WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Religion et pratique de l'excision en Côte d'Ivoire

( Télécharger le fichier original )
par Nguemo Ngueabou Joël et Douala Roméo
Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée Côte d'Ivoire - Diplôme d'ingénieur des travaux statistiques 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 2

Revue de littérature

L'excision est parmi les questions qui suscitent de nos jours, beaucoup de débats et controverses. Mais, il est à constater qu'elle est encore mal comprise et mal connue même par les scientifiques. Même si beaucoup de choses ont été écrites dans ce domaine, il n'en demeure pas moins que les discours qui y dominent restent marqués par les idéologies. C'est fort de ce constat que nous avons entrepris, dans le cadre de cette étude de cas, de continuer à explorer cette réalité sociale. A travers la littérature sur la question, nous savons aujourd'hui que ceux qui pratiquent l'excision évoquent plus ou moins la religion pour légitimer leur acte. Plusieurs auteurs ont eu à travailler sur l'excision. Dans l'impossibilité de pouvoir faire une revue exhaustive de tous les écrits sur la question, nous avons choisi de nous référer seulement à quelques-uns d'entre eux en respectant l'ordre chronologique des publications. De ce fait, nous verrons respectivement les ouvrages de Benoîte Groult, Awa Thiam, Fran P. Hosken Renée Saurel, Michel Erlich, Marie et Hubert Prolonge sur l'excision.

Tout d'abord essayons de voir ce qu'en écrit Benoîte Groult. Cette dernière, dans son ouvrage « Ainsi soit-elle », s'est montrée très critique vis-à-vis des MGF. D'après elle, rien ne justifie cette pratique à part la haine du clitoris. Se fondant sur la pensée populaire, elle caractérise «le clitoris» par : «le péché, la source de tout mal, c'est le trou méprisable, l'étui pour l'organe roi qui seul lui confère sa raison d'être. C'est en mot la femme. Par lui-même il n'est rien. Un trou n'est rien. Il est creux, négatif, vide». Pour Groult, le monde reste encore muet pour réprimer cette pratique parce qu'il s'agit des «histoires d'organes féminins». C'est «donc sans importance». Personne n'en parle.

L'auteur n'a même pas de complexe face à la religion. En effet, à ce sujet écrit-elle : «Il est juste de dire que le coran n'est pas l'inventeur de cette mutilation. L'excision comme le voile préexistaient à l'enseignement de Mahomet. Mais il l'a accepté partout où elle était pratiquée mieux, il s'en est réjoui. Les femmes juives peuvent rendre grâce à Moise qui, pour des raisons inconnues, ne ramena pas d'Egypte cette tradition et ne conserva que la circoncision».

Comme son titre l'indique, Awa Thiam dans son ouvrage «la parole aux négresses» 1, donne la parole à celles qui pendant longtemps se sont tues non pas parce qu'elles n'avaient

1. Paris Editions DENOEL, 1978, 189 Pages

Religion et pratique de l'excision en Côte d'Ivoire ENSEA, Mai 2012

Douala Roméo, Nguemo Ngueabou Joel - ITS 2012 23

pas des choses à plaindre ou à réclamer, mais parce que le système d'oppression mâle ne leur permettait pas toute prise de parole. L'architecture du livre comprend trois parties : la première est intitulée « Des mots de négresses », la deuxième a pour titre « Des maux de négresses » et la troisième c'est « Féminisme et révolution ».

Dans la première partie l'auteur donne la parole à des femmes qui racontent principalement leurs conditions désastreuses de mariage et de fiançailles.

C'est seulement à partir de la deuxième partie qu'elle prend réellement position contre les maux dont souffrent les femmes noires en particulier. A ce propos, elle souligne que bien que tous les problèmes de femmes se recoupent, les femmes noires indépendamment de toute origine : « ont en commun la condition d'être exploitées et opprimées par le même système phallocratique, (...). Il n'est pas rare de retrouver en Afrique ou en Europe, des femmes battues, des femmes dont les maris sont polygames, institutionnellement ou illégalement ».Concernant la clitoridectomie et l'infibulation, Awa Thiam mentionne que ces pratiques sont présentes chez les musulmans, les chrétiens et les animistes. Partant de cette base, l'auteur récuse la thèse de la source islamique de ces opérations en les faisant remonter au règne du prophète Abraham.

Dans la troisième partie de son ouvrage, Awa Thiam exhorte ses consoeurs négresses à lutter pour la recherche de leur dignité et de la reconnaissance de leur spécificité d'êtres humains. Pour elle, la lutte que doit mener les femmes d'Afrique noire doit se situer à un niveau autre que celui des femmes européennes. En effet, «en Afrique noire sévissent la polygamie institutionnalisée, les pratiques mutilatrices sexuelles, les mariages forcés, les fiançailles d'enfants». Ce qui est commun à toutes les femmes c'est la «violence phallocratique». Or «la violence engendre non pas l'humain mais plutôt sa destruction. Elle a pour nom : fascisme phallocratique. Elle est donc à abolir dans toute société, dans tout groupe social».

Juste à la fin de l'année de publication de «Parole aux négresses», Fran Hosken confie ses longues et vastes recherches sur l'excision sous forme d'un ouvrage. En effet, le «Génital and Sexual Mutilation of Females» est publié en 1978 et un peu avant le Séminaire de l'OMS à Khartoum en février 1979. Quand Fran Hosken a débuté ses investigations, il n'y avait pas beaucoup d'écrits sur les MGF contrairement à la circoncision masculine. C'est ainsi que l'architecte doublée de journaliste va entreprendre des recherches à travers le monde entier. C'est la raison pour laquelle, il n'y a presque pas aujourd'hui un travail qui se fait sur l'excision sans se référer à l'étude de Fran Hosken.

A l'instar d'Awa Thiam, Fran Hosken, journaliste américaine, situe les MGF dans un passé pré-islamique. A ce propos, elle écrit : «It was first recorded in Egypt 2000 years ago»2. Elle avance également que ces pratiques ont tendance à augmenter à cause de la croissance démographique. Selon les types, Fran Hosken localise les MGF dans 41 pays d'Afrique. Pour elle, 110,529 millions de femmes et de filles sont mutilées en Afrique. En dehors, de l'Afrique, les MGF sont pratiquées dans la Péninsule Arabique et tout au long du Golfe Persique. Au niveau de l'Occident aussi, à cause de l'émigration, on note ces pratiques.

2. Traduit par : les MGF ont été enregistrés pour la première fois en Egypte il y a de cela 2000 ans

Religion et pratique de l'excision en Côte d'Ivoire ENSEA, Mai 2012

Douala Roméo, Nguemo Ngueabou Joel - ITS 2012 24

Dans la première partie, l'auteur fait une vue d'ensemble sur les conséquences des MGF sur la santé des femmes et rapporte les recommandations du Séminaire de Khartoum. De même, elle fait un historique de ces opérations. La deuxième partie est plus détaillée. En effet, Fran Hosken y revient sur des cas de pays. Elle insiste principalement sur les pays d'Afrique. Et dans la dernière partie, elle revient sur l'ensemble des politiques qui ont été initiées pour estomper les MGF. Dans cette partie, Fran Hosken accuse les institutions internationales, parce que dirigées par des hommes, d'avoir fermé les bouches sur ce mal qui frappe les femmes. C'est ce qu'elle a appelé « The conspiracy of silence ».

A la suite de Fran Hosken, Renée Saurel publie un ouvrage très critique sur les MGF. C'est ainsi qu'elle écrit : « Mon propos se limite à un plaidoyer contre les mutilations qui ne sera pas fondé sur la haine du mâle, mais ne ménagera pas ces messieurs quand ils trouvent leur compte dans une si scandaleuse injustice ». L'ouvrage débute par l'histoire de la petite Oumou, une malienne vivant en France avec ses parents. Cette fille qui faisait à l'époque l'école maternelle a été excisée à l'âge de quatre ans par une femme venue spécialement du Mali pour la circonstance. Madame la directrice de l'école très bouleversée par l'opération, prend l'affaire à bras le corps. Un jour, alors qu'elle sortait de l'école, elle rencontre la mère d'Oumou et lui demande si sa fille ne souffrait plus. Cette dernière répond : «Non, ici ça ne dure qu'un mois, au Mali beaucoup plus longtemps. Ça fait très mal. Oumou n'a pas fait pipi pendant deux jours. On est obligé de le faire. Moi je ne voulais pas. (Pourquoi?) Je ne sais pas. C'est Dieu qui l'a dit. Si on n'est pas coupée, on ne se marie pas. C'est une femme qui vient du Mali, elle le fait avec une lame».

Toujours dans la même logique, Saurel s'intéresse également à une question que se posait la revue Famille et Développement en 1975 : L'excision, base de la stabilité familiale ou rite cruel? Le docteur Taoko de l'hôpital Yalgado, à Ouagadougou avait tenté de répondre à cette question. L'auteur de l'enterrée vive reprend la réponse de Taoko sans la corrompre. Elle écrit : « En Afrique occidentale le terme circoncision prête à confusion : il désigne d'une part l'opération qui prive l'homme de son prépuce et la femme de son clitoris et d'autre part, sous-entend l'initiation proprement dite. Le docteur Taoko estime que si, en Afrique occidentale, la circoncision et l'excision ont relevé surtout du «rite de passage», l'excision n'est plus aujourd'hui qu'une pratique de routine au sujet de laquelle personne ne peut fournir de «justifications convaincante».

Les ouvrages mentionnés ci- dessous ont en commun d'être très radicaux dans la remise en cause de l'excision.

Michel Erlich3 lui est un peu modéré. Médecin et ethnologue à la fois, Erlich minimise les conséquences médicales de l'infibulation, pratique qu'il maîtrise parfaitement pour avoir eu à travailler à Djibouti. En effet, dès l'entame de l'ouvrage il avertit : «Les répercussions médicales de l'infibulation ne m'ont pas paru d'emblée préoccupantes. Les premiers échos des réactions hostiles de la presse occidentale contrastent avec l'absence d'une pathologie gynécologique majeure dans ma clientèle, incitèrent à m'intéresser aux divers aspects de cet étrange coutume»

L'auteur de «La femme blessée » a le mérite d'avoir fait dans son ouvrage, une typologie

3. Dans « La femme blessée », Paris, l'Harmattan, 1986, 321 pages

Religion et pratique de l'excision en Côte d'Ivoire ENSEA, Mai 2012

Douala Roméo, Nguemo Ngueabou Joel - ITS 2012 25

de toutes les formes de MGF et d'avoir réparti chacun des types en fonction de la zone où il est en vigueur. Il retrace aussi les différentes campagnes qui ont eu à être menées depuis la colonisation pour arrêter la pratique. Par ailleurs, il fait une revue de la question de l'excision en montrant les nombreux auteurs qui l'ont abordé.

Contrairement à ce que l'on aurait tendance à penser, Hubert Prolongeau montre que l'excision est en expansion. En effet, il montre que : «Cent trente millions de femmes et fillettes sont excisées de par le monde». Ce métier de «réparateur de clitoris», Pierre Foldes le fait gratuitement (du moins pour ce qui concerne les femmes qui ne sont pas couvertes par la sécurité sociale). Le spécialiste qui exerce à la clinique Louis XIV de Saint-Germain-Laye (à l'ouest de Paris), a été influencé par son parcours d'humanitaire qui lui a permis de travailler en Asie d'abord, puis en Afrique. En effet, pour lui, il faut coûte que coûte secourir les opprimés où qu'ils se trouvent.

En gros, ce sont les ouvrages susmentionnés qui nous ont permis de réaliser cet état de la question.Regardons à présent l'avis des deux religions les plus touchées par cette pratique dans le monde.

2.1 Christiannisme et excision

Lorsque les missionnaires jésuites au 16e siècle arrivent en Abyssine (Ethiopie), ils tentent d'abolir l'excision chez les nouveaux convertis. Mais les hommes refusent d'épouser les femmes non excisées et les conversions cessent. Comme le rappelle Benoite Groult, l'église décide, sur injonction du pape Paul III de «Préférer les âmes aux organes sexuels» et de cautionner la pratique car elle est «médicalement nécessaire».

Puis c'est le bras de fer à la fin des années 1930 au Kenya, entre les missionnaires presbytériens écossais opposés aux MGF, qui refusent l'accès à l'église de toute fille excisée et les tribus Kikuyu qui, pour maintenir le rite, fondent des écoles et des églises indépendantes qui accueillent les filles excisées. Tout commence en 1919. Quand les médecins missionnaires émettent une recommandation unanime pour l'abolition de l'excision et des mesures disciplinaires pour les chrétiens qui continueraient à s'y livrer. Mais Jomo Kenyatta s'y opposait fortement car trouvait en l'excision une sorte de résistance nationale à la domination coloniale. Il écrit en 1938 dans Au pied du mont Kenya: «pas de Kikouyou digne de ce nom ne souhaite épouser une fille non excisée. La clitoridectomie est une mutilation corporelle considérée, en quelque sorte comme la condition sine qua non pour recevoir un enseignement religieux et moral complet». L'église d'Ecosse dû se plier devant cette résistance et renoncer à la campagne d'abolition du rite de l'excision. Quant à la pratique, elle perdure jusqu'à nos jours.

En 1952, l'Alliance internationale Jeanne D'Arc se définissant comme association catholique, dépose le premier rapport officiel sur les MGF devant l'ECOSOC '. Ces prises de position visent à faire reconnaitre par le Vatican le caractère irréversible et donc

4. Conseil Economique et Social des Nations Unies

Religion et pratique de l'excision en Côte d'Ivoire ENSEA, Mai 2012

Douala Roméo, Nguemo Ngueabou Joel - ITS 2012 26

condamnable des MGF mais en vain. L'église se terre devant cette controverse car elle préfère éviter toute confrontation avec les communautés chrétiennes africaines catholiques. Cependant, les églises africaines confrontées aux MGF prennent clairement position contre cette pratique. Par exemple lors du séminaire sur l'excision : culture et religion organisé à Kolda ( sud du Sénégal) par l'ONG Enda Tiers-Monde en 1993, le Révérend père Lopy a déclaré: «si DIEU a trouvé que ce qu'il a réalisé dans l'homme comme dans la femme était absolument bon, pourquoi la lame, le couteau ou le tesson de bouteille viendraient-il supprimer la merveille du créateur ?»

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand