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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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17. L'évaluatif contextuel, une arme à double tranchant

Contrairement à l'adjectif « soyeux » qui trouble quelque peu la catégorisation des évaluatifs, le deuxième extrait précité est clairement a rangé dans la classe des évaluatifs contextuels. Il est toutefois intéressant parce que le jugement positif est globalement formulé de manière indirecte (à l'exception de l'adjectif « impressionnant » -« un nombre impressionnant de prix », qui traduit un jugement de la part du locuteur), comme s'il s'agissait d'un simple constat, d'une description. Or, l'évocation des « prix » reçus par le jazzman Franck Woeste dans les « conservatoires » et « concours internationaux » participe bien de l'écriture de l'éloge propre au TPC mais aussi à la publicité ou à la critique journalistique lorsqu'elle est positive. Ainsi se superposent l'« argument de cadrage » avec une définition-présentation censément objective et l' « argument d'autorité »69(*) qui ne tient plus ici à la compétence du locuteur mais à une compétence déléguée à laquelle on se réfère, celle des « conservatoires » et « concours ».

Remarquons toutefois, avec, Sophie Moirand que ce type d'évaluation « pren[d] des valeurs différentes qui tiennent aux conditions sociales de la représentation»70(*). Ainsi de la même façon que l'adjectif « didactique » peut être neutre dans le jargon de l'enseignement, il peut, en contexte, être connoté négativement : « Le ministre s'est lancé dans un exposé très didactique sur les mérites de la baisse des impôts ». Ici, les marques de reconnaissances institutionnelles et internationales obtenues par le jazzman peuvent être reçus par le destinataire comme autant de signes de sa valeur (c'est l'effet recherché par Vincent) mais peuvent peut-être, à l'inverse, pour certains amateurs de jazz ou pour un public profane, être mal perçus et considérés comme les marques d'un académisme, d'un certain conformisme, d'un « ronron » institutionnel synonyme d'ennui.

18. Petit décryptage de l'inconscient scriptorial autour du mot « populaire »

De même l'adjectif « populaire » dans le TPC de Jacques, est contextuellement positif. Le Neapolis Ensemble, en raison, de son adaptabilité aux conditions matérielles de la représentation (« théâtres, centres culturels, églises »), serait (un peu curieusement) « le groupe « populaire » par excellence ». Les guillemets utilisés par le rédacteur témoignent d'une certaine précaution dans l'emploi de l'adjectif. Non que Jacques craignent une incompréhension du public et la lecture du terme dans son acception évaluative strictement négative que l'on trouve, par exemple, dans une phrase telle : « Tenues tapageuses, parler et allures populaires, tout chez cette femme indique la poissarde ». La précaution tient, à notre avis, plutôt, à l'évolution historique du mot et nous semble révélateur de ce que l'on peut appeler « l'inconscient du texte », sorte de carrefour au centre duquel on trouve évidemment le scripteur mais traversé par les attentes du lecteur qu'il projette (ou plus exactement, on le verra, des lecteurs), traversé aussi par les aspirations et les défiances du social sous l'oeil duquel il écrit.

Aujourd'hui l'adjectif « populaire » a perdu son sens totalement neutre de « relatif au peuple ». D'un point de vue général, il s'est idéologisé et réfère toujours à la pensée marxiste, c'est-à-dire à l'opposition entre classes dominantes et classes dominées (ex : soulèvement populaire, république populaire, etc.). Appliqué à la culture, le terme peut avoir trois acceptions, parfois contradictoires : la première, positive mais plutôt oubliée, renvoie aux initiatives publiques pour rendre accessible à tous la culture (multiplication des bibliothèques, création des MJC, tarifs préférentiels ou gratuité des musées). Les ministres Malraux, dans les années 60, et Lang, dans les années 80, l'employaient dans ce sens. La seconde a un sens anthropologique que l'on retrouve dans l'expression « art populaire », l'adjectif concurrençant fortement l'anglicisme « folklorique » devenu aujourd'hui plutôt péjoratif. Mais « populaire » signifie aussi, en matière de culture, « de piètre qualité », « peu exigeant » voire « racoleur ». Ce dernier sens ne peut qu'être rejeté par la nature même du groupe vocal italien devant se produire à Domfront. Le Neapolis Ensemble interprète, en effet, sur scène les chants et les danses du répertoire traditionnel napolitain (« chants, villanelles et tarentelles nous entraînent au coeur d'une ville mythique [...] » ) qui ont peu de choses à voir avec la culture de masse.

Il semble que la précaution induite par les guillemets rejettent ou atténuent, plus ou moins consciemment dans l'esprit du locuteur, certaines de ces significations et que l'adaptabilité du groupe à tous les types de scènes soient, en quelque sorte, un faux- semblant, une justification qui en cache d'autres comme si l'on ne voulait pas tout dire explicitement au lecteur ou du moins à tous les lecteurs.

Dominique Mainguenau parle de « lecteur modèle »71(*), ce lecteur idéal que l'on projette quand on écrit et qui diffère du « lecteur empirique » ou effectif. Or, Jacques donne un peu l'impression dans ce TPC de ne pas avoir trouvé son « lecteur modèle », comme si ce qu'il écrivait était déjà remis en cause par des lecteurs empiriques plus ou moins bienveillants.

Tentons ici un décryptage et commençons par admettre (soit) que le Neapolis Ensemble est « populaire » parce qu'il peut se produire partout ; ceci posé, les guillemets préviennent également le lecteur que « populaire » ne veut pas dire ici vulgaire ou racoleur . « Populaire », en revanche, le Neapolis Ensemble l'est parce qu'il est dépositaire d'une tradition et que le rédacteur sait qu'une certaine frange du public n'aime pas le folklore, d'où l'usage des guillemets comme atténuateurs sémantiques, équivalents bien connus d'un « si l'on peut dire » ou d'un « si vous me passez l'expression ». Enfin le groupe est aussi « populaire » idéologiquement parce que, comme l'écrit Jacques à la fin de son texte, la musique qu'il propose « peut accompagner les luttes politiques et sociales mais aussi la vie de tous les jours pour la rendre plus légère ». Ce sens politique, les guillemets et la justification leurre, le mettent à distance, peut-être parce que, inconsciemment, le rédacteur compose avec le fait que, politiquement, le département de l'Orne (Alençon et quelques petites villes exceptées), mais aussi les élus qui siègent au Conseil d'administration de l'ODC sont globalement conservateurs et assez peu enclins aux «  luttes politiques et sociales »72(*).

* 69 BRETON Philippe (2001), op. cit.

* 70 MOIRAND Sophie (1990), op. cit.

* 71 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 72 Majoritairement rural, le département a cependant comporté des « niches » industrielles à Flers, Argentan et Alençon, berceau de la marque Moulinex. Dans cette dernière ville, très durement touchée par la fermeture des usines Moulinex au tournant du millénaire, les « luttes politiques et sociales » ont été une réalité pour nombre de ses habitants et font aujourd'hui partie de l'« imaginaire collectif » local.

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