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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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B - Inventaire indicatif des produits dangereux mis hors du commerce

Nous opérerons une division entre les choses non consomptibles (1) et les choses consomptibles (2) afin de faciliter la lecture de cet inventaire. Au-delà de cette facilité, la distinction peut présenter un intérêt dans la mesure où les produits consomptibles présentent généralement la particularité de pouvoir être source de dépendance. En effet, le danger se présente souvent à partir d'une certaine fréquence de consommation des produits en question. Du côté des choses non consomptibles, l'attitude de l'individu dans l'utilisation du bien influe moins sur sa dangerosité.

1 - Les produits dangereux non consomptibles : une dangerosité dans des conditions normales d'utilisation

Textile et vêtements. Un décret du 24 septembre 1990 interdit « la fabrication, l'importation, l'exportation, la détention en vue de la vente, la vente et la distribution à titre gratuit de textiles ou de vêtements traités à l'oxyde de triaziridinylphosphine ou au polybromobiphényle. » Au contact de la peau, les vêtements traités ainsi présentent un danger pour la santé des personnes quelle que soit leur attitude face à ces biens, leur interdiction est donc absolue.

Protection de la santé des nourrissons et des enfants. Le code de la santé publique, dans ses articles L. 5231-1 et s., interdit la fabrication et la distribution de jouets ou d'amusettes, contenant les substances vénéneuses ou dangereuses, des biberons à tube, des tétines et sucettes ne répondant pas aux conditions établies par un décret en Conseil d'État.

De plus, sans interdire la vente ou l'utilisation de téléphones mobiles aux enfants de moins de quatorze ans (ce qui serait difficilement mis en oeuvre), l'article L. 5231-3 interdit toute publicité ayant pour but de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans.

Enfin, l'article L. 5231-4 confère au ministre de la santé le droit d'interdire par arrêté la distribution d'objets contenant un équipement radioélectrique dont l'usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans afin de limiter l'exposition excessive des enfants.

La fragilité des nourrissons et des enfants et le faible degré de responsabilité (au sens courant du terme, non juridique) que l'on peut leur imputé dans leurs attitudes font que, dans des conditions normales d'utilisation par des nourrissons et des enfants, ces biens présentent un danger, sans que l'on puisse l'imputer substantielle à leur attitude face auxdits biens.

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2 - Les produits dangereux consomptibles : une dangerosité dans l'excès de consommation

Boissons interdites. Premièrement, l'art. L. 3322-3 CSP interdit en France, sauf en vue de l'exportation à l'étranger, la fabrication, la détention et la commercialisation ou l'offre à titre gratuit des boissons apéritives à base de vin titrant plus de 18 degrés d'alcool acquis, des spiritueux anisés titrant plus de 45 degrés d'alcool et des bitters, amers, goudrons, gentianes et tous produits similaires d'une teneur en sucre inférieure à 200 grammes par litre et titrant plus de 30 degrés d'alcool.

Deuxièmement, interdites initialement par la loi du 16 mars 1915188, la fabrication et la vente d'absinthe et des liqueurs similaires (dont les caractères sont déterminés par décret) sont aujourd'hui prohibées par l'article 347 du code général des impôts, reproduit par l'art. L. 3322-4 CSP. Ainsi, le Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988189, modifié par le Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010190, nous donne une définition des liqueurs similaires à l'absinthe, il s'agit des « boissons alcoolisées produites à partir des espèces d'Artemisia présentant une quantité de thuyone supérieure à 35 mg / kg. » C'est ainsi qu'en deçà de ces seuils, des liqueurs similaires à l'absinthe pourront être fabriquées en France ou importées. Par ailleurs, lors de la session plénière du 13 mars 2013, le Parlement européen a rejeté une première tentative de définition européenne de l'absinthe (la Commission européenne devrait prochainement présenter une nouvelle proposition de définition).

Enfin, évoquons le cas intéressant d'une boisson (non alcoolisée) dénommée « Security Feel Better » mise sur le marché depuis 1996 (proposée dans la grande distribution depuis 2005) et présenté par le fabriquant au public comme ayant pour effet diminuer instantanément le degré d'imprégnation alcoolique, créant un sentiment erroné de sécurité au volant. Par un arrêté du 24 février 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, pour une durée d'un an, suspendu la mise sur le marché et ordonné le retrait de ladite boisson en ce qu'elle induirait chez le consommateur « des comportements dangereux et des risques pour la santé :

188 Loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires

189 Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

190 Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010 modifiant le décret n° 88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

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incertitude du taux réel d'alcool, sentiment de fausse sécurité, incitation à la consommation d'alcool avant la conduite qui va à l'encontre de la politique de prévention de la sécurité routière actuellement menée ; »191 Mais le Conseil d'Etat192 a jugé que, si le produit en question présentait un danger grave et immédiat en matière de santé, l'arrêté constitue une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que présentent sa commercialisation. Le Conseil d'Etat fonde son raisonnement sur le fait que le produit, « compte tenu de sa composition, n'est pas par lui-même dangereux » mais que c'est la présentation faite au public qui pouvait constituer un danger, et qu'ainsi, permettait la prise de mesures proportionnées tel qu'imposer la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi à la charge du fabriquant. Ce qui est intéressant dans ce cas c'est que ce n'est pas la nature du produit qui présente un danger pour la santé mais ses conditions d'utilisation et en d'autres termes, les raisons pour lesquelles et le contexte dans lequel ce produit est consommé. Ainsi, si l'atteinte à la liberté d'entreprendre a en l'espèce été considérée par le juge comme excessive au regard de l'objectif de protection de la santé, des atteintes proportionnées auraient pu être envisagées. Cela démontre que le champ des mesures restrictives à la liberté d'entreprendre prises en application de la protection de la santé sur des biens est étendu de la nature dangereuse du bien à ses conditions d'utilisation, en l'absence même de toute nature dangereuse du bien. C'est ainsi, sous l'influence de la présentation des effets du produit par le fabriquant, c'est le consommateur qui fait la dangerosité du produit pour la santé et non l'inverse.

Certains produits du tabac à usage oral. L'art. L. 3511-2 du CSP interdit la fabrication, la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit des produits destinés à usage oral (à l'exception de ceux qui sont destinés à être fumés ou chiqués) constitués totalement ou partiellement de tabac, sous forme de poudre, de particules fines ou toutes combinaisons de ces formes, notamment ceux qui sont présentés en sachets-portions ou en sachets poreux, ou sous une forme évoquant une denrée comestible.

Les produits dits « poppers ». Le cas des produits dits poppers est intéressant, notamment au regard du contentieux dont leur interdiction a pu faire objet. Tout d'abord, définissons ce qu'est un produit dit « poppers ». Un auteur nous dit que « Poppers » est la désignation

191 Arrêté du 24 février 2006 portant suspension de la mise sur le marché de la boisson « Security Feel Better »

192 CE, 7 février 2007, décision n° 292615

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courante d'un liquide vendu en flacons dans les sex-shops, boîtes de nuit et sur internet, sous diverses dénominations et qualifications, dont les utilisateurs inhalent par le nez l'effluve aux vertus euphorisantes (usage en discothèque et rave party) et aphrodisiaques. »193 De plus, le même auteur nous explique que « le poppers peut provoquer nausées, vomissements, hypotension, tachycardie, irritations, convulsions ou encore troubles sanguins sérieux. Associé à l'alcool, des médicaments, d'autres stimulants sexuels ou des drogues, le poppers a pu provoquer des comas, voire des décès. Dans certaines discothèques, le poppers serait diffusé à l'insu des clients en guise de désodorisant. »194

Quel est le droit applicable en matière de fabrication et de commercialisation du poppers ? Tout d'abord, l'auteur précité nous informe qu'un décret du 26 mars 1990 avait interdit les poppers à base de certaines composantes, en somme, il s'agissait d'une interdiction relative de fabrication et commercialisation. C'est ainsi que les fabricants de poppers ont continué à commercialiser ce produit sous d'autres formes et avec d'autres composantes, respectant ainsi le décret précité.

Ensuite, un décret du 20 novembre 2007195 pris notamment en application de l'article L. 2213 du code de la consommation est venu modifier le décret de 1990 et interdire les produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques (poppers). Il faut noter que l'article L. 221-3 précité dispose que des décrets en Conseil d'Etat « fixent, en tant que de besoin, par produits ou catégories de produits, les conditions dans lesquelles la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la vente, la distribution à titre gratuit, la détention, l'étiquetage, le conditionnement, la circulation des produits ou le mode d'utilisation de ces produits sont interdits ou réglementés ; ». Toutefois, le Conseil d'Etat196 est venu annuler de décret en considérant que s'il était établit que le poppers présentait un risque sanitaire grave, son interdiction était « excessive et disproportionnée eu égard au risque » qui n'était établit qu'en cas « d'usages anormaux », à savoir haute dose ou en association avec d'autres produits. Cette fois-ci la liberté d'entreprendre a prévalu sur la police de la sécurité des consommateurs et sur la protection de leur santé.

193 MARKUS J.-P., « Police de la sécurité des consommateurs : l'interdiction des produits dits « poppers » est illégale », AJDA 2009 p. 1668

194 Ibidem.

195 Décret n°2007-1636 du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques, hétérocycliques ou leurs isomères destinés au consommateur et ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché.

196 CE, 15 mai 2009, décision n° 312449

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Enfin, en réponse à cette décision juridictionnelle, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par arrêté du 29 juin 2011197, revient à la charge et interdit encore une fois le poppers. Cette fois-ci, le texte est fondé sur le code de la santé publique et notamment sur l'article L. 5132-8 que nous avons évoqué précédemment. A ce jour, le poppers demeure interdit en France.

Stupéfiants. Les stupéfiants font partie de la catégorie des substances vénéneuses et sont encadrés par le code de la santé publique dans ses articles L. 5132-7, L. 5132-8, L. 3421-1 et L. 3421-4. Ainsi l'article L. 342-1 dispose que « L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende. » Toutefois, les dispositions principales encadrant l'interdiction des stupéfiants sont contenues dans le code pénal. Ainsi les articles 222-34 et s. du code précité disposent que sont interdites l'importation, l'exportation, la production, la fabrication, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi illicites de stupéfiants, même en vue de la consommation personnelle d'une personne.

Le terme illicite est très important car il est possible de se procurer légalement des stupéfiants pour des raisons médicales. A ce propos, l'article R5132-29 CSP interdit la prescription et la délivrance « des substances classées comme stupéfiants lorsqu'elles ne sont pas contenues dans une spécialité pharmaceutique ou une préparation. » Mais, afin d'éviter toute dérive, l'article 222-37 al. 2 du code pénal interdit le fait de faciliter « l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant. » Ainsi les stupéfiants sont des choses dangereuses généralement hors commerce mais dans certains cas à commercialité limitée.

Moins restrictive que la mise hors du commerce juridique, la mise hors du marché a pu être décidée au nom de la protection de la santé pour certaines choses. Il s'agit notamment des éléments et produits du corps humain.

197 Arrêté du 29 juin 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery