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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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SECOND CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA
LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE DANS LA CADRE DE LA RECHERCHE :
LE PROBLÈME DE LA QUALITÉ DE PERSONNE HUMAINE DU SUJET COMME
MOYEN DE LA RECHERCHE

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La liberté de la recherche est-elle un corolaire de la liberté d'entreprendre ? Voici une question délicate à laquelle nous ne saurons ici définitivement répondre. Pour autant, les liens entre la liberté de la recherche et la liberté d'entreprendre sont évidents et nous allons dès à présent les aborder.

Tout d'abord, il nous faut rappeler une distinction au sein de la recherche qui est opérée entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Le principal critère de distinction est celui de la finalité de la recherche. Ainsi, en théorie, la recherche appliquée est entreprise avec une finalité économique. Toutefois, ce critère est parfois délicat à mettre en oeuvre car certaines recherches dites fondamentales peuvent, même si ce n'est pas la finalité première recherchée, être à terme valorisées économiquement.

Par ailleurs, si l'on aborde la recherche en tant qu'activité d'une entreprise, on parlera de recherche et développement. Il s'agira par exemple pour une entreprise de créer de nouveaux biens. On peut distinguer au sein de la recherche et développement trois types d'activités dont nous allons dès à présent donner les définitions proposées par l'Organisation de coopération et de développement économiques et reprises par le Département des études statistiques du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de la République française.163

- La recherche fondamentale : « Elle consiste en des travaux expérimentaux ou théoriques (...) entrepris soit par pure curiosité scientifique (recherche fondamentale pure), soit pour apporter une contribution théorique à la résolution de problèmes techniques (recherche fondamentale orientée). »

163 Site internet du Département des études statistiques du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, « Méthodologie et définitions - Définition des activités de R&D », http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/res/res02/rap02ch3.pdf, page consultée le 6 mai 2013.

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- La recherche appliquée : « Elle est entreprise, soit pour discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale, soit pour trouver des solutions nouvelles permettant d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Elle implique la prise en compte des connaissances existantes et leur approfondissement dans le but de résoudre des problèmes particuliers. (...) La recherche appliquée permet la mise en forme opérationnelle des idées. Les connaissances ou les informations tirées de la recherche appliquée sont généralement susceptibles d'être brevetées ou peuvent être conservées secrètes. »

- Le développement expérimental : « C'est l'ensemble des travaux systématiques fondés sur les connaissances obtenues par la recherche ou l'expérience pratique, effectués en vue de lancer la fabrication de nouveaux matériaux, produits ou dispositifs, d'établir de nouveaux procédés, systèmes et services ou d'améliorer considérablement ceux qui existent déjà. Il inclut la mise au point des prototypes et des installations pilotes. »

Ainsi à travers ces définitions, non seulement les liens entre économie et recherche sont évidents mais de surcroit, ces recherches sont initiées par une entreprise. N'est-ce donc pas là une mise en oeuvre de leur liberté d'entreprendre ?

Par exemple, dans le cadre de ses activités de recherche et développement, un laboratoire pharmaceutique souhaite élaborer un nouveau médicament. Pour cela, il effectue des recherches en amont en testant par exemple des molécules, puis en sélectionnant enfin les médicaments à tester. Ensuite, arrive la phase de développement préclinique au cours de laquelle diverses expérimentations seront effectuées comme par exemple sur les animaux. Enfin, et à ce moment-là il ne reste qu'environ dix candidats médicaments, arrive le développement clinique au cours duquel seront mis en oeuvre des essais cliniques sur des personnes humaines volontaires. Les essais cliniques visent à démontrer l'efficacité et la sécurité d'un nouveau médicament et sont obligatoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament164 (nous reviendrons dans notre Seconde partie sur les biens). On voit bien ici, que les essais de médicaments sur les personnes (recherche biomédicale) sont indispensables à la commercialisation de biens (liberté d'entreprendre).

164 Voir en ce sens, « Les grandes étapes de la vie d'un médicament », http://www.leem.org/content/les-grandes-tapes-de-fabrication-dun-m-dicament, page consultée le 6 mai 2013.

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C'est ainsi que la recherche est une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre quand elle a une finalité économique, notamment prédéterminée par l'entrepreneur. Nous ne traiterons donc pas ici de liberté de la recherche mais simplement de la recherche comme mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre.

Parce qu'elle touche les personnes humaines qu'elle met au coeur du processus de recherche et parce que nous avons fait le choix d'analyser les limites à la liberté d'entreprendre justifiées par la protection de la santé sous l'angle des personnes, nous traiterons ici de la recherche biomédicale ou impliquant la personne humaine.

Comme le disait Kant dans son ouvrage « Fondement de la métaphysique des moeurs », « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. » Or il se trouve que dans le cadre de la recherche impliquant une personne humaine, cette dernière peut être, au moins partiellement, utilisée comme un moyen et non comme une fin. En effet, la finalité dans la recherche biomédicale est principalement le progrès scientifique. Lorsque les sujets sont impliqués dans la recherche dans un but thérapeutique, il est vrai que la finalité scientifique se complète par la finalité curative mais la personne demeure l'un des moyens de la recherche, à côté par exemple du médicament testé sur elle.

Or, lorsque la personne est utilisée comme un moyen, c'est sa dignité qui est en jeu. C'est ainsi que le droit cherche à créer un équilibre en les droits des personnes participant à une recherche et l'intérêt général incarné par le progrès scientifique. La personne a des droits, elle n'est pas un droit. C'est ainsi que la participation à une recherche biomédicale ne doit en principe n'apporter aucune contrepartie financière au sujet parce que la dignité de la personne humaine est hors commerce. En outre, la personne est ici certes considérable comme un moyen mais dans une finalité d'intérêt général et c'est ce dernier point qui nous pousse à nous demander si l'utilisation d'une personne comme moyen dans une finalité d'intérêt général est une cause de rachat de sa dignité. Cela nous semble insuffisant. Sans laisser totalement en suspend ces questions, nous remarquerons que l'éventualité d'une atteinte à la dignité de la personne peut être contredite à la fois par la finalité de la recherche (intérêt général), par le nécessaire recueil du consentement du sujet préalablement à la recherche, et par un encadrement juridique de cette dernière centré sur la protection des sujets, et tout cela, a fortiori lorsque la personne se prête à une recherche dans un but curatif.

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Ainsi, la personne est au coeur de la recherche biomédicale qui elle-même peut être une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre de celui qui l'initie. La personne, qui ne participe pas nécessairement pour son propre intérêt à la recherche, est dans tous les cas un acteur principal de la recherche. C'est pour toutes ces raisons que nous aborderons la recherche biomédicale dans le cadre de notre Partie 1 : la variable « personne » est au coeur de l'encadrement de la recherche biomédicale.

Les dispositions juridiques encadrant la recherche biomédicale sont contenues dans les articles L. 1121-1 et s. du Code de la Santé Publique. Par ailleurs, la Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 est venue modifier substantiellement le régime encadrant la recherche impliquant les personnes notamment en élargissant la notion de « recherche biomédicale » par celle de « recherche impliquant la personne humaine ». Toutefois, la présente loi n'entrera en vigueur que dès la publication au Journal officiel de ses décrets d'application. Enfin, cette nouvelle loi ne remettant pas en cause la logique globale visant à trouver un compromis entre protection des personnes, morale et progrès scientifique, nous étudierons dans une première section le cadre général de la recherche biomédicale sur les personnes en montrant les limites qui sont apportées à la liberté d'entreprendre, puis nous présenterons les principaux aspects de la nouvelle réforme dans une seconde section.

Section 1. Le cadre général actuel de la recherche biomédicale : un compromis entre liberté d'entreprendre, progrès scientifique et protection du sujet

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Nous étudierons ici le cadre général de la recherche biomédicale et les limites qu'il apporte à la liberté d'entreprendre en adoptant une approche calquée sur la vie de l'activité de recherche en partant de son entreprise (I) jusqu'à sa fin (III), et en passant par son exercice (II).

I - Les conditions préalables à l'entreprise - limitée - de la recherche biomédicale

Avant d'entreprendre une recherche biomédicale, il faut d'abord que la démarche entre dans son champ d'application (A) dans le respect ensuite de certaines conditions (B). Nous souhaitons montrer à travers le présent contenu que ces conditions préalables à l'entreprise de la recherche biomédicale sont parsemées de limitations à la liberté d'entreprendre de la personne que le CSP nomme le promoteur ; nous reviendrons sur ce dernier.

A - La délimitation du champ d'application de la recherche biomédicale

Définir le champ d'application de la recherche biomédicale nécessite de se demander tout d'abord quel est son objet afin de la définir (1), et ensuite de se demander qui en sont les principaux acteurs (2).

1 - La définition de l'objet de la recherche biomédicale

Nous envisageons donc préalablement de nous demander ce que recouvre la notion de recherche biomédicale afin de délimiter son champ d'application Ainsi, l'article L. 11211 du CSP la définit comme la recherche organisée et pratiquée sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales. Nous avons donc un moyen principal (l'être humain) et une finalité (le progrès scientifique) dans la recherche biomédicale.

Plus particulièrement, il existe plusieurs catégories de recherches biomédicales. On peut citer par exemple celles portant sur un médicament ou celles portant sur un dispositif médical (art. R. 1121-1 CSP). Les premières sont entendues comme tout essai clinique d'un ou plusieurs médicaments visant à déterminer ou à confirmer leurs effets cliniques, pharmacologiques et les autres effets pharmacodynamiques ou à mettre en évidence tout effet indésirable, ou à en étudier l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination, dans le but de s'assurer de

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leur innocuité ou de leur efficacité. Globalement, ces recherches s'inscrivent dans le cadre de l'élaboration d'un médicament en vue de sa mise sur le marché. Quant aux recherches biomédicales portant sur un dispositif médical, elles sont entendues comme tout essai clinique ou investigation clinique d'un ou plusieurs dispositifs médicaux visant à déterminer ou à confirmer leurs performances ou à mettre en évidence leurs effets indésirables et à évaluer si ceux-ci constituent des risques au regard des performances assignées au dispositif.

L'objet de la recherche biomédicale est ainsi plutôt large puisqu'il va concerner les recherches portant atteinte au corps humain, même de manière superficielle, qu'il s'agisse par exemple de la prise d'un médicament, de l'application d'une substance (cosmétique, etc.), de données recueillies sous une astreinte particulière (régimes alimentaires, épreuves d'efforts, etc.) ou encore de l'insertion d'un implant.

En outre, certaines recherches sont exclues du champ d'application de l'article L. 1121-1 et non constituent donc pas des recherches biomédicales. Il s'agira globalement des recherches qui n'altèrent pas l'intégrité physique des personnes qui s'y soumettent ou ne comportent que des risques et contraintes négligeables.

Premièrement, il s'agira des recherches visant à évaluer des soins courant autres que celles portant sur les médicaments (articles L. 1121-1, 2° et R. 1121-2), lorsque tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle mais que des modalités particulières de surveillance sont prévues par un protocole obligatoirement soumis à l'avis du Comité de protection des personnes compétent. En pratique, ces recherches visent à évaluer des actes, combinaisons d'actes ou stratégies médicales de prévention, de diagnostic ou de traitement qui sont de pratique courante, c'est à dire qui ne sont pas innovants ou considérés comme obsolètes (art. R. 1121-3 CSP).

Deuxièmement, il s'agira des « recherches non interventionnelles » ou observationnelles (articles L. 1121-1, 1° et R. 1121-2), c'est à dire des recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle et sans aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance. En pratique dans ce cas, « des groupes de personnes sont soumis à observation pendant plusieurs années, sans qu'aucun geste médical ne soit pratiqué. »165

165 LEROYER A.-M., « Recherches sur la personne humaine - Autorisation - Protection - Examen caractéristiques génétiques », RTD Civ. 2012 p. 384

Ainsi, ce large champ d'application permettra d'appliquer à grand nombre de situations un régime protecteur pour les sujets et contraignant pour les acteurs de la recherche. En outre, nous venons de répondre à la question : « Quoi ? » ; il nous faut maintenant nous demander : « Qui ? ».

2 - La définition des principaux acteurs de la recherche biomédicale

Il existe principalement trois acteurs de la recherche biomédicale : le promoteur et l'investigateur décrits à l'art. L. 1121-1 du CSP (1) et le sujet impliqué dans la recherche (2).

a - Le promoteur et l'investigateur entreprenant et mettant en oeuvre la recherche

Promoteur. Obligatoirement établi dans l'Union européenne, le promoteur est la personne physique ou morale qui prend l'initiative de la recherche, qui en assure la gestion et le financement. En pratique, le promoteur pourra être un établissement public ou privé ayant une mission de soin (hôpital,...) ou un industriel (laboratoires pharmaceutiques,...).

C'est lui qui recueille l'avis du Comité compétent et l'autorisation de l'ANSM préalablement à toute entreprise de recherche ou en cas de modification substantielle de celle-ci. De surcroit, le promoteur est la personne responsable des éventuelles conséquences dommageables de la recherche biomédicale pour la personne qui s'y prête.

Ainsi, lorsqu'il est une personne privée, c'est lui qui est le bénéficiaire de la liberté d'entreprendre, qu'il met ici en oeuvre via l'entreprise de la recherche en tant que préalable au développement d'un produit, d'une technique, etc. qu'il valorisera économiquement par la suite (dépôt d'un brevet, commercialisation, etc.).

Investigateur. L'investigateur est la personne physique qui dirige et surveille la réalisation de la recherche sur un lieu. Il faut noter qu'en cas de pluralité des investigateurs, le promoteur devra désigner, parmi les investigateurs, un coordinateur. L'investigateur doit être un médecin justifiant d'une expérience appropriée. De plus, il doit se faire assister par des spécialistes dans certains domaines comme l'odontologie (médecine dentaire) ou la maïeutique (art de l'accouchement).

Parce qu'il agit pour le compte du promoteur, l'investigateur n'est donc pas un bénéficiaire de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini.

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En outre, la recherche biomédicale se réalise via une personne humaine ; qui est-elle ?

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b - Le sujet impliqué dans la recherche

Le sujet impliqué dans la recherche est en principe tout être humain consentant, qu'il s'agisse d'un volontaire « sain » ou d'un patient. Par exception, certaines personnes en situation de fragilité, de vulnérabilité ne pourront être impliquées dans la recherche que sous certaines conditions posées par les articles L. 1121-5 et s. du CSP.

Ainsi les femmes enceintes, les parturientes, les mères qui allaitent ou encore les personnes privées de liberté par une décision de justice et les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ne pourront être sollicitées pour se prêter à des recherches biomédicales que dans certaines conditions fondées notamment sur la balance bénéfice/risque.

De plus, les mineurs et les majeurs protégés ne peuvent être sollicités pour se prêter à des recherches biomédicales que si des recherches d'une efficacité comparable ne peuvent être effectuées sur une autre catégorie de la population et dans certaines conditions fondées sur la balance bénéfice/risque.

Enfin, l'article L. 1121-14 du CSP interdit les recherches biomédicales sur une personne décédée, en état de mort cérébrale, sans son consentement exprimé de son vivant ou par le témoignage de sa famille.

Ainsi, le sujet étant indispensable, l'exclusion de certaines personnes, bien que largement justifiée par la protection de la santé, limite toutefois les possibilités d'entreprendre une recherche.

Nous avons maintenant défini la recherche biomédicale et les acteurs qu'elle implique, mais qu'elles sont les conditions permettant de la mettre en oeuvre ? Il s'agit de répondre à la question : « Comment ? ».

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo