WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

( Télécharger le fichier original )
par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1. L'interdiction de commercialisation fondée sur la dangerosité du bien pour la santé ou sur sa provenance d'un corps humain

L'interdiction de commercialisation d'un bien renvoi à première vue à celle des choses hors du commerce juridique, c'est-à-dire, selon le Code civil, à des choses qui ne peuvent pas faire l'objet d'une convention (article 1128), être vendues (article 1598), prêtées (article 1878), et dont la propriété ne peut s'acquérir par prescription (article 2226).

Toutefois, M. LOISEAU précise sur la typologie des choses hors du commerce qu' « une chose peut être écartée des opérations proprement commerciales sans échapper nécessairement à toute circulation juridique. »181 C'est ainsi que l'auteur précité opère une distinction entre les choses hors du commerce juridique et les choses hors du marché. Selon lui, cette distinction « se déduit du sens donné au mot commercium, qui ne désigne pas seulement les opérations commerciales stricto sensu mais vise le commerce juridique lato sensu, c'est-à-dire l'ensemble des actes juridiques dont une chose peut être l'objet. »182 L'auteur en tire comme conclusion que « si une chose hors du commerce est nécessairement hors du marché, à l'inverse une chose hors du marché n'est pas forcément hors du commerce si elle peut faire l'objet de conventions à titre gratuit »183.

Nous reprendrons dans nos développements cette distinction en nous intéressant d'une part aux biens mis hors du commerce juridique au nom de la protection de la santé (I) et, d'autre part, aux biens qui, s'ils ne peuvent eux aussi être commercialisables, ne sont pas totalement indisponibles ; ils sont alors hors du marché au nom de la protection de la santé (II).

104

181 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47

182 Ibidem.

183 Ibid.

105

I - La mise hors du commerce juridique des choses substantiellement caractérisées par leur dangerosité pour la sécurité et la santé des personnes

Nous allons traiter ici des produits présentant un danger pour la sécurité ou la santé des personnes et notamment des consommateurs. Il nous faudra ainsi souvent combiner le Code de la santé publique et le Code de la consommation. Nous allons nous interroger tout d'abord sur les principaux fondements des interdictions des produits dangereux (A), puis nous établirons un inventaire illustratif d'interdictions des produits dangereux fondées sur la protection de la santé (B).

A - Les principaux fondements de la mise hors du commerce des produits dangereux

Avant d'évoquer les principaux fondements des décisions administratives d'interdiction de choses dangereuses (3) et l'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel (2), nous traiterons en avants propos du cas particulier des produits falsifiés (1).

1 - La falsification d'un produit comme source de dangerosité du bien

Concernant le droit de la consommation, il faut évoquer en avant-propos le cas particulier de l'interdiction des produits falsifiés. En fait, le Code de la consommation interdit dans ses articles L. 213-3 et s. la falsification des denrées alimentaires (destinées à l'homme ou à l'animal), des boissons (alcoolisées ou non) et des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus ainsi que leur exposition ou leur mise en vente ou leur détention. De même les articles précités interdisent les « produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification » ainsi que leur commercialisation. Enfin, ces articles ajoutent que « Si la substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l'homme ou de l'animal, l'emprisonnement sera de quatre ans et l'amende de 75 000 euros. » On voit très bien ici, qu'avec la protection du consommateur, la protection de la santé vient servir de base à ces dispositions.

Quels sont les éléments constitutifs de cette infraction ? Au niveau matériel, la falsification consiste en la fabrication d'un produit dans des conditions non conformes à la réglementation en vigueur. Au niveau de l'élément moral, l'auteur doit avoir eu connaissance de la falsification du produit, qui doit être destiné à la vente. Ainsi le consommateur altère lui-même le produit en vue de le consommer, il n'est pas concerné par ces dispositions.

106

On notera enfin que des dispositions spécifiques encadrent l'interdiction de la falsification de médicament à usage humain.184

A titre d'illustration, la Cour de cassation a pu condamner sur ce fondement la falsification d'un vin d'appellation d'origine contrôlée qui avait été enrichis par du sucre afin d'augmenter son titre alcoométrique, en violation de la réglementation applicable à ce vin pour la récolte incriminée.185 La même solution a été donnée quant à l'incorporation de douelles ou de copeaux de chêne dans les cuves pour donner au vin en question un goût boisé.186

In fine, si les produits falsifiés sont effectivement des biens interdits de commercialisation, il n'est pas évident qu'ils appartiennent en soi à la catégorie des biens hors commerce. En effet, c'est d'avantage les conditions et méthodes de fabrication du bien qui constituent l'élément déclencheur et non la nature du bien en soi. Il n'en demeure pas moins qu'étant interdits de commercialisation notamment pour des motifs de santé publique, les produits falsifiés ont toutes leur place dans notre développement sur les produits dangereux si tant est que nous n'en traitons qu'en avant-propos et non au coeur de notre développement pour les raisons que nous venons d'évoquer.

2 - L'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel

Premièrement, l'article L. 221-1 du code de la consommation dispose que « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. ». Cet article pose ainsi une obligation générale de sécurité attendue du professionnel et il s'agira d'un régime de responsabilité sans faute. Si la lettre de la loi n'évoque pas en soi une interdiction de commercialisation de produits dangereux, son application amène au même résultat. On peut retrouver d'ailleurs l'esprit de cette loi dans l'article 1er (abrogé) de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services

184 Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments

185 Crim. 17 déc. 1997: Bull. crim. no 433; RTD com. 1998. 698, obs. Bouloc

186 Crim. 6 févr. 2001: Bull. crim. no 37; JCP 2001. IV. 1661; Dr. pénal 2001. Comm. 37, obs. J.-H. Robert.

107

qui dispose : « Les produits, objets ou appareils dont une ou plusieurs caractéristiques présentent, dans des conditions normales d'utilisation, un danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs sont interdits ou réglementés dans les conditions fixées ci-après. »

A titre d'illustration, la jurisprudence a considéré comme responsable sans faute un laboratoire fabriquant le médicament Distilbène (défectueux en l'espèce) qui, inhalé par une femme enceinte, a provoqué l'apparition d'une tumeur cancéreuse chez l'enfant exposé in utero.187

3 - Le pouvoir d'interdiction de commercialisation de l'administration

Code de la consommation. Tout d'abord, l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit en effet la possibilité d'interdire, par décret en Conseil d'Etat, la fabrication, la vente, l'offre à titre gratuit, etc. de produits qui sui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes.

Code du travail. De même, évoquons l'article L. 231-7 du code du travail qui dispose que « Dans l'intérêt de l'hygiène et de la sécurité du travail, peuvent être limitées, réglementées ou interdites la fabrication, la mise en vente, la vente, l'importation, la cession à quelque titre que ce soit ainsi que l'emploi des substances et préparations dangereuses pour les travailleurs. »

Code de la santé publique. Enfin, les dispositions d'interdiction contenues dans le code de la santé publique sont assez diverses et on peut noter par exemple l'article L. 5132-8 qui soumet la commercialisation et la détention des plantes, substances ou préparations classées comme vénéneuses à des conditions définies par décrets en Conseil d'Etat (les articles R. 5132-84, R. 5132-87 rendent possible une interdiction de ces produits par arrêté du ministre chargé de la santé).

Dès à présent, nous allons dresser un inventaire non exhaustif d'illustrations de choses qui sont interdites au nom de la protection de la santé publique.

187 TGI Nanterre, 24 mai 2002: D. 2002. IR 1885; RTD civ. 2002. 527, obs. Jourdain

108

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery