WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

( Télécharger le fichier original )
par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B - L'illustration des limites à la liberté de circulation économique sous le prisme de la qualité des personnes

Notre objectif n'est pas d'établir un recueil des jurisprudences mais de donner quelques illustrations de limites à la liberté de circulation économique des personnes justifiées par la protection de la santé. Nous verrons ainsi que ces limites peuvent être fondées sur les compétences des personnes (1) mais aussi sur la nécessité de leur indépendance (2).

1 - La mise en cause de la compétence des personnes comme limite à leur liberté de circulation économique

Nous donnerons ici deux illustrations de justifications d'atteintes aux libertés économiques de circulation se fondant sur la compétence des personnes et la protection de la santé. La première illustration fera prévaloir la protection de la santé et la seconde, sans écarter la protection de la santé, fera prévaloir la liberté d'établissement.

Ophtalmologues et opticiens. Dans un arrêt du 1er février 2001158, la Cour de Justice a considéré que la législation belge qui interdisait aux opticiens (qui ne sont pas des médecins) de procéder à certains examens optiques sur leurs « patients » car ils étaient réservés aux seuls ophtalmologues était un moyen propre à garantir la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé non contraire au droit d'établissement.

La Cour précisera en outre que le simple fait qu'un Etat membre impose en l'espèce des règles moins strictes que la Belgique ne permet pas de considérer la législation belge comme disproportionnée dans la mesure où chaque Etat évalue « les risques pour la santé publique qui pourraient résulter de l'octroi aux opticiens de l'autorisation de procéder à certains examens de la vue. »

Ainsi, non seulement la protection de la santé est justification effective de limitation de la liberté d'entreprendre dans le cadre de la liberté d'établissement mais en plus, chaque Etat définit la notion de risque pour la santé publique.

Concours d'entrée à l'Ecole Nationale de la Santé Publique. Bien que rendue en matière de liberté de circulation des travailleurs, une décision de la Cour de Justice mérite ici d'être

158 CJCE, 1er février 2001, Mac Quen E.A., aff. C-108/96

67

évoquée quant aux limites fondées sur la compétence des personnes qui peuvent ou non être opposées à la liberté de circulation.159

En l'espèce, une ressortissante portugaise a reçu en 1983 le titre d'administrateur hospitalier de l'École nationale de la santé publique de Lisbonne et, invoquant le droit communautaire sur la reconnaissance des diplômes, a demandé en 1993 son intégration dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique française. Or en France, pour pouvoir exercer les fonctions de directeurs d'hôpital, il faut être diplômé de l'Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP) dont les modalités d'admission sont conditionnées par la réussite d'un concours d'entrée. Sa demande d'intégration a ainsi été rejetée par les autorités françaises. Ladite ressortissante a de ce fait saisi les juridictions administratives françaises qui ont saisi la CJ de questions préjudicielles.

La CJ va en l'espèce considérer que le titre délivré en fin de formation par l'ENSP est un « diplôme » au sens des dispositions communautaires de reconnaissance des titres de formation. La Cour va considérer ensuite que si l'obligation de réussir un concours pour accéder à un emploi dans la fonction publique ne peut être qualifiée d'entrave à la libre circulation, les modalités du concours d'admission à l'ENSP ne permettent pas de tenir compte des qualifications spécifiques en matière de gestion hospitalière. Ainsi, la Cour considérera qu' « imposer ce concours à des ressortissants d'États membres déjà qualifiés en matière de gestion hospitalière dans un autre État membre les prive de la possibilité de faire valoir leurs qualifications spécifiques dans cette matière et occasionne dès lors pour eux un désavantage qui est de nature à les dissuader d'exercer leur droit à la libre circulation. »

Ainsi, puisqu'en l'espèce les diplômes portugais et français sont considérés comme équivalents, la subordination de l'intégration en question à la réussite d'un concours tel que le concours d'admission à l'ENSP est contraire au droit communautaire.

La cour ne remet pas en cause le système du concours, qui est propre à s'assurer de recruter des professionnels de la santé suffisamment compétent et donc de protéger la santé publique, mais elle invite en pratique les Etats à prévoir des méthodes de recrutement permettant aux ressortissants communautaires de faire valoir leurs qualifications professionnelles.

Combinée à la protection de la santé, la compétence des personnes n'est pas le seul motif de limitations aux libertés économiques de circulation des personnes.

159 CJCE, 9 septembre 2003, Isabel Burbaud contre Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, aff. C-285/01

68

2 - La mise en cause de l'indépendance des personnes comme limite à leur liberté économique de circulation

Monopole des pharmaciens. Dans un arrêt du 19 mai 2009160, la Cour de Justice a considéré que si la législation allemande qui imposait que les pharmacies soient exploitées par les seuls pharmaciens est une entrave à la libre circulation des personnes, elle est justifiée par un motif de protection de la santé. En effet, les médicaments, du fait de leur dangerosité, comportent des risques pour la santé publique justifiant la compétence exclusive des pharmaciens pour en assurer la délivrance. A ce titre, les Etats membres sont fondés à prendre des mesures assurant un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité et ainsi à imposer que ces derniers soient vendus par des personnes « offrant toutes les garanties de compétence et d'indépendance à l'égard de pressions mercantilistes ».161 Ainsi la cour a considéré par exemple que les exploitants non-pharmaciens risquent d'inciter les pharmaciens « à écouler des médicaments dont le stockage n'est plus rentable ou (...) procéder à des réductions de frais de fonctionnement qui sont susceptibles d'affecter les modalités selon lesquelles les médicaments sont distribués au détail. »

Ainsi, combinée à la protection de la santé, l'indépendance des personnes est un critère pouvant fonder des limitations aux libertés économiques de circulation des personnes. Les Etats cherchent en effet à prévenir le comportement contraire à la santé que pourrait avoir certains professionnels.

Dans le cadre des libertés économiques de circulation des personnes, notre distinction opérée entre les biens et les personnes ne permet pas d'aborder l'exhaustivité des situations dans lesquelles la liberté d'entreprendre est limitée par la protection de la santé. Toutefois, si l'exhaustivité n'est pas notre objectif, nous tenions à souligner tout de même que les limitations à la libre prestation de service ou à la liberté d'établissement peuvent se fonder sur des motifs ne touchant pas à la qualité des personnes. C'est ainsi par exemple qu'a pu être évoqué comme motif de protection de la santé l'équilibre financier du système de sécurité

160 CJCE, 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes, aff. C-171/07 et C-172/07

161 SIBONY A.-L., DEFOSSEZ A., « Marché intérieur (marchandises, capitaux, établissement, services) », Revue trimestrielle de droit européen, 15 mars 2010

sociale.162 In fine, même sans toucher à la qualité de la personne, les limites aux libertés économiques de circulation touchent directement les personnes dans leurs déplacements.

En résumé, nous avons voulu montrer dans ce chapitre que pour limiter la liberté d'entreprendre, la protection de la santé agit sur la qualité des personnes en leur restreignant l'accès à une profession ou son exercice. Nous avons ainsi vu que le statut juridique des personnes, leurs compétences ou encore les condamnations résultant de leurs comportements sont des variables sur lesquelles le droit s'appui pour appliquer les restrictions économiques que nous avons évoqué. De même, lorsque la personne a la qualité de professionnel de santé, l'encadrement de son activité, qui est lucrative, sera encore plus contraignant du fait du lien direct qui est établit entre sa profession et la santé des individus. Enfin, nous avons aussi remarqué que la qualité d'étranger d'une personne est une variable justifiant une restriction à leur liberté économique de circulation au sein de l'Union européenne. La qualité de la personne était donc au centre de notre raisonnement.

En outre, il arrive qu'une personne participe à une activité économique sans en être à l'initiative mais en étant un acteur central dans cette activité. Nous en dirons plus dans notre Chapitre 2 qu'il est dorénavant temps d'aborder.

69

162 CJCE, 28 avr. 1998, Kohll, aff. C-158/96

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault