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Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus: le cas des prisons de Dschang et de Mantoum, période 1960- 1992

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par Guy Roger Voufo
Université de Dschang Cameroun - Master II en histoire 2009
  

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2. Le personnel médical

C'est un acteur clé de la prison, car de l'efficacité de son travail dépendent la vie ou la mort des détenus. Chaque prison doit avoir à sa disposition un personnel médical en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la population carcérale. Il s'agit donc pour le médecin de la prison de "surveiller la santé physique et mentale des détenus"14.

La prison de Dschang depuis 1960 a toujours eu un personnel médical insuffisant, et de surcroît pas du tout qualifié pour un suivi médical rassurant des détenus malades. Mais ce personnel s'occupait à sa manière des détenus malades15. Les propos suivants de Gabriel Tsafack, ancien pensionnaire au cours de la décennie 1960 en sont évocateurs :

10 Ce sont des personnes retenues pour "faits de subversion", donc faute de charges suffisantes justifiant une procédure judiciaire. De nombreux camerounais étaient assignés à résidence surveillée dans des CRC-Mantoum, Tcholliré et autres - au cours de la décennie 1960.

11 Ibrahim Njoya, 48 ans, Mantoum, 17.08.2009

12 Ibid

13 Ngbayou, "Le centre de...", 2004-2005, p.29.

14 Règle 25 alinéa 1 de l'ERMTD.

15 Entretien avec Jean Pierre Kenfack, 67 ans, ex-détenu, Fongo-Tongo, 20.12.2009.

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Il faut comprendre qu'il y a la prison en prison. On m'avait arrêté parce qu'on disait que j'étais un maquisard et étais parmi ceux qui refusaient de respecter les lois du gouvernement d'Ahidjo. J'étais blessé au pied et ma blessure s'infectait. Nous étions nombreux et l'aide-soignant de la prison recevait plus de cinquante personnes pour panser les blessures. Fatigué le plus souvent, il versait juste une petite quantité de mercurochrome et passait au suivant. Nous étions comme des animaux dans des enclos. Pourtant si la prison avait deux ou trois infirmiers beaucoup de camarades allaient être sauvés de cet enfer.16

On comprend dès lors que le personnel médical de l'infirmerie de la prison de Dschang a toujours été insuffisant par rapport à l'effectif de la population carcérale. Pour Isaac Piedjo, le déficit en matière de couverture sanitaire s'explique par des contraintes budgétaires. Une telle situation est appelée à se généraliser à toutes les prisons du territoire et perdure encore17. De toute façon, il est évident qu'un tel effectif ne saurait assurer un meilleur encadrement sanitaire à l'ensemble de la population carcérale, car la priorité étant en grande partie accordée aux prisons de grande importance depuis près de quatre décennies18.

A l'opposé, la prison de Mantoum de l'époque du C.R.C était placée sous la tutelle de la présidence de la République19 et bénéficiait à cet effet de la plus grande attention du régime. Bien que l'infirmerie manquait de personnel qualifié, "ce n'est pas n'importe qui y assumait les fonctions de l'infirmier : il fallait être à l'origine un homme discret et réservé, avoir une formation d'infirmier breveté complétée par un stage au CNFRAP20 de Buéa"21. Cette

16 Entretien avec Gabriel Tsafack, 89 ans, ex-détenu, Foréké, 19.12.2009.

17 Isaac Piedjo, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang, 06.09.2009.

18 Ibid.

19 Ngbayou, "Le centre de...", 2004-2005, p.64.

20 Signifie Centre National de Formation et Recyclage pour le personnel d'Encadrement de l'Administration pénitentiaire. Crée par décret n°73/307 du 21.06.1973, il a pour vocation de former le personnel de l'administration pénitentiaire. Il a été remplacé par l'ENAP (Ecole Nationale de l'Administration Pénitentiaire) créée par décret présidentiel du 03 Avril 1992.

21 Mama Ndam, 67 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Mantoum, 25.08.2009.

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vision ne cadre pas toujours avec la réalité, car le plus souvent, l'infirmier était un détenu qui avait des connaissances rudimentaires en soins primaires et que la routine rendait apte à offrir des soins à ses camarades co-détenus22. De toutes les manières, après 1975, c'est un gardien de prison spécialisé en soins infirmiers qui tient l'infirmerie de la prison de Mantoum. Mais le contexte socio-économique de la décennie 1980 lié à la récession économique a provoqué une dégradation de la situation sanitaire au Cameroun et l'Etat est devenu incapable de soutenir les charges sociales. Les prisons en ont pris un sérieux coup et le pénitencier de Mantoum n'y échappe pas, car le personnel médical vieillissant allait à la retraite sans remplacement23. Bref, le personnel médical bien qu'existant est insuffisant pour offrir des soins adéquats à toute la population carcérale. Malgré cet état de choses, l'infirmerie de la prison de Dschang tout comme celle de Mantoum disposent d'un matériel en soins infirmiers pour les besoins sanitaires des détenus.

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