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La coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée à  l'épreuve de la criminalité transfrontalière. Etat des lieux et esquisse de solution

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par Vernuy Eric SUYRU
Université de Yaoundé II Cameroun - Master en relations internationales, option intégration régionale et management des institutions communautaires 2011
  

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SECTION II : LES REPERCUSSIONS DE LA DÉSINTÉGRATION DE L'ETAT DANS LE GOLFE DE GUINÉE : ENTRE INSTABILITE POLITIQUE ET INSECURITE REGIONALE

L'échec de l'Etat dans la gestion des contraintes générées par la mondialisation, notamment la grave crise économique des décennies 80-90 et le vent de démocratisation qui s'en est suivi, va entrainer une fragilisation croissante de l'autorité étatique dans les pays du golfe de Guinée. Cette désintégration de l'autorité de l'Etat va transformer ces pays en entités nationales ingouvernables65(*) où le désordre et la prédation vont s'installer.

Aussi, l'affaiblissement, voire le retrait de l'Etat de certaines portions du territoire national, vont-ils conduire à l'émergence, puis à la formation de réseaux d'acteurs parallèles qui vont se ruer à la conquête et au contrôle des ressources naturelles localisées dans ces espaces délaissés. Cette conquête et ce contrôle vont essentiellement s'opérationnaliser par le mode de la violence politico-armée. Ainsi, le monopole étatique de la violence armée va être relativisé66(*) avec une privatisation croissante de celle-ci. Pour comprendre les conséquences politico-sécuritaires de la faillite des missions régaliennes de l'Etat dans le golfe de Guinée, il convient d'analyser de prime abord les effets de l'attraction des ressources naturelles, objet de toutes les convoitises (Paragraphe I), avant d'envisager les conséquences de l'extension régionale de l'insécurité (Paragraphe II).

Paragraphe I : Contrôle des ressources naturelles et privatisation de la violence politico- armée

La crise économique sévère et durable qui a frappé de plein fouet les Etats de la région du golfe de Guinée dès les années 1980 a considérablement érodé les assises sociétales et territoriales de ceux-ci. Ces derniers présentent dès lors des caractéristiques d'Etats faibles, divisés, incapables, effondrés ou assaillis. Avec la labellisation de la région comme zone de ressources naturelles stratégiques, il s'y est installée une sorte d' « anomie sociale avec l'apparition de nouveaux acteurs, aussi variés que redoutables, qui font leur entrée dans le cercle des opérateurs privés de la violence »67(*). Et ces nouveaux opérateurs privés de la violence sont essentiellement constitués de mouvements politico-armés de diverse nature, et aux objectifs politiques et économiques imbriqués. Nous en recensons globalement deux catégories qui se livrent au pillage des ressources naturelles de cette région : les mouvements de revendications communautaristes (A) et l'oligarchie politico-militaire (B).

A. Revendications d'ordre communautariste, guerre des ressources et entreprenariat politique

Au cours des deux dernières décennies, les contraintes multiformes tant internes qu'externes ont accentué la crise de légitimité dont souffraient déjà maints régimes africains civils et militaires68(*). Cette crise sera exacerbée avec l'exclusion sociale des populations qui entrainera des animosités sociales, ethniques, religieuses ou culturelles au point de faire éclater les luttes d'auto prédation nationale. Celles-ci mettent en scène des affrontements entre diverses composantes du tissu social qui concourent à l'éclosion d'un climat de tensions et de chaos généralisées par l'expression de la violence politique et armée, dont le dessein est de contrôler une portion du territoire potentiellement riche en ressources naturelles. Car, « toutes les cultures et civilisations ont rationalisé et glorifié l'exemple par excellence de la déprédation humaine : la guerre »69(*). La guerre dans ce cas devient donc ainsi le moyen légitime de faire triompher les ambitions de la tribu, du clan ou de la région. Car les populations d'ici estiment avoir payé un lourd tribut lié à l'exploitation des ressources naturelles qui les appauvrit, déstabilise leur société et pollue leur environnement, voire met en danger leurs vies.

Avec la fin du monolithisme politique, les pluralismes communautaires ont éclaté dans une logique contestataire prononcée contre les pouvoirs centraux des régimes en place dans le golfe de Guinée. Des leaders de toute sorte ont crée des causes communautaires dont ils s'instituent les hérauts et engagent des revendications politiques violentes au nom de leurs groupes. La contestation qui s'ensuit est fondée tantôt sur un sentiment d'exclusion de la gestion des affaires publiques, tantôt et surtout sur une insatisfaction dans la répartition de la manne financière issue de l'exploitation des richesses naturelles localisées dans leurs milieux de vie. En effet, la territorialisation ethnique ou régionaliste des ressources naturelles se traduit par les revendications de leur appropriation et de leur exploitation locales en totalité ou en partie. L'Etat déjà affaibli dans ses assises socioéconomiques, se voit dès lors contesté son monopole de la violence par ces nouveaux acteurs. Le mouvement d'émancipation du Delta du Niger (MEND) au Nigéria70(*)et les rebellions-invasions dans les provinces minières de la RDC constituent des exemples éloquents de cette privatisation de la violence armée par des mouvements politico-armés.

Par ailleurs, les revendications d'un meilleur partage de la manne générée par les ressources naturelles servent souvent de prétexte aux revendications de partage du pouvoir politique71(*).

Dans une région multiculturelle, la discrimination ethnique et tribale est en partie au coeur de la désunion politique. Les mouvements sécessionnistes et autonomistes à l'Est et au Sud-est de la RDC, en Angola72(*) et au Nigéria témoignent ainsi de l'instrumentalisation des revendications communautaires à des fins politiques. De ce fait, ces mouvements créent des alliances conjoncturelles, à la fois avec les forces extérieures73(*) et les réseaux maffieux, avec qui ils se livrent au pillage des richesses localisées dans les territoires dont ils ont le contrôle. Ces mouvements se constituent ainsi en marchands de l'insécurité et de la terreur, contribuant à l'instabilité politique de ces Etats.

La désintégration des Etats du golfe de Guinée qui en résulte offre, de ce fait, une fenêtre d'opportunités à un ensemble d'acteurs et d'élites politico-militaires qui vont, à leur tour, criminaliser ceux-ci.

* 65 En effet, des postes de police et des bases militaires du Nigéria vont être pillés ici et là, d'où des armes vont être emportées pour ensuite librement circuler de manière illicite sur les marchés locaux.

* 66 Il est consacré avec Max WEBER que l'Etat détient le monopole de la violence publique et légitime à travers les instruments de coercition à sa disposition : police, forces armées, appareil judiciaire...

* 67 Maurice KAMTO, op.cit., p.83

* 68 Voir à ce sujet Achille MBEMBE, « Réformes économiques, contraintes extérieures et production du politique en Afrique noire », in Maurice KAMTO, op.cit. p.115

* 69 Oswaldo de RIVERO, op.cit. p.162

* 70 Le MEND conteste violemment l'exploitation des ressources du Delta du Niger par les attaques contres les plates-formes pétrolières qui se soldent par les prises d'otages et les morts d'hommes.

* 71 A ce sujet, les leaders des mouvements rebelles du RCD/GOMA, du RCD/ML et du MLC ont ainsi pu accéder aux fonctions présidentielles et gouvernementales importantes à la faveur de l'accord global inclusif mettant une trêve aux violents combats qui ont embrasé la RDC au début des années 2000.

* 72 Notamment le combat politico-armé mené par les dirigeants et combattants du Front de Libération de l'Enclave de Cabinda (FLEC)

* 73 Nous pensons notamment au rôle joué par les puissances occidentales et étrangères qui fournissent des armes et munitions de guerre à ces mouvements en échange de l'accès aux ressources naturelles.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon