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Les conflits de lois en matière de contrefaçon des œuvres littéraires et artistiques.

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par Patrice Ledoux DJOUDIE
Université de Dschang Cameroun - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2010
  

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SECTION II : EVICTION POUR FRAUDE A LA LOI

L'éviction de loi normalement compétente pour fraude à la loi est un autre mécanisme aboutissant à l'éviction de la loi étrangère, mais qui, contrairement à l'ordre public, ne se fonde pas tant sur le contenu de cette dernière que sur les conditions dans lesquelles elle a été déclarée applicable. En d'autres termes, il s'agit de sanctionner un comportement répréhensible d'une partie ou des deux, qui ont procédé à une manipulation artificielle du facteur de rattachement afin d'obtenir l'application d'une loi qui n'était pas a priori applicable. Cette manipulation peut consister en un changement de nationalité, de domicile, de résidence, en le déplacement d'un meuble ou dans notre cas, dans le changement du pays dans lequel on met en ligne une oeuvre contrefaite165(*), etc.

L'exemple le plus célèbre de fraude à la loi peut être donné par l'affaire dite de la princesse de bauffremont166(*). Cette princesse, de nationalité française, souhaitait divorcer de son mari afin d'épouser le prince BIBESCO. Mais, le divorce était alors interdit en France. Elle changea par conséquent de nationalité pour prendre celle d'un duché allemand qui autorisait le divorce, lequel fut prononcé sur-le-champ. Mais, la cour de cassation refusa tout effet à ce changement de nationalité en raison de la manipulation intentionnelle et frauduleuse qui avait permis de l'obtenir.

Seront présentés ici, les éléments qui doivent être constitués afin qu'il y ait éviction de la loi applicable à la contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques pour fraude à la loi (PARAGRAPHE I) et la sanction de cette fraude (PARAGRAPHE II).

Paragraphe I : Les éléments de l'éviction de la fraude à la loi

La fraude à la loi en droit international privé a une définition. Lorsque l'intérêt personnel d'un être humain est en jeu, il est très souvent tenté d'utiliser une règle de lois contre une autre personne, pour se satisfaire au détriment de cette dernière. Alors, pour empêcher que l'homme n'asservisse pas le droit à ses objectifs égoïstes ou individuels, il est généralement fait recours en droit international privé à l'exception de fraude à la loi.

Cette notion de fraude à la loi au sens stricte167(*) , instrument de protection de l'intérêt général et qu'on exprime constamment par l'adage latin « fraus omnia corrumpit », permet de faire échec à une manoeuvre répréhensible quant à son but, mais techniquement régulière.

Le droit international privé est réputé être le domaine par excellence de la fraude à la loi, la multiplicité des systèmes juridiques existant dans le monde fournissent aux individus le moyen d'échapper à la loi qui leur est normalement applicable, en se plaçant artificiellement sous l'empire d'une autre loi qui leur est plus favorable quant à leurs desseins.

Nous pouvons donc dire que la fraude à la loi en droit international privé se définit comme l'utilisation volontaire et artificielle d'une règle de conflit, dans l'objectif d'échapper à une disposition impérative de la loi qui est normalement compétente168(*). En matière de contrefaçon internationale des oeuvres littéraires et artistiques, nous pouvons illustrer avec le cas d'un individu qui choisi un Etat qui lui sera favorable pour publier, faire écouler ou mettre en ligne sur internet des oeuvres contrefaites.

De cette définition donnée, il ressort que la fraude à la loi suppose un élément intentionnel (A) et un élément matériel (B).

A- Elément intentionnel de la fraude à la loi

Il s'agit de la finalité illicite poursuivie par la personne qui se livre à la manipulation du facteur de rattachement. En soi, rien n'interdit de changer de nationalité ou de domicile, ou de déplacer un meuble d'un Etat à un autre, ou encore de choisir l'Etat dans lequel on va vendre une oeuvre. C'est le but recherché par l'auteur du changement ou du choix illicite qui conduit à suspecter une fraude de la part de ce dernier. Un changement de nationalité ou de domicile dont il ressort qu'il a été opéré dans le seul but d'obtenir un divorce, par exemple, ou la mise en ligne d'un ouvrage contrefait dans un pays autre que le sien dans le seul but de contourner la règle de conflit normalement applicable pour échapper à une loi plus sévère ou assez sévère.

Pour apprécier cet élément moral ou intentionnel, il conviendra de procéder à une délicate recherche d'intention : en effet, le changement de nationalité ou de domicile peut révéler de la part de la personne en cause une volonté de changer de situation de vie et parfois de reprendre les choses à zéro. Elle peut avoir pu changer de nationalité pour obtenir le divorce, mais si elle s'installe définitivement dans l'Etat dont elle a pris la nationalité et ne revient pas dans son pays d'origine, on peut en déduire que ce changement de nationalité est assumé par elle dans toutes ses effets. La fraude à la loi est plutôt révélée par le déséquilibre entre la manipulation du facteur de rattachement et le comportement ultérieure de la personne : si elle ne séjourne jamais dans l'Etat dont elle a pris la nationalité, ou169(*) n'y réside que le temps minimal pour être considérer comme résidente, on pourra en déduire qu'elle n'a modifié le rattachement que pour atteindre un certain objectif, et considérer alors son comportement comme frauduleux.

Bien entendu, l'existence même de l'élément intentionnel suppose que la volonté individuelle puisse influencer le facteur de rattachement : cela exclut toute éventualité de fraude à la loi en matière de statut réel immobilier170(*).

Concernant l'élément moral ou intentionnel de la fraude à la loi, on parle aussi de l'intention d'échapper à une disposition impérative de la loi normalement compétente. A cause de l'absence d'une définition jurisprudentielle effective et précise de la fraude à la loi, la doctrine s'est battue pour en donner une. Elle estime qu'il s'agit d'un abus de droit ou d'une faculté et d'une intention manifeste de vouloir contourner une loi normalement applicable. Cette faculté peut consister en l'acquisition d'une nationalité étrangère, en l'acquisition d'une autorisation de distribution ou de ventes des produits contrefaits sur un territoire non protecteur des droits d'auteurs, en vue d'échapper à la loi applicable en des circonstances normales et automatiques. Il en résulte que l'anormalité des circonstances n'est pas en soi suffisant pour qualifier la fraude à la loi, il faut nécessairement un élément intentionnel ou moral. Nous pouvons alors dire avec Batiffol et Lagarde qu'il y a fraude à la loi lorsque la situation suspecte, au lieu d'être une simple conséquence d'un agissement innocent, a été le but de ce dernier agissement.

Il est très souvent assez compliqué de découvrir le but exacte visé par une personne, ce d'autant que le fraudeur n'a pas naturellement pour habitude de révéler ses intentions profondément malveillante. En d'autres termes, la recherche de l'élément intentionnel ou moral n'est pas chose évidente. Donc, il s'agit d'une intention éventuelle et non d'une intention certaine. La recherche de cet élément est généralement faite de manière objective et parfois évidente par le juge saisi171(*). De manière générale, un indice de fraude à la loi consiste en ce que l'accusé a éludé les diverses conséquences du déplacement de rattachement autre que celles qu'il est soupçonné d'avoir exclusivement recherché.

En plus de cet élément intentionnel, il existe un autre élément dit matériel.

* 165 La fraude à la loi doit être distinguée du forum shopping, dans lequel les parties ne manipulent pas nécessairement le rattachement, mais saisissent un tribunal ou une autorité dont elles espèrent plus de bienveillance que de celui normalement compétent. La fraude à la loi stricto sensu ne se produit qu'en cas d'élision de la loi objectivement applicable. Elle se présente d'ailleurs fort rarement en pratique, les plaideurs ingénieux disposant avec le forum shopping, d'une astuce plus simple qu'un changement de nationalité ou de résidence ou de déplacement pour aller commettre une infraction à l'étranger.

* 166 Cass. Civ. 18 mars 1878, sirey 1878, 1ère partie, p. 193.

* 167 Par opposition à la fraude à la loi au sens large qui englobe toute sorte de manoeuvres déloyales et trompeuses.

* 168 MAYER (P.) et HEUZE (V.), Droit international privé, Montchrestien, 8e éd., Paris, 2004 ;

* 169 En cas de changement de résidence.

* 170 Car, on voit mal et même impossible une personne capable ou réussir à déplacer un immeuble.

* 171 A l'instar d'une personne qui change le pays de situation d'un bien meuble et demande les jours suivants le prononcé d'une décision concernant ce bien, tout en sachant que la loi applicable aux biens meubles est celle de leur lieu de situation. Si le juge saisi constate cette manoeuvre, il pourra facilement en déduire une fraude à la loi.

Un autre cas est celui d'une personne qui, de passage dans un pays, met en ligne une oeuvre contrefaite ou va dans ce pays avec cette seule intention, et va ensuite dans son pays d'origine pour poursuivre ses actes, tout en sachant que c'est la loi du pays étranger qui lui sera applicable en cas de litige et lui sera favorable.

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