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Les commémorations du 11 novembre en Belgique francophone pendant l'entre-deux-guerres. Les cas de Bruxelles, Liège et Mons

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par Emeline WYNANTS
Université de Liège - Master en histoire 2012
  

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1.1.2. Etre reconnaissant.

Se souvenir de la guerre engendre chez « ceux de l'arrière »66(*) une reconnaissance pour ainsi dire infinie envers les valeureux combattants du front sans le courage desquels la victoire n'aurait pas été possible. La reconnaissance n'est rien d'autre que l'estime publique, qu'un remerciement pour une action. Ici, on reconnaît que, par leurs présences au front, les soldats ont sauvé la vie de ceux restés chez eux. Une reconnaissance publique est également rendue aux prisonniers civils de la guerre, aux résistants. Nous pouvons donc voir que cette reconnaissance n'est pas fonction de la place tenue au cours du conflit mais plutôt aux actions qui ont été menées lors de celui-ci. En réalité, tout ce qui touche au souvenir de la Grande Guerre est teinté par l'horreur du front mais aussi par la notion de sacrifice grâce auquel la Patrie a pu être défendue et victorieuse.

1.1.3. Commémorer.

Que signifie commémorer ? Selon Laurence van Ypersele, commémorer c'est se souvenir ensemble d'évènements passés en tant qu'ils fondent notre identité, notre rapport au monde. Commémorer permet de marquer sa reconnaissance envers les générations passées et envers les morts, de tirer des leçons du passé et aussi de construire une identité nationale collective.67(*)Commémorer est un cérémonial organisé de la mémoire, une mise en avant d'évènements passés auxquels la société confère une valeur symbolique. Les commémorations officielles ne sont pas liées à des faits anodins ;ceux-cirelèvent plutôt du singulier : indépendance d'une nation, anniversaire d'un personnage important ou de sa mort,... Ces faits se doivent d'être au-dessus de la masse, d'avoir une portée globale car plus qu'un souvenir, une commémoration devient vite l'objet d'un engouement politique, social et médiatique: souvent des congés légaux, des banquets, des concerts, des appels à la générosité,... 68(*)viennent souligner l'acte de commémoration. Nous pouvons même mentionner qu'un grand prix de cyclisme est dédié au 11 novembre.69(*)

Dans le cas qui nous occupe, il existe plus d'un type de commémorations : fête de la Victoire, fêtes de reconnaissance, de retour des régiments, remise de la croix de guerre aux communes, cérémonies funéraires, inaugurations des monuments aux morts et enfin la cérémonie du 11 novembre où tristesse et joie s'entremêlent. 70(*)

Plusieurs définitions existent pour le terme « commémoration », à commencer par « opération d'ordonnancement du temps {...}, en évoquant le passé, à rendre sensibles les liens unissant acteurs et destinataires {...}, elle participe à la définition de l'identité du groupe concerné ».71(*) Il s'agit bien, dès lors, de mettre à l'honneur un événement passé qui a une résonnance dans le présent de la population. L'histoire, elle, retient cette définition: « La commémoration, cérémonie destinée à rappeler le souvenir, est l'une des manifestations visibles de la mémoire. Mais bien plus qu'un simple reflet de la mémoire, elle travaille aussi à la produire : le processus commémoratif est un acte volontaire pour matérialiser à l'aide d'une mise en scène organisée, codifiée, une certaine vision du passé et pour agir ainsi sur les représentations collectives. »72(*). Cependant, la définition de Stéphane Latté73(*) met l'accent sur la mort, ce qui est tout à fait le cas avec les commémorations du 11 novembre. Dès la première cérémonie74(*), la victoire est presque mise de côté au profit de l'hommage rendu aux morts et aux sacrifices qui ont amené cette victoire. C'est pourquoi, comme nous le verrons dans la suite de ce travail, les célébrations de novembre ont un caractère sacré et solennel, surtout dans les premières années où la plaie est encore grande ouverte.

Les cérémonies d'hommage, du souvenir ne laissent pas de place à l'imprévu, elles sont sobres et dépouillées. Nous avons pu constater que jamais durant l'entre-deux-guerres, des mouvements protestataires ne se sont déroulés pendant la cérémonie commémorative. Ils avaient lieu quelques jours avant ou après, mais jamais en même temps ce qui montre bien le caractère sacré que revêtait cet hommage.

La notion de mémoire et celle de commémorer sont intimement liées puisque nous commémorons pour maintenir le souvenir. Toutefois, ce souvenir induit une idée de dette et de reconnaissance envers les générations passées et les morts. Les commémorations de la Première Guerre Mondiale varient en ce sens que progressivement, elles ne sont plus uniquement tournées vers la glorification des soldats morts pour la patrie mais intègrent la notion de guerre totale et tendent à mettre en avant d'autres personnes.

* 66 Nous reprenons ici la conception de l'arrière de Sophie de Schaepdrijver : « In the First World War, civilian life too was mobilized - or mobilized itself for war; the German, French, Austrian and other « home fronts » served the military front (materially and culturally) and constituted « homes » for the front soldiers on leave. Occupied Belgium could not be a « home front » in this manner; but it was a « home front » in a more immediate sense: civilians were facing the enemy directly, and the home - the domestic, the familiar, the routine - became a theatre of confrontation ». S'il n'y a pas d'arrière au sens commun du terme, tout le territoire n'est pas pour autant la zone de front. Il faut donc le comprendre comme étant la partie hors front.

DE SCHAEPDRIJVER S., « A Civilian War Effort: the Comiteì National de Secours et d'Alimentation in Occupied Belgium, 1914-1918», in Remembering Herbert Hoover and the Commission for Relief in Belgium, Bruxelles, Proceedings of the seminar held at the University Foundation on October 4 2006, 2007, p. 30.

* 67 Cité dans MOREAU C., « Du bon usage de la commémoration », in Prof, le magazine des professionnels de l'enseignement, Juillet- août 2013, n°18, p.29

* 68 Notons par exemple, que pour les commémorations du 11 novembre, divers tournois sportifs, des collectes d'argent en faveur des orphelins de guerre, des galas de bienfaisance,... sont organisés.

* 69La Nation Belge, 10 novembre 1919, p.5; La Nation Belge, 9-10 novembre 1920, p.6, ...

* 70TISON S., « Traumatisme de guerre et commémorations. Comment champenois et sarthois sont-ils sortis de la guerre ? (1870-1940) », in Guerres mondiales et conflits contemporains, 2004/4 n° 216, p. 16.

* 71GARCIA P., « Commémoration », in MESURESylvie et SAVIDAN Patrick, Dictionnaire des sciences humaines,  Paris : PUF - Presses Universitaires de France, 2006, p. 159-161.

* 72JULIEN E., Paris, Berlin. La mémoire de la guerre, 1914-1933, Rennes, 2009, p. 113.

* 73 « on entendra ici par commémoration tout rassemblement, organisé dans l'intention d'être publicisé au-delà du cercle de ses participants, et dont un motif, au moins, est l'hommage à une ou plusieurs personnes décédées. »

LATTÉ S., « Commémoration », in Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences po, Paris, 2009, p. 116.

* 74 Nous considérons que la première cérémonie est celle de 1919. 1918 est une manifestation spontanée, non régulée qui ne résulte pas d'une volonté particulière.

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