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Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus: le cas des prisons de Dschang et de Mantoum, période 1960- 1992

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par Guy Roger Voufo
Université de Dschang Cameroun - Master II en histoire 2009
  

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B. Les autres services du pénitencier

Le quartier des hommes comme celui des femmes donne sur la grande cour intérieure du pénitencier. Il faut également noter que du coté du quartier des hommes se trouve un bureau de discipline qui s'occupe du respect du règlement intérieur du centre. Après la traversée de la grande cour, l'on se trouve en face d'une infirmerie dotée d'un réfrigérateur, d'un bureau de l'infirmier et d'une salle d'hospitalisation avec de nombreux lits métalliques. Cet arsenal, à n'en pointe douter, montre que le camp de Mantoum est un véritable centre de concentration taxé par certains de "Ministère de rééducation nationale"71. L'infirmerie de la prison de Mantoum est étudiée en détail au chapitre 3 du présent travail.

Le Centre de Rééducation Civique de Mantoum va ainsi exister jusqu'en 1975, année de sa transformation en prison de production en respect des nouvelles dispositions du décret de 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Cette mutation est consécutive à la disparition des activités terroristes de treize ans après l'indépendance dans plusieurs localités du pays72. Que ce soit dans la Sanaga-Maritime, dans la Région Bamiléké et dans des zones soumises à l'état d'urgence, on note une baisse considérable de l'insécurité prouvant que le régime d'Ahidjo avait anéanti, le plus souvent par des méthodes peu orthodoxes, les dernières poches de rébellion qui essaimaient sur tout le pays. Sur un autre plan, le besoin en infrastructures carcérales se faisait sentir de plus en plus. Ces raisons ont sans doute poussé le régime Ahidjo à changer son fusil d'épaule en mettant un terme à l'existence du CRC de

71 Félix Ebolé Bola "Mantoum : Le Ministère de la rééducation nationale", Les Cahiers de Mutations, N°025, octobre 2004, p.4.

72 Il s'agit des insurgés comme Yetna Leba dans l'arrondissement de Ndom et Ngambé, de Makandepouthe dans la Sanaga Maritime. Dans cette rubrique, entrent le chef Baham Pierre Kamdem Ninyim et surtout Ernest Ouandié, exécuté sur la place publique à Bafoussam le 13 Janvier 1971.

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Mantoum qui désormais reçoit les prévenus et détenus de droit commun : c'est l'avènement de la prison de production de Mantoum.

C. La prison de production de Mantoum (1975-1992)

L'avènement de la prison de production de Mantoum s'inscrit dans le contexte de la baisse considérable du degré de l'insécurité dans plusieurs localités du Cameroun autour des années 1970. Selon Martin Messing," c'est la permanence de l'insécurité qui a retardé pendant un temps assez long la réalisation d'une réforme pénitentiaire au Cameroun post-indépendant"73. Ainsi, le calme et la sécurité retrouvés, le gouvernement camerounais va s'engager dans la voie du changement en réalisant sa toute première reforme pénitentiaire le 11 décembre 1973. Ce texte édicte désormais les principes et les actions devant gouverner l'exécution des sentences privatives de liberté en matière pénitentiaire au Cameroun. Bien avant cette reforme, les bases légales du régime pénitentiaire au Cameroun étaient constituées par l'arrêté du 08 Juillet 1933. Le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 viendra donc systématiser l'institution pénitentiaire au Cameroun et au terme des dispositions dudit décret, on distingue quatre catégories de prisons parmi lesquelles les prisons de production. Alors que ces types de prisons fonctionnent sur l'ensemble du triangle national dès 1973, il faut attendre 1975 pour que la prison de production de Mantoum soit créée, ceci à la faveur de l'arrêté n°287 du 17 décembre 1975 du Ministre de l'Administration Territoriale, le Sieur Victor Ayissi Mvondo74.

La prison de production de Mantoum dans son ensemble hérite des infrastructures du fameux CRC de Mantoum. Elle abrite désormais les détenus de droit commun et les récalcitrants venant d'autres pénitenciers du pays. Les pensionnaires doivent participer par leur travail, à l'effort national du développement. Dans cette optique, la prison dispose d'un champ

73 Martin Messing, 70 ans, employé de bureau à la retraite, Yaoundé, 21.04.2010.

74 JORUC n°161 du 1er Février 1976, p80.

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communautaire qui permet de pallier aux difficultés de ravitaillement en vivres et d'autres nécessités importantes.

Afin de veiller à son fonctionnement, la prison de production de Mantoum est dirigée par un régisseur. Son tout premier régisseur, Monsieur Agiam Vizenigho Ivo Engelbert, intendant des prisons, l'administre du 27 septembre 1976 au 24 octobre 197775. Après lui, six autres régisseurs suivront et ce jusqu'en 1992, année de la réalisation de la deuxième reforme pénitentiaire du Cameroun qui fait de la prison de production de Mantoum une prison principale avec pour premier régisseur le sieur Gabriel Tchameni arrivé le 16 juillet 199276. Parallèlement, de nouveaux bureaux permettant la gestion quotidienne du pénitencier sont crées et concernent aussi toutes les prisons principales du pays. Ainsi au terme de l'article 14 du titre premier, chapitre deuxième, section 3 du décret n°92/052 du 27 mars 1992, les prisons principales disposent de quatre bureaux qui sont :

- Le bureau de la discipline ;

- Le bureau de l'action sociale, des activités culturelles et éducatives ; - Le bureau des affaires administratives, du personnel et du greffe ; - Le bureau des affaires financières.

Au terme de ce chapitre, nous sommes en droit de dire que les prisons de Dschang et de Mantoum ont connu des destins très différents même si l'objectif final de leur création était l'incarcération des déviants sociaux. Créé sous le régime colonial allemand, le pénitencier de Dschang n'a pas connu de réels changements sous l'ère coloniale française. En effet, les Français qui prennent en main le Cameroun au lendemain de la Première Guerre mondiale ne procèdent pas à la construction de nouvelles prisons. Ils s'approprient plutôt les anciennes structures allemandes. Le milieu carcéral ne déroge pas à cette règle car "pour une grande majorité d'entre elles et surtout les plus importantes, les

75 Tableau synoptique des dirigeants de la prison de Mantoum.

76 Ibid.

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Français héritaient des prisons construites par les Allemands"77 aux fins de réduire au silence toute opposition à leur projet colonial et comme "la prison coloniale a été une réponse ou une solution au problème de la main-d'oeuvre"78, l'administration française après quelques aménagements créé de manière officielle le centre de détention de Dschang appelé "prison civile de Dschang" en 1927. Ce vocabulaire n'occulta en rien les missions premières de ce pénitencier qui devient à l'ère postcoloniale une prison de production (1973) puis principale (1992) avec la même architecture.

La prison de Mantoum quant à elle est construite après l'accession du Cameroun à la souveraineté internationale pour résoudre un problème ponctuel : celui de l'insécurité orchestrée par les activistes de l'Union des Populations du Cameroun. C'est donc dans un contexte de crainte et de terreur, sous le prétexte du maintien de l'ordre et la sécurité publics, que le régime Ahidjo crée le Centre de Rééducation Civique de Mantoum en 1962 dans le but de donner une nouvelle éducation à ceux qui s'opposent à sa politique et dont l'objectif est surtout de les réduire au silence et les amener à respecter les institutions républicaines. Globalement, "cette institution était simplement et purement une prison politique au service du régime en place".79 Il Faut attendre 1975 pour que le centre de Mantoum devienne une prison de production tout en gardant la même infrastructure que celle du CRC. Avec la deuxième reforme pénitentiaire de 1992, on parle désormais de la prison principale de Mantoum qui est en réalité un bassin de réception des détenus venant d'autres prisons du territoire80. Il est par ailleurs important de signaler que le CRC de Mantoum tout comme celui de Tcholliré a réduit au silence de nombreuses vies et poussé d'autres à l'exil. C'est dans ce contexte que les propos suivants de Blaise-Pascal Talla résument le règne du président Ahidjo :

77 Alioum ; "Les prisons au ...", 2006, p.552.

78 Ibid, p.400.

79 Ngbayou ; "Le Centre de ..." 2004-2005, p.69.

80 Ibid.

81 Blaise-Pascal Talla, " Cameroun : Chronique d'une transformation politique", in Marchés nouveaux, n°13, Août 2003, p.46.

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Lorsqu'il démissionne de ses fonctions de chef de l'Etat, le 04 Novembre 1982...des générations entières de Camerounais avaient été soit contraintes à l'exil, soit placées dans des prisons spécialement aménagées pour "redresser" les esprits indépendants qui avaient eu l'audace de s'opposer aux politiques menées par l'UNC. Des milliers d'autres "opposants assoiffés de pouvoir" - selon la rhétorique officielle de l'époque - avaient été exécutés ou avaient péri dans des conditions non élucidées81.

La prison en tant qu'un milieu clos génère toujours des problèmes de santé. C'est pourquoi de nombreux textes organiques nationaux et internationaux protègent les droits des détenus à la santé. Ces instruments juridiques s'articulent autour des différentes législations nationales et internationales destinées à préserver la santé des détenus.

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CHAPITRE II : LES LEGISLATIONS NATIONALES ET
LES CONVENTIONS INTERNATIONALES SUR LA
PRESERVATION DE LA SANTE DES DETENUS

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Les personnes incarcérées conservent leur droit fondamental à jouir d'une bonne santé, physique et mentale, et conservent par conséquent leurs droits à recevoir un niveau de soins médicaux équivalent à celui qui est fourni dans la communauté à l'extérieur de la prison. Le droit à la santé concerne tous les détenus, qu'ils soient en détention provisoire (en attente d'un procès, d'une condamnation) ou condamnés. Des instruments juridiques nationaux et internationaux protègent tous les individus, notamment les détenus contre les atteintes flagrantes à leur santé et à l'intégrité de leur personne. Le présent chapitre a pour objectif d'attirer l'attention sur le fait qu'en raison de la vulnérabilité particulière des personnes incarcérées, il existe des règles internationales et nationales destinées à protéger leurs droits aux soins de santé.

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