationale ; ces derniers vont, en répondant à cet appel, négocier et obtenir avec les Libyens, le rachat de leurs matériels de guerre (véhicules, armes, munitions etc.)...

L'échec de la réinsertion des rapatriés touaregs en 1990 fut la goûte d'eau qui fit déborder le vase avec les massacres commis par l'armée nigérienne sur les populations civiles touarègues à Tchintabaraden au mois de mai dont le bilan reste encore inconnu1. Le traitement de cette affaire par la Conférence Nationale Souveraine contribua à aggraver les tensions et précipiter la formation d'une rébellion structurée dans le Nord.

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