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L'incrimination du délit d'initié en France. Atouts et faiblesses d'une répression

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par Pierre ROCAMORA
Faculté de droit et science politique, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III - Master 2 prévention et répression de la délinquance économique et financière 2007
  

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B : PERSONNES CONCERNEES

· Les personnes physiques

L'article L.465-1, alinéa 1 du C.M.F désigne « les dirigeants d'une société mentionnée à l'article L.225-109 du Code de commerce et les personnes disposant à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions d'informations privilégiées ». Le législateur distingue donc deux catégories de personnes physiques :

- Les dirigeants de société cotée: L'article L.465-1 dans sa rédaction actuelle, vise les « dirigeants d'une société mentionnée à l'article L.225-109 du Code de commerce ». Il s'agit du président, des membres du directoire d'une société, des personnes physiques exerçant dans cette société les fonctions d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance et des représentants permanents des personnes morales qui exercent ces fonctions.

Ces initiés de droit ou initiés « primaires » sont frappés d'une intervention absolue d'opérer. En effet, ces personnes sont réputées initiées en raison des fonctions qu'elles exercent et la présomption qui pèse sur elles est considérée comme irréfragable.

- En deuxième lieu, il faut évoquer les initiés externes : Aux termes de l'article L.465-1, toute personne peut aussi être réputée initiée dès lors qu'elle dispose d'informations privilégiées, non pas seulement dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions, mais aussi « à l'occasion » de cet exercice, ce qui étend considérablement le champ de l'incrimination. Cette catégorie de personne ne voit peser sur elle aucune présomption, ni irréfragable ni même simple, d'initié. Tel est le cas du directeur financier ou administratif, d'un employé ayant accès à des dossiers confidentiels, d'un trader d'une société de bourse...

- En troisième lieu, la loi du 15 novembre 2001 a allongé la liste des initiés externes en insérant à l'article L.465-1 du CMF, un alinéa 3, qui vise « toute personne » possédant une information privilégiée, ce qui permet d'atteindre tous ceux qui n'entrent pas dans les prévisions des deux alinéas précédents. Dans tous les cas l'initié est punissable, qu'il agisse directement, indirectement ou par personne interposée, et cela aussi bien lorsqu'il exploite personnellement l'information privilégiée que lorsqu'il permet à un tiers de le faire.

De plus, le règlement de l'AMF du 12 novembre 2004 semble aller au-delà dans l'énumération des personnes susceptibles de commettre un « manquement d'initié ». Son article 622-2 vise toute personne détenant une information privilégiée et qui sait ou aurait dù savoir qu'il s'agit d'une information privilégiée sans faire référence aux circonstances dans lesquelles cette information lui est parvenue. Il s'agit des membres des organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l'émetteur, ou encore de personnes ayant une participation dans le capital de l'émetteur...

Cet ensemble de dispositions démontre que le législateur a voulu doter les organes répressifs de moyens convenables pour qualifier et poursuivre de telles infractions. Le champ d'application du délit s'est ainsi considérablement élargi, et toute personne visée se voit dans l'obligation de s'abstenir d'agir, tant que l'information n'est pas connue du public. Le décideur public est même allé plus loin dans cette inflation législative, avec la loi du 20 juillet 200520(*). Cette loi entraîne l'obligation pour chaque émetteur de créer et mettre à jour une liste21(*) de personnes -travaillant en son sein- ayant accès à des informations privilégiées concernant l'émetteur et une liste de tiers ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles.

Cette disposition démontre encore une fois la volonté du décideur public d'encadrer strictement ce genre de comportement qui porte atteinte à l'égalité des investisseurs.

Encadrement trop ferme aux yeux de certains spécialistes, qui s'interrogent sur la portée d'une telle obligation. Cette procédure consistant à établir une liste d'initié « crée-t-elle une présomption de culpabilité ou de quasi-culpabilité 22(*)». Selon l'avocat Pierre CLERMONTEL, ces dispositions traduisent une « obsession normophile » qui « frappe particulièrement le droit financier et le transforme en outil de communication destiné à convaincre que l'Etat protecteur contrôle la puissance capitaliste et son cortège de méfaits ».

Me CLERMONTEL dénonce ainsi « une défiance tenace à l'égard du monde économique et de l'entreprise », transformant chaque acteur en « délinquant virtuel ». Ce dernier allant même jusqu'à comparer cet inflation à une période noire de la France en déclarant que « ...tout comme au temps de la Terreur, doivent être établies des listes de suspects sur qui pèsera une suspicion de malversations ».

Il est donc important de souligner qu'une certaine volonté apparente du législateur se traduit par son intervention constante dans la vie des affaires. Cette intervention permet de délimiter et réprimer en apparence les comportements qualifiables de délit boursier. Comme nous venons de le voir avec la théorie de M.CLERMONTEL, ces mesures législatives excessives peuvent engendrer des conséquences néfastes pour les professionnels en relation avec ce monde des affaires. Cependant, ces dispositions apparaissent comme un mal nécessaire à la survie des relations financières, permettant de réglementer un domaine ou la transparence et la clarté doivent être de principe.

Or, nonobstant l'adoption de toutes ces mesures, qui peuvent entraîner un risque de confusion et des conséquences nuisibles pour les professionnels du monde des affaires, il reste néanmoins des zones d'ombre. On peut ainsi s'apercevoir que l'inflation législative destinée à lutter contre les comportements d'initiés, ne s'accompagnent pas de la répression optimale qu'il serait souhaitable d'appliquer dans ces cas là. Par conséquent, nous pouvons nous questionner sur l'utilité de telles mesures législatives23(*) -pourtant nécessaire- qui en théorie, encadrent de façon satisfaisante le délit d'initié, mais qui n'emporte pas les mêmes conséquences en pratique sur le plan répressif.

· Les personnes morales

Jusqu'à la loi du 2 juillet 1996, l'ordonnance de 1967 ne retenait pas le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. Ce texte disposait que dans le cas où les opérations auront été réalisées par une personne morale, les dirigeants de droit ou de fait de celle-ci seront pénalement responsables des infractions commises.

Désormais, les dispositions de la loi du 2 juillet 1996, reprises dans l'article L.465-3, prévoient que les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de toutes les infractions définies aux articles L.465-1 et L.465-2. Il est donc nécessaire d'établir - conformément aux dispositions de l'article 121-224(*) du Code pénal- que les faits ont été commis par les organes ou représentants de la personne morale agissant pour son compte. En outre, la responsabilité de la personne morale n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

Le principe de spécialité qui s'appliquait alors, n'a plus lieu d'être aujourd'hui, et il en résulte qu'il n'est plus nécessaire qu'un texte particulier prévoit la responsabilité des personnes morales en cas d'infraction. Ce principe de généralité de la responsabilité des personnes morales, vient ainsi faciliter les possibles actions répressives contre les sociétés.

Ce dispositif peut cependant s'avérer néfaste pour l'entreprise, particulièrement pour son personnel. Condamner la société à une peine d'amende, équivaut à mettre en péril toute la structure financière et le fonctionnement de celle-ci.

* 20 Loi DDAC (Diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire) n° 2005-811 du 20 juillet 2005.

* 21 Ces listes doivent être communiquées à l'AMF dès qu'elle en fait la demande, et doivent être conservées pendant cinq ans à compter de leur création ou de leur mise à jour.

* 22 M.Pierre CLERMONTEL, « Chasse aux suspects dans la finance » ; Les Echos du 19 décembre 2005,

N° 19564, p.15.

M.Pierre CLERMONTEL est avocat, associé du cabinet Delevoise &Plimpton LLP.

* 23 D'autant plus qu'au terme d'une procédure de concertation avec l'AMF et plusieurs organisations professionnelles, la CNIL a adopté, le 6 juillet 2006, une délibération dispensant de toute déclaration les traitements automatisés relatifs aux listes d'initiés, mis en oeuvre par les sociétés émettrices d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé et leurs prestataires disposant également d'informations privilégiées ; www.cnil.fr

* 24 L'article 121-1 du Code pénal énonce : « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les disctinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo