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Usage des symboles dans Syngué Sabour Pierre de Patience d'Atiq Rahimi

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par Nadia Fatima Zohra SATAL épouse CHERGUI
Université Abdelhamid Benbadis Mostaganem - Algérie - Magistère, option sciences des textes littéraires 2011
  

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2- SYMBOLES ET SOCIÉTÉ : VERS UNE INTERPRÉTATION SOCIO-SYMBOLIQUE DU ROMAN

« Interpréter un symbole, c'est évidemment se demander de quoi il est symbole.»67(*), disait Dominique Jameux. Mais comment y parvenir concrètement ? De quelle manière peut-on certifier que tel symbole désigne tel concept et non un autre ?

Comme une larme à double tranchant, le caractère polysémique du symbole lui donne toute sa faculté de pouvoir et vouloir dire plusieurs significations à la fois, et d'être susceptible de faire l'objet d'interprétations diverses, ainsi, il tend vers le libre cours et l'illimité ; facteurs, qui le destinent à jamais à l'imprécis et à l'inexactitude. Interpréter un symbole ne signifie pas l'analyser ni même le comprendre car ce dernier ne conduit pas à la compréhension mais pousse plutôt vers l'herméneutique.

Cette herméneutique visant à interpréter le symbole ne peut en cas constituée une finalité de celui-ci, ni en prétendre une réponse définitive ou unanime puisque elle-même est fondée sur l'intuition et que l'intuition demeure sensiblement dépendante et variable d'une personne à une autre. En effet, le symbole ne fait pas appel à la raison ni à une logique quelconque mais à l'intuition et aux sentiments, son dessein est d'être plus ressenti que compris. Selon Todorov, percevoir un symbole serait « Loin de caractériser la raison abstraite, le symbole est propre à la manière intuitive et sensitive d'appréhender les choses68(*)». Cette intuition dont il est question dans ce qui vient d'être dit est intimement liée à l'individu qui s'y prête, l'élaboration d'une telle interprétation ne recoure nullement à la rationalité et n'est par conséquent pas vérifiable. Il reste libre à chacun d'accorder à un symbole la signification qui, selon sa propre affectivité et sa première impression lui parait la plus adaptée.

Afin de ne point sombrer dans des interprétations qui seraient à la charnière de la subjectivité et de la pure intuition et qui relèveraient de la nette spéculation, nous optons pour une interprétation sociale des symboles qui, à notre avis serait la mieux seyante quant à la démarche de notre travail. Joignant intuition et esprit scientifique, notre préférence pour l'herméneutique sociale relève aussi bien de notre intime conviction (intuition personnelle) que l'emploi des symboles dans le roman est en adéquation avec la société et que le fait littéraire lui-même soit indissociable de celle-ci, mais relève également de notre profond désir d' échapper au piège de la subjectivité et des libres commentaires en conservant notre herméneutique dans la même ligne scientifique que nous nous sommes tracée au départ. Si l'herméneutique est l'art d'interpréter, notre art d'interpréter dans la présente étude appartiendra au rang de l'interprétation socio-symbolique, cette herméneutique ainsi définie, déterminera quelle autre signifiance sociale, les symboles dispensent-ils au corpus ? Comment les symboles racontent-ils la société dans le roman ?

L'apport principal de cette partie de notre étude consiste à profiter dans sa plénitude de la réponse à la préoccupation suivante : À quelles questions, le texte et notamment ses symboles répondent-ils ?

C'est dans la perspective de fournir une éventuelle réponse à ce genre de questions qu'intervient la critique littéraire à laquelle, Mancherey attribue le rôle de « se demander à propos de chaque oeuvre quelles sont les conditions sociales, économiques, politiques, idéologiques, etc... qui ont déterminé sa production69(*)». Une critique qui, dans notre cas se veut celles des conditions sociales d'où : la sociocritique.

2-1- LA SOCIOCRITIQUE

La sociocritique est une approche du texte littéraire qui permet de rendre compte de toute manifestation du fait social dans le fait littéraire. Elle donne l'opportunité de mettre en exergue les relations existant entre l'environnement social et le texte en présence, de telle façon qu'elle nous propose d'aller à la rencontre de la société dans l'oeuvre.

Analyser le roman d'un oeil sociocritique revient à situer l'analyse dans un carrefour où se rencontreront la portée esthétique de l'oeuvre et sa portée social. En effet, si nous choisissons d'étudier les symboles à la lumière de la sociocritique, c'est en majeure partie à cause de sa faculté à faire paraitre le contexte social de l'oeuvre (simultané à sa création) même implicitement évoqué dans celle-ci. L'implicite étant le domaine de prédilection du symbole, la sociocritique est en mesure d'en dégager l'empreinte sociale aussi dissimulée soit-elle.

Comme toute étude scientifique du fait littéraire, la sociocritique vise à expliquer le texte ; elle explique les raisons qui ont mené à sa réalisation et, elle lui confère tous ses fondements sociaux qui auront été à l'origine de son élaboration et auxquels, il servira ultérieurement de scène. La sociocritique est par excellence, la science apte à mettre en relief, dans toutes leurs profondeurs, l'enracinement et l'ancrage social dans l'oeuvre littéraire. Cette optique d'appréhender le texte littéraire met au jour la manière dont est inscrite la société dans le texte et donne le moyen de conceptualiser la socialité du texte.

Dans la mouvance de notre étude, nous souhaiterions aborder notre herméneutique sociale selon la sociocritique telle que la conçoit Claude Duchet. Le choix que nous établissons est fondé sur notre ambition de maintenir aux symboles leurs caractères d'implicite puisque Duchet donne à la sociocritique une perspective qui s'assortit fort bien avec l'expression symbolique. Duchet attribue à la sociocritique une fonction où, elle : « Interroge, l'implicite, le non-dit ou l'impensé, les silences, et formule l'hypothèse de l'inconscient social du texte à introduire dans une problématique de l'imaginaire.»70(*) Cette vision obéit pleinement aux caractéristiques du symbole dans la mesure où elle s'articule communément autour du sens voilé et non-prononcé du texte et son sens déclaré explicitement. Notre choix est d'autant plus motivé par le fait que la sociocritique de Duchet cadre parfaitement avec la pratique de l'écriture symbolique et qu'elle va jusqu'à en confirmer l'authenticité, Duchet mentionne que « toute création artistique est aussi pratique sociale (...) D'où l'affirmation du caractère concret du symbolique (du travail de symbolisation)71(*) ». Prise sous cet angle, la sociocritique questionne le texte de façon à lui faire avouer ses facettes cachées qui nous permettraient d'avoir une plus ample idée autour de la société qui y est présente.

Cependant, avant de nous approfondir davantage dans la théorie sociocritique de Duchet, nous jugeons indispensable de mentionner que :

1- La présence de la société dans la littérature ne date pas d'hier ; l'histoire de la littérature en contient plus d'un exemple. En passant par les fables de la Fontaine et leurs représentations de la société (englobant défauts, vices et vertus humains) au travers de la société animale, des fables dont les morales constituaient et constituent encore de vraies guides du savoir-être et du savoir-faire humains, aux romans balzaciens, où l'oeil du critique social est des plus minutieuses dont Eugénie Grandet (1833) et Le père Goriot (1835) forment les illustres exemples. Balzac affirmera dans son avant-propos de La comédie humaine qu'un écrivain « pouvait devenir un peintre plus ou moins fidèle, (...) le conteur des drames de la vie intime, l'archéologue du mobilier social72(*) ». Selon Balzac, l'écrivain se doit de retranscrire la société, il a le pouvoir de la raconter sous toutes ses coutures. En ce sens, il revient à l'écrivain de reconstituer la société dans la littérature, une littérature qui constituerait par la suite un document de la référence sociale de l'époque racontée.

2- Il nous semble nécessaire de souligner que la sociocritique en tant que science traitant du texte littéraire remonte loin dans l'histoire, c'est Madame de Staël qui, en 1800, s'y tente la première73(*)dans De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales. En effet, cette dernière s'adonne à une première approche de la sociocritique dans sa tentative de vouloir établir un lien entre la littérature et les différentes institutions sociales de l'époque, elle voulut, en fait, mettre en évidence toute l'incidence qu'exerçaient la littérature et la société l'une sur l'autre.

3-La sociocritique telle que nous la connaissons actuellement doit sa paternité à Claude Duchet qui, en 1971, introduit ce terme dans un manifeste de la sociocritique qui prendra le nom de « Pour une socio-critique ou variations sur incipit »74(*), l'article inaugure le premier numéro de la revue Littérature75(*).

? Outils théoriques de Claude Duchet

Afin de lire la socialité des oeuvres et de rendre compte de la manière par laquelle le social est textualisé, Duchet propose de nouveaux outils conceptuels qui permettent de suivre de prêt le déploiement de la société dans l'oeuvre littéraire.

D'abord, Duchet invente deux univers parallèles au texte qui cohabitent l'un à coté de l'autre. Ces deux univers détermineront toute la socialité du texte : Au texte va être suppléé le sociotexte76(*) auquel seront annexés le hors-texte et le co-texte.

-Le hors-texte constitue l'univers de références duquel l'oeuvre puisera son essence à partir du discours social, et qu'elle reformulera dans ses contenus. Il représente toutes les données historiques et sociales qui auront précédé l'oeuvre. La connaissance du hors-texte influencera considérablement la lecture, selon Régine Robin, « Le hors-texte dessine cet espace de connivence, de savoirs entre le texte et le lecteur qui va permettre à la production du sens de pouvoir de négocier, se gérer77(*)». Ce qui signifie que, c'est en corrélation avec le hors-texte que le lecteur va avoir la possibilité de réguler sa conception du texte, le hors-texte constituera une base de références au lecteur qu'il pourra utiliser comme pierre d'assise dans l'élaboration du sens.

- Duchet propose le co-texte qu'il définit comme étant : « Tout ce qui tient au texte, fait corps avec lui, ce qui vient avec lui. »78(*) Le co-texte va, ainsi, désigner toutes les circonstances sociales et historiques qui naitront avec l'oeuvre, l'accompagneront tout au long de son élaboration et jusqu'à sa soumission à la lecture. Nous dirons que si le hors-texte nomme toutes les conditions qui préexistent au texte et qui représentent un déjà-là, le co-texte nomme lui, toutes les conditions qui éclosent avec le texte et qui le suivront de bout en bout de son existence. Le co-texte représente les circonstances et les réactions immanentes à la mise en texte du social (l'écriture) et à la prise en conscience de son activité sociogrammatique (la lecture).

Ensuite, Duchet introduit la notion de sociogramme qu'il définit comme étant : « un ensemble flou, instable, conflictuel, de représentations partielles, aléatoires, en interaction les unes avec les autres, gravitant autour d'un noyau lui-même conflictuel79(*)Il représente le discours social (de la société réelle) tel qu'il est reproduit dans le texte. Tant de thèmes et de sujets faisant les conversations du réel vont ainsi réapparaitre reformulés dans le texte littéraire. Le sociogramme consiste à relever et à analyser toutes les manipulations discursives de la société dans le produit imaginaire du texte. Son utilité en tant qu'outil théorique d'analyse réside dans le fait qu'il permette de recenser toutes les médiations existant entre le discours social et l'oeuvre littéraire. Il donne le pouvoir d'étudier les différents processus de textualisation du social et d'expliquer les moyens par lesquels le discours se transforme en mots et se voit ainsi inscrit dans le texte.

Le sociogramme est la conceptualisation de la médiation qui existe entre la société de référence (réelle) et la société imaginaire (celle de l'oeuvre), il éclot dans le hors-texte à partir duquel, il empruntera tout son contenu, mais, ne s'y développe pas, il ne le fait qu'une fois l'écriture du texte commencée, c'est-à-dire une fois le social textualisé, le sociogramme progressera ensuite vers la lecture d'où, il prendra forme chez le lecteur.

Régine Robin dira que le sociogramme est « constitutif de l'imaginaire social80(*)». Dans ce sens qu'il représente les moments de conversion du discours social (référenciel) en un discours littéraire (imaginaire). Cette conversion peut s'exercer de deux manières différentes : Soit le sociogramme reproduit, dans toute son authenticité le discours social, soit il en donne une version différente voire opposée.

Le suivant schéma explique l'étalement de l'activité sociogrammatique :

Activité sociogrammatique

Hors-texte

Texte

Co-texte

Auteur

_ _ _ _ _ _ _ _ _

Lecteur

Espace de médiation

Source : Hurley, Robert, Beaude, Pierre Marie, « Le sociogramme du divin dans Lucie ou un midi en novembre de Fernand Ouellette », tiré de, Poétique du divin, Les Presses de l'Université Laval, 2001, p. 107.

* 67 Jameux, Dominique, op.cit.

* 68 Todorov, Tzevetan, (1977), op.cit. p.236.

* 69 Mancherey, Pierre. Pour une théorie de la production littéraire. Paris : F. Maspero, 1980, p. 179.

* 70 Duchet, Claude, « Postions et perspectives » in Sociocritique. Paris : Nathan, 1979, p. 4.

* 71 Ibid. pp. 3-4.

* 72 Balzac, Honoré de (1842), « L'avant-propos de la Comédie humaine », éditions eBooksFrance [en ligne] http://www.argotheme.com/balzac_avant-propos_de_la_comedie_humaine.pdf (consulté le 18 juillet 2011).

* 73 Cité par Bonzalé Hervé Sakoum dans Analyse sociocritique de Relato de un naufrago et de Noticia de un Secuestro, Thèse unique en cotutelle pour l'obtention de grade de docteur de l'université de Cocody (Cote d'ivoire), docteur de l'université de Limoges, soutenue à Abidjan, le 18 avril 2009, p.45. [en ligne] http://epublications.unilim.fr/theses/2009/sakoum-herve/sakoum-herve.pdf (consulté le 19 juillet 2011).

* 74 Disponible en ligne à l'adresse http://www.sociocritique.com/fr/pdf/Duchet_poursc.pdf

* 75 La revue Littérature correspond à la revue du département de Français du centre expérimental de Vincennes.

* 76 Hurley, Robert, Beaude, Pierre Marie. Poétique du divin. Les Presses de l'Université Laval, 2001, p. 107.

* 77 Robin, Régine, « Pour une socio-poétique de l'imaginaire social » in R. Amossy, La politique du texte enjeux sociocritiques. Trad. J. Neefs, M-C. Ropars. Presses Universitaires de Lille. Septentrion, 1995, p. 104.

* 78 Duchet, Claude, Tournier, Isabelle, « sociocritique », in Béatrice Didier (sous la direction de). Le Dictionnaire universel des littératures, vol. 3. Paris : P.U.F, 1994.

* 79 Ibid.

* 80 Robin, Régine, op.cit., p. 107.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius