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L'incrimination du délit d'initié en France. Atouts et faiblesses d'une répression

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par Pierre ROCAMORA
Faculté de droit et science politique, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III - Master 2 prévention et répression de la délinquance économique et financière 2007
  

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B/ ENJEUX SITUATIONNELS

A L'instar d'autres infractions telles que le trafic de stupéfiants, la contrebande de cigarettes, ou le proxénétisme, le délit d'initié s'avère être un délit véritablement profitable pour les délinquants qui le commettent. Dans un premier temps, il faut souligner qu'un tel délit ne peut être effectué que par une certaine catégorie de personnes, des « initiés », qui connaissent et maîtrisent parfaitement les instruments financiers. Cette sphère de financiers, qui disposent d'informations privilégiées, a ainsi une marge de manoeuvre totalement libre pour utiliser ces informations afin de générer un maximum de bénéfice. D'autre part, ces initiés qui bénéficient de la confidentialité de l'information, savent pertinemment que la répression à leur égard sera légère. Encore faut-il pour qu'il y ait répression, que le délit soit détecté et que l'autorité poursuivante arrive à constituer l'infraction dans tous ses éléments. Par conséquent, un initié commet une manoeuvre illicite qui lui rapporte énormément, sans être en contrepartie inquiété outre mesure par la justice. Il est donc nécessaire d'agir afin que ce délit soit moins attractif pour les initiés qui le commettent, action qui ne peut passer que par une refonte du système répressif en matière de délit boursier.

Selon M.Pierre KOPP30(*), la population qui enfreint ces lois du marché « n'a pas forte appétence pour le risque ». Pour ce dernier, la répression des actes commis par les individus constitue le premier vecteur d'action de la politique criminelle. Il suppose dès lors « qu'un individu décidé à s'engager dans une telle activité pèse le bien-fondé de son attitude en fonction du gain qu'il espère obtenir, de la probabilité qu'il a d'être arrêté, de l'amende et de la durée de prison qu'il encourt, de la durée de l'emprisonnement et de la valeur négative qu'il attribue au temps passé en prison ». Pour cet auteur, la politique criminelle permet de recalibrer les choix des criminels en leur imposant des sanctions qui rendent le crime moins attractif. Dans le cadre du délit d'initié, la personne qui commet le délit engendre des bénéfices colossaux, pour un minimum de risques pénaux. Il y a donc minimisation des risques pour une maximisation des profits.

Concernant la répression du délit d'initié, les chiffres communiqués par l'AMF sur ce point sont éloquents. D'après cette autorité, il y a eu pour 200531(*), 27 procédures ayant abouti à une décision de sanction. En matière de délit d'initié, seulement deux procédures ont abouti à des décisions de sanctions. Quant aux suites judiciaires données aux dossiers transmis par l'AMF à la justice, le constat s'avère également mitigé. C'est ce que nous tenterons de démontrer à travers le tableau de synthèse32(*) suivant, réalisé à partir des données de l'AMF.

DATE DE TRANSMISSION

NOM DE L'AFFAIRE

SUITES DONNEES

Paris, le 31 juillet 1989

Marché du titre SOCIETE GENERAL

Jugement du TC de Paris du 20/12/02 condamnant l'un des trois prévenus à 2,2 millions d'euros d'amende et relaxant les deux autres.

Besançon, le 4 novembre 1993

Marché du titre et information financière diffusée par la société CENTREST

Ordonnance de non-lieu33(*) du 4 octobre 2001

Paris, le 12 mai 1995

Marché du titre et information financière diffusée par la société COMPAGNIE IMMOBILIERE PHENIX

Ordonnance de non-lieu du 23 mars 2001

Paris, le 2 février 1999

Marché des titres SALOMON et ADIDAS et de leurs dérivés

Ordonnance de non-lieu du 5 mars 2004

Saint-Denis de La Réunion,

le 22 juin 1999

Marché du titre PRIMISTERES-REYNOIRD

Classement sans suite34(*)

Paris, le 28 juin 1999

Marché du titre EUROPEENNE DE CASINOS

Ordonnance de non-lieu du 5 novembre 2004

Paris, le 11 octobre 1999

Activités de marché de Monsieur Claude LEONI

Ordonnance de non-lieu du 2 septembre 2003

Paris, le 2 juin 2000

Marché du titre et information financière diffusée par la société COMPAGNIE EUROP.DE TELESECURITE

Ordonnance de non-lieu du 2 septembre 2003

Paris, le 9 novembre 2000

Marché du titre DEXIA FRANCE

Ordonnance de non-lieu du 15 décembre 2004

Paris, le 15 novembre 2001

Marché du titre LABINAL

Ordonnance de non-lieu du 10 septembre 2004

De ce tableau synthétique, il ressort principalement que les poursuites entamées suite à la transmission des dossiers de l'AMF aux parquets, aboutissent le plus souvent à des ordonnances de non-lieu, ou à des classements sans suite. Il n'est donc apporté aucune réponse pénale satisfaisante à ces comportements délictueux, qui rompent l'égalité entre investisseurs, et nuisent à l'ensemble du monde financier. De plus, force est de constater que les peines d'emprisonnement prévues par le législateur restent lettre morte, et ne sont dans la majorité des cas, jamais appliquées. Preuve en est, dans toute l'histoire du délit, une seule personne a été condamnée à une peine d'emprisonnement ferme, Alain BOUBLIL35(*), dans le cadre de l'affaire PECHINEY-TRIANGLE.

Le législateur a certes prévu des peines d'amendes pour réprimer ce comportement. Il est ainsi possible de condamner un initié à une amende de 1 500 000 euros, dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé. Ces sommes qui semblent énormes en apparence, sont toutefois relatives pour ces financiers, qui jonglent quotidiennement avec des millions d'euros36(*). Dissuasive en apparence, cette sanction pécuniaire, si elle n'est accompagnée d'aucune peine d'emprisonnement s'avère inefficace. Ainsi, pour qu'un niveau optimal de répression soit atteint en matière de délit d'initié, il semble nécessaire de coupler la sanction administrative, avec une peine d'emprisonnement ferme. Sans faire de la prison l'alpha et l'oméga de toute répression, l'incarcération reste la seule sanction effective qui assure une certaine égalité devant la loi.

Contrairement aux délinquants de « droit commun », dont le parcours criminel est fait de violence et de rixes diverses, les délinquants d'affaires sont bien souvent issus de hautes écoles, possèdent une bonne éducation...Condamnées ces derniers à des peines de prison ferme, constituerait un véritable frein à leurs ardeurs effrénées de bénéfices. Une politique d'avantage répressive serait souhaitable pour de tels agissements, afin de mettre un terme à l'attractivité qu'engendre ce délit. Serait ainsi assuré l'égalité de traitement des infractions pénales, tout individu transgressant la loi quelque soit son statut, pourrait être condamné à de la prison ferme.

* 30 Pierre KOPP, Analyse économique de la délinquance financière (rapport), p.33

http://www.pierrekopp.com/contenu/publications/Gip%20crim%20fin.pdf

* 31 Bilan de l'AMF 2005 : Annexe 5, enquêtes et sanctions ; www.amf-france.org

* 32 Tableau élaboré par l'étudiant représentant une synthèse des poursuites judiciaires données aux infractions de délit d'initié à partir du bilan 2005 de l'AMF

NB : Selon l'AMF, les chiffres communiqués ne font pas état de l'ensemble des dossiers qui ont été adressés aux parquets, et en particulier, il ne reprend pas tous ceux, souvent les plus importants, encore en cours d'instruction.

* 33 Une ordonnance de non-lieu est une décision par laquelle une juridiction d'instruction, se fondant sur un motif de droit ou une insuffisance des charges, ne donne aucune suite à l'action publique.

* 34 Un classement sans suite est une décision prise par le ministère public en vertu du principe de l'opportunité des poursuites, écartant momentanément la mise en mouvement de l'action publique.

* 35 M.Alain BOULIL alors ancien directeur de cabinet de M.Pierre BEREGOVOY au ministère des finances, a été condamné à deux ans d'emprisonnement dont un avec sursis et 2,5millions de francs d'amende le 6 juillet 1994, par la 9éme chambre de la Cour d'Appel de Paris. Décision qui sera confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 juin 1995.

* 36 A titre d'exemple, dans l'affaire « EADS » en cours d'instruction, les juges soupçonnent Arnaud LAGARDERE, d'avoir effectué une plus value d'environ deux milliards d'euros, en vendant les 7,5% de sa participation dans le capital de la société : La Tribune du 29 mai 2007, p.9 et Le Canard enchaîné du 30 mai 2007.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo