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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

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par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

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B - L'exploitation économique du médicament après obtention de l'autorisation de mise sur le marché : un encadrement exigeant

Classiquement, le schéma de commercialisation d`un médicament est le suivant : le fabricant vend son produit à un grossiste répartiteur qui approvisionne les pharmacies d'officine. Les pharmacies à usage intérieur (hôpitaux, cliniques, maisons de santé, etc.) sont quant à elles directement approvisionnées par les laboratoires pharmaceutiques.249

Tout d'abord, nous verrons comment, au nom de la protection de la santé, les conditions de commercialisation des médicaments sont encadrées (1). Ensuite, nous verrons que les brevets conférant un monopole d'exploitation du médicament peuvent, dans certains cas, être remis en cause au nom de la protection de la santé (2).

1 - Les conditions de commercialisation des médicaments à usage humain

Autorisation de fabrication et d'importation. Les articles 40 et s. contenus dans le Titre IV de la Directive 2001/83/CE prévoient que la fabrication d'un médicament soit soumise à la délivrance par les États membres d'une autorisation préalable, même s'il est fabriqué en vue d'une exportation. Cette autorisation est également requise pour les importations de médicaments en provenance de pays tiers dans un État membre.

Etiquetage et notice. Les articles 54 et s. contenus dans le Titre V de la Directive 2001/83 précitée imposent la mention de spécifications précises sur l'emballage extérieur du médicament ou, à défaut, sur son conditionnement primaire. On trouve par exemple la composition qualitative et quantitative en substances actives, le mode d'administration, la date de péremption, les précautions particulières de conservation, d'élimination des médicaments non utilisés et des déchets. Concernant la notice, elle doit comporter un certain nombre d'informations comme les indications thérapeutiques, les instructions habituelles et nécessaires pour une bonne utilisation, une description des effets indésirables observés lors de l'utilisation normale du médicament ou encore les informations nécessaires avant la prise du médicament.

Ces contraintes, de bon sens, obligent les acteurs économiques à se conformer à des normes restreignant leur liberté de définir les modalités de vente des biens qu'ils commercialisent.

249 « Comment s'organise la distribution des médicaments ? », www.leem.org

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Classification des médicaments. Les articles 70 et s. contenus dans le Titre VI de la directive précitée imposent aux autorités compétentes des Etats membres, lorsqu'elles délivrent une AMM, de préciser si le médicament est soumis ou non à une prescription médicale. De même, la directive prévoit les cas où un médicament doit être soumis à prescription médicale. C'est le cas par exemple lorsqu'ils sont susceptibles de présenter un danger s'ils sont utilisés sans surveillance médicale.

On voit bien que ces obligations limitent la commercialisation de certains médicaments à la délivrance d'une prescription médicale. Aussi, on peut noter que ces mesures remettent en cause l'autonomie du patient qui, pour sa sécurité, ne peut se procurer librement tous les médicaments qu'il souhaite. On peut aussi analyser ces contraintes sous l'angle de la lutte contre les dépendances qui peuvent résulter de la prise de certains médicaments comme par exemple le Lexomil fabriqué par le Laboratoire Roche250.

Distribution en gros. Les articles 76 et s. contenus dans le Titre VII de la directive précitée imposent aux Etats membres de soumettre la distribution en gros des médicaments à la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments, sauf dans les cas où le producteur possède déjà une autorisation de fabrication pour les médicaments concernés. En revanche, la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments ne dispense pas de l'obligation de posséder une autorisation de fabrication. La directive prévoit des exigences que doit satisfaire le titulaire de l'autorisation de distribution en gros. Il s'agira notamment de rendre les locaux accessibles aux agents chargés de leur inspection, de vérifier que les médicaments reçus n'ont pas été falsifiés ou encore de posséder un plan d'urgence qui permet le retrait d'un médicament.

Publicité. Les articles 86 et s. contenus dans le Titre VIII du règlement précité encadrent les règles de publicité des médicaments. La publicité est définie par le règlement comme « toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments; ». A titre d'exemple de limite à la liberté d'entreprendre, le règlement impose aux Etats membres d'interdire la publicité auprès du public à l'égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur

250 Notice Lexomil Roche Comprimé-baguette, Mises en garde spéciales : « Risque de DEPENDANCE: ce traitement peut entraîner, surtout en cas d'utilisation prolongée, un état de dépendance physique et psychique. », http://www.roche.fr/content/dam/corporate/roche fr/doc/Lexomil10138443MAJ24-04-12.pdf

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prescription médicale, ou qui contiennent des psychotropes ou des stupéfiants. De même, il est interdit d'inclure dans la publicité auprès du public des éléments qui utilisent de manière abusive, effrayante ou trompeuse des représentations visuelles des altérations du corps humain dues à des maladies ou à l'action d'un médicament dans le corps humain ou encore d'éléments qui s'adressent principalement ou exclusivement aux enfants.

Voyons dès à présent, des situations dans lesquelles un monopole d'exploitation conféré par un brevet peut être remis en cause au nom de la protection de la santé.

2 - Les limitations du monopole d'exploitation d'un médicament conféré par un brevet

L'obtention d'un brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation économique d'un médicament opposable aux tiers. Le Code de la propriété intellectuelle (CPI), au nom de la protection de la santé vient apporter quelques tempéraments à ce monopole. Nous allons dans ce développement évoquer certains de ces tempéraments, qui portent indéniablement atteinte à la liberté d'entreprendre dont le brevet constitue une de ses nombreuses mises en oeuvre.

Limites du champ d'application des droits conférés par le brevet. L'article L. 613-5 du CPI dispose que les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas, notamment, à la préparation de médicaments faite extemporanément251 et par unité dans les officines de pharmacie, sur ordonnance médicale, ainsi qu'aux actes concernant les médicaments ainsi préparés. Il est vrai que si le brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation, l'atteinte à sa liberté d'exploitation est ici infime. Mais il faut reconnaitre, qu'aussi infime soit-elle, elle n'est ici rendue possible que par l'objectif de protection de la santé.

Régime de la licence d'office. Non définie par le CPI, on peut trouver une définition intéressante de la licence d'office dans quelques projets de loi252 : « Les licences d'office sont des actes de la puissance publique : elles permettent de mettre sous licence accordée par l'Etat l'exploitation de brevets lorsque l'intérêt de la défense nationale, l'intérêt de l'économie

251 Extemporané : « Se dit d'un médicament qui doit être préparé juste avant son emploi, ou d'une biopsie faite et examinée histologiquement pendant le déroulement d'une intervention chirurgicale. », Larousse.fr

252 Voir en ce sens le Projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques, présenté au Sénat en session ordinaire de 2001-2002 en annexe du procès-verbal de la séance du 6 novembre 2001, http://www.senat.fr/leg/pjl01-055.html

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nationale ou l'intérêt de la santé publique le justifient. ». Mme SCHMIDT-SZALEWSK nous décrira cette démarche : « En un premier temps, l'autorité publique constate que les conditions légales sont réunies pour soustraire au breveté la faculté exclusive d'accorder une licence d'exploitation de son titre. En un second temps, elle examine les demandes particulières qui lui sont présentées par les candidats à la licence autoritaire. »253

L'article L. 613-16 du CPI dispose que « Si l'intérêt de la santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet délivré pour (...) un médicament, un dispositif médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe; (...). »

L'article précisera ensuite que les brevets de ces médicaments ne peuvent être soumis au régime de la licence d'office dans l'intérêt de la santé publique que lorsque ces médicaments « sont mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive. Lorsque la licence a pour but de remédier à une pratique déclarée anticoncurrentielle ou en cas d'urgence, le ministre chargé de la propriété industrielle n'est pas tenu de rechercher un accord amiable. »

Si ces dispositions portent une atteinte considérable au monopole d'exploitation conféré par un brevet et à la liberté d'entreprendre, « Le recours à ces dispositions, et plus encore son succès, est extrêmement rare. Il s'agit de dispositions «couperet» qui ont une vocation essentiellement dissuasive. »254

Après ce paysage général des atteintes à la liberté d'entreprendre contenues dans les règles encadrant la commercialisation des médicaments à usage humain, nous allons dès à présent évoquer le cas des produits cosmétiques.

253 SCHMIDT-SZALEWSK J., « Brevet d'invention », Répertoire de droit commercial, Dalloz, avril 2003 (MAJ janvier 2013).

254 Code de la propriété intellectuelle commenté, commentaire des articles L. 613-16 à L. 613-19-1, Dalloz.fr

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote