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La coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée à  l'épreuve de la criminalité transfrontalière. Etat des lieux et esquisse de solution

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par Vernuy Eric SUYRU
Université de Yaoundé II Cameroun - Master en relations internationales, option intégration régionale et management des institutions communautaires 2011
  

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B. La criminalité de situation : une criminalité de subsistance économique

De la notion de situation, le dictionnaire Larousse en donne la définition suivante : « position géographique, emplacement de quelque chose, état, fonction de quelqu'un par rapport aux autres, emploi rémunéré, état d'une nation, d'une collectivité etc. dans un domaine particulier : situation économique... ».

De ce qui précède, le terme situation signifie et désigne tantôt la position géographique de quelqu'un ou de quelque chose, l'état d'une personne, d'un groupe organisé ou d'une collectivité à un moment donné du temps. Ici, ce qui retient notre attention, c'est le caractère à la fois structurel et conjoncturel de quelqu'un ou de quelque chose. C'est-à-dire, le fait que la situation d'une donnée quelconque ou d'un groupe de personnes puisse être immuable ou essentiellement dynamique.

Par analogie, la criminalité de situation pourrait s'entendre comme la criminalité qui se nourrit d'un certain nombre d'éléments à la fois statiques et dynamiques. Autrement dit, c'est une criminalité qui trouve ses fondements dans les caractéristiques géophysiques du golfe de Guinée57(*), l'état de satisfaction matérielle d'une collectivité donnée à une période déterminée. C'est dire le caractère consubstantiel de la position géographique, du niveau de développement économique d'un groupe humain ou d'une communauté avec la prolifération des activités criminelles. D'où l'importance de la prise en considération des facteurs géographique et socioéconomique pour expliquer ce type de criminalité.

Concernant le facteur géographique, il convient de dire que le golfe de Guinée est une région hybride qui concentre à la fois des Etats insulaire (Sao-Tomé et Principe), côtiers (Nigéria, Cameroun, Gabon, Guinée-Equatoriale, Angola, etc.) et enclavés dépendants directement de ces derniers (Tchad, République Centrafricaine, etc.). C'est dire que le golfe de Guinée constitue certes un passage stratégique pour le développement des échanges commerciaux transfrontaliers car il favorise le transit maritime et terrestre international, mais est surtout la plaque tournante des trafics illicites empruntant la mer58(*). Dès lors, à l'instar du Golfe d'Aden, les Etats du Golfe de Guinée sont en proie à la piraterie maritime, aux attaques diverses, aux prises d'otages, aux braquages spectaculaires dans les villes côtières des Etats riverains (Angola, Benin, Cameroun, Gabon, Guinée-Equatoriale, Nigéria, Togo...). Par ailleurs, cette région constitue un espace de fertilisation de l'immigration clandestine, du transit illicite des drogues et autres stupéfiants, de la contrebande et du commerce illégal des pierres précieuses (or, diamant) pillés dans la partie continentale de ces Etats. Ceci se justifie par la présence ici d'Etats faillis aux administrations corrompues et dotés d'une capacité d'intervention insuffisante. Car, « lorsque l'Etat riverain en question ne dispose pas de moyens pour intervenir et pour poursuivre les pirates, ceux-ci se sentent réconfortés dans leurs actes qu'ils s'emploieront à poursuivre, tant qu'ils ne seront pas inquiétés ou arrêtés et punis »59(*). D'où la nécessité pour ces Etats d'avoir la maitrise de leurs eaux territoriales afin de juguler ce phénomène.

Concernant le facteur socioéconomique, la criminalité de situation est consubstantielle à la conjonction des facteurs liés à la misère et à l'exclusion sociale de la majorité des populations (chômage conduisant à l'oisiveté) d'avec la présence supposée ou réelle des richesses naturelles, sans oublier la faiblesse, voire la démission de l'Etat de l'essentiel de ses missions régaliennes. Dans cette optique, cette forme de criminalité se développe et s'enracine davantage dans les espaces transfrontaliers enclavés du golfe de Guinée. En effet, ces espaces sont pour la plupart peu dotées d'infrastructures de base en bonne qualité (routes, hôpitaux, écoles...). En plus, l'état de misère et de sous scolarisation des populations de ces aires est des plus déplorables. Aussi, se développent-ils au fil du temps, la nature ayant horreur du vide, des activités illicites et illégales en l'absence de structures étatiques de sécurisation et de coercition efficaces.

C'est ainsi que ces régions, plongées dans une situation économique alarmante avec des populations nourrissant un sentiment d'exclusion sociale, voient se constituer de nouveaux pôles d'allégeance constitués de groupes de bandits et de mouvements paramilitaires60(*). C'est dans ce sens que les zones transfrontalières partagées par le Cameroun, le Tchad et la RCA ont été qualifiées de « triangle de la mort »61(*) en raison de l'insécurité généralisée qui y règne. Car ici, « l'insécurité prend plusieurs visages et se décline de plus en plus sous la forme des actes de coupeurs de route, du trafic et de la circulation illicites des armes légères et de petit calibre (ALPC), du vol de bétail, voire de la prise d'otages avec demande de rançon. »62(*). De ce fait, cette insécurité est activement et principalement « entretenue par d'ex-combattants, de militaires démobilisés et de bandits de grand chemin »63(*).

En tout état de cause, qu'elle soit favorisée par des déterminants géographiques (ouverture maritime et zones transfrontalières accidentées) ou stimulée par les facteurs socioéconomiques alarmants (misère et exclusion sociale des populations), la criminalité de situation s'enracine considérablement dans le golfe de Guinée. Tout comme la criminalité de conviction, celle-ci épouse plusieurs formes (trafics de tous genres, contrebande, piraterie maritime...) qui mettent en scène une diversité d'acteurs (groupes organisés, mafias diasporiques, autorités étatiques, compagnies multinationales...).

Par ailleurs, et il convient de le relever, il existe également un type contemporain de criminalité organisée sur et à l'aide de systèmes informatiques et cybernétiques, appelée la cybercriminalité64(*). Celle-ci, plus complexe, est davantage l'oeuvre des diasporas nigérianes et camerounaises constituées en réseau sur la toile.

C'est donc à partir de cette typologie heuristique de la nature des activités et des acteurs de la criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée, qu'il convient d'analyser les conséquences politico-sécuritaires de ce phénomène dans la région.

* 57 L'ouverture à la mer et un relief très accidenté difficilement accessible.

* 58Voir Eric NJONOU AKOUTOU, « La sauvegarde des approches maritimes nationales : un défi partagé », in Honneur et Fidélité, spécial 20 Mai 2009, PP. 28-29.

* 59 Fweley DIANGITUTKWA, « Terrorisme et piraterie dans le Golfe de Guinée : esquisses de solutions », in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), op.cit. p.100

* 60 Nous pensons spécifiquement ici à l'Armée de Résistance du Seigneur (LRA) du rebelle d'origine ougandaise Joseph KONY qui commet des exactions massives à la lisière de la frontière RCA-RDC. A ce sujet voir, Rapport du Secrétaire Général sur les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique Centrale et les zones où sévit l'Armée de Résistance du Seigneur, Conseil de Sécurité, Nations Unies, 11 Juin 2012.

* 61Joseph Vincent NTUDA EBODE, « l'insécurité transfrontalière dans la zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », in Joseph Vincent NTUDA EBODE, op.cit. p.150

* 62 Joseph Vincent NTUDA EBODE, « La nouvelle posture géopolitique du Cameroun et la lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée », op.cit. p.75

* 63 Idem, p.75

* 64 Voir à ce sujet SUYRU Vernuy Eric, L'état des lieux des législations nationales en matière de lutte contre la cybercriminalité en Afrique centrale, Rapport de stage académique effectué au Bureau sous régional pour l'Afrique centrale (BSR-AC) de la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), IRIC, Année académique 2010-2011, 30p.

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