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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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10. Des TPC descriptifs proches de l'écriture de l'article ou de l'essai

Le TPC pour persuader peut s'inspirer de formes littéraires autres que le genre romanesque.

Cherchant, par nature, à représenter des éléments de la manifestation qu'il promeut (éléments visuels, sonores, impressions), on sait que le TPC comporte nécessairement des séquences descriptives à l'échelle d'un passage, d'une phrase ou, de manière plus fragmentaire, d'un groupe nominal. Ainsi un certain nombre des TPC de l'ODC sont exclusivement de type descriptif, délivrant au destinataire des informations brutes sans particulièrement chercher à le séduire. Citons, par exemple, ce texte informatif de qualité sur le spectacle Cielos Argentinos dans lequel la modalisation persuasive n'est pas utilisée :

« « Cielos Argentinos » est un projet issu de la rencontre entre le guitariste argentin Leonardo Sanchez, et l'Ensemble orchestre régional de Basse-Normandie dirigé par Dominique Debart, agrémenté par la voix lyrique de Nathalie Sanz. Il présente une succession de douze tableaux basés sur des rythmes populaires argentins autour de l'évocation des cieux, et, allie le professionnalisme de l'orchestre bas-normand à la beauté de l'inspiration des contrées de ce grand pays d'Amérique du Sud.

Comme ce fut le cas récemment avec la guitare flamenca de Juan Carmona, les Percussions-Claviers de Lyon, mais également d'autres créations dans le domaine du cinéma, de la danse et du théâtre, l'ENSEMBLE renoue une nouvelle fois avec son ouverture vers des projets novateurs, s'inscrivant ainsi, de manière originale et atypique, dans le paysage des grands ensembles français. » (Martine, Cielos Argentinos, t. p., p. 35)

Conjointement à cette forme de TPC que l'on qualifiera de descriptif de type informatif101(*), il existe dans les plaquettes de la Saison 2007-08 des TPC qui, recourant également à un matériau principalement descriptif, appartiennent pleinement à la modalisation persuasive en raison d'une filiation intertextuelle (ou intergénérique), plus ou moins explicite, avec des genres littéraires fondés eux-mêmes sur une dominante descriptive.

Le TPC jeune public Pinocchio peut ainsi être identifié comme un texte descriptif à tour définitoire. Ainsi, toutes proportion et modestie gardées, il peut rappeler, peu ou prou, par sa forme et ses tournures, davantage qu'un article de dictionnaire traditionnel, les articles subjectifs que pouvaient, par exemple, rédiger, au XVIIIe siècle, Voltaire et les Encyclopédistes :

« C'est un spectacle  de marionnettes dont le personnage principal est... une marionnette. / C'est Pinocchio, mythe encombrant que la Divine Quincaillerie a choisi de nous présenter en le débarrassant des interprétations accumulées au fil des variantes : ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en déconvenues bien réelles, éprouve la difficulté d'être si humain, tout en déplorant de n'être que marionnette... » (David, Pinocchio, j. p., annexe n° 15)

La tournure présentative employée en anaphore à trois reprises affiche le caractère définitoire du texte en même temps qu'elle peut stylistiquement le rapprocher (le génie en moins !) de son lointain modèle littéraire.

Une lecture rapide de la troisième occurrence du tour présentatif peut faire croire que la forme définitoire est plus factice et stylistique qu'opératoire puisque le présentatif « C'est Pinocchio, tout simplement ! » ne paraît mettre en valeur aucun élément informatif, cependant qu'ailleurs, de nombreux éléments propres à la définition-description peuvent être recensés. Ainsi le TPC s'articule autour d'un thème-titre : le spectacle Pinocchio. L'objet est présenté d'un point de vue aspectuel sous des angles multiples (le personnage est une marionnette, l'histoire est devenue un mythe, elle a été inventée en 1881 par un journaliste italien, etc.) et à l'aide d'un vocabulaire esthétique.

C'est au moyen de ce dernier que le rédacteur donne d'abord une définition-description a contrario de cette version de Pinocchio (ni une « fable moralisatrice », ni un « conte libertaire », ni « [un conte] psychanalytique ») avant de la définir, par l'affirmative, en soulignant sa principale qualité : elle est la plus proche de l'histoire originale. Aussi, si l'on y regarde de plus près, on peut constater que la troisième occurrence de la tournure présentative n'a pas qu'une fonction purement stylistique (anaphorique). Elle a en effet pour rôle de souligner non l'exclamation, un peu creuse, « C'est Pinocchio, tout simplement ! » mais la phrase qui suit : « Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi [...]», phrase qui constitue, en définitive, l'argument promotionnel le plus fort du texte. 

Les TPC à dominante descriptive peuvent aussi prendre une coloration explicative et didactique qui les rapprochent d'une autre forme littéraire, le genre de l'essai. Descriptif, le TPC sur l'exposition de Denis Monfleur nous semble pouvoir être classé dans une typologie textuelle des TPC recourant à la modalisation persuasive que nous ne faisons ici qu'esquisser102(*) :

« Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un abdomen supplicié. Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée.

« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50, annexe n° 18)

Ce TPC, élaboré au stade préparatoire par la lecture attentive de sources variées et conséquentes (articles de critique d'art, interviews de l'artiste, textes et photos de catalogues d'exposition), a alimenté une prise de notes manuscrites volumineuse. Ces notes à caractère descriptif ou interprétatif, ensuite triées et saisies sur traitement de texte, ont alors constitué un matériau que mon texte a, comme on a pu déjà l'indiquer, patiemment mis en forme103(*). A partir de cet apport, j'ai, comme dans un essai ayant pour sujet un art ou un artiste, écrit mon texte, dans une langue soutenue, sans volonté de vulgariser ou de promouvoir. Au risque de paraître prétentieux et élitiste, j'ai projeté un lecteur idéal amateur d'art contemporain104(*) et me suis amusé à jouer les critiques d'art professionnel, avec comme modèle, Olivier Céna (à qui j'ai emprunté, en la reformulant, sa diatribe sur l'éloge de la vitesse dans notre monde contemporain) et comme horizon inaccessible dans le champ de la critique culturelle, le Baudelaire des Curiosités esthétiques et de L'Art romantique ...

Comme dans l'écriture de l'essai d'art, j'ai donc abondamment utilisé un vocabulaire relevant de l'esthétique (« la sculpture », « le sculpteur », « aux statues », « ses sculptures fragmentaires », « souffle épique », « essentielle beauté », « art conceptuel »), ce lexique étant complété par quelques comparaisons-références d'ordre culturel (« fragmentaires comme celles de l'antique », « rugosité primitive »).

J'ai également combiné entre elles différentes séquences descriptives :

Des séquences décrivant les productions de l'artiste : « ici se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un abdomen supplicié ».

Des séquences décrivant l'artiste au travail : « corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit », « Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible», « geste puissant et irrémédiable ».

Des séquences interprétatives : « un souffle épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance », « Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine », « l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au recueillement », [cette oeuvre] ne peut échapper [...] au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée ».

Mais aussi des mises en perspective de l'oeuvre avec la culture et le monde contemporains : « Loin de l'art conceptuel et de ses vanités », « éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané ».

Notons aussi que la citation en bas de page (« Rarement on n'avait de la pierre dure révélé à ce point la tendresse et la poésie. » Olivier Céna, Télérama. »), qui sert d'argument d'autorité, peut (en plus de son évident impact promotionnel) être rapprochée, formellement et dans sa fonction, de l'épigraphe sous le signe duquel de nombreux essayistes (de Montaigne à Michel Onfray, par exemple) écrivent leurs livres ou leurs chapitres.

Le texte, toutefois, malgré ses prétentions littéraires, cherche bel et bien à promouvoir. Quel que soit le brio de ses descriptions ou de ses commentaires (un peu pédants parfois...), je n'oublie pas qu'il n'a de raison d'être que par sa dimension pragmatique. S'il m'est évidemment impossible de savoir si ce TPC empruntant à l'essai d'art ses ressources (séquences textuelles, lexique, niveau de langue, thématiques, etc.) a majoritairement rebuté les lecteurs ou, au contraire, les a incités à se rendre à l'exposition, je crois que, pour promouvoir certaines manifestations de prestige, l'usage fortement marqué de la modalisation persuasive peut être efficace pour la communication culturelle d'un organisme comme l'ODC.

* 101 Les textes à dominante descriptive de type informatif sont nombreux dans les TPC « tout public » et prennent des formes variables. Ils peuvent être entièrement rédigés (« Livres objets », Martine, t . p. 07 ; « Récital jeunes talents », Martine, t. p. , p. 40) ou prendre la forme, au moyen de syntagmes exclusivement nominaux, d'un programme-calendrier, avec mention de la date, de l'heure, du type de la manifestation culturelle et de sa durée (« Le Vin dans tous ses états », Martine, t. p., p. 36).

Les textes descriptifs de type purement informatif peuvent aussi être uniquement constitués d'une biographie de l'artiste où dates et phrases nominales prédominent (« Roger Blaquière », rédacteur inconnu, t. p., p. 21). Parfois, le texte est construit sur la combinaison de deux biographies ( « Flavio Boltro et Frank Woeste », Vincent, t. p., p. 12) présentant (en l'occurrence, au moyen de phrases verbales) deux artistes associés pour une même manifestation culturelle. Ce TPC dont les biographies forment deux § distincts, suppose toutefois un travail de réécriture ou du moins une « fusion » de sources et de séquences textuelles hétérogènes. En effet, ces biographies s'insèrent dans un dispositif d'écriture du TPC « standard », comme le prouve la présence d'un § conclusif qui prend un caractère descriptif non-biographique (informations sur l'ambiance, les partenaires) et use de la modalisation méliorative (« instrumentistes talentueux », « intensité étonnante »).

De nombreux textes utilisent des séquences descriptives de type informatif de manière plus fragmentaire. C'est le cas, par exemple, de « L'Epopée du Prince Preah Chenvong » (David, t. p., p. 13 - annexe n° 20) qui, après une première phrase donnant des informations sur l'histoire contemporaine de la culture au Cambodge, décrit principalement, par la suite, une atmosphère au moyen de la modalisation persuasive (voir chap. suivant).

* 102 Dans notre plan initial, une étude approfondie de l'agencement des séquences textuelles (ou types de textes) dans les TPC devait faire l'objet d'une quatrième partie. Parce qu'un mémoire professionnel ne saurait avoir l'ampleur d'une thèse, nous nous contentons d'en commenter brièvement quelques avatars dans le cadre (restreint) de notre analyse de la modalisation persuasive.

* 103 Ce texte a compté plusieurs variantes (cf. annexe n° 18), notamment parce qu'au moment de la rédaction, l'ODC et l'artiste n'avaient pas encore arrêté le choix des oeuvres devant être exposées. Par ailleurs, dans sa mouture finale, on trouve une différence minime entre la version papier (t. p., p. 50) et la version diffusée sur le site Internet.

* 104 Il existe, selon Dominique MAINGUENAU (2005), deux types de « lecteur modèle » : celui de productions médiatiques qui construisent leur public par exclusion (public d'initié, publics thématiques - par exemple, le compte-rendu dans L'Equipe, d'un match de basket) ; celui aussi de productions médiatiques qui excluent un minimum de catégories de lecteurs (publics «généralistes»). Dans le cas de l'ODC, on peut parler de tension entre ces deux types de lecteurs modèles, attendu que l'objectif d'un organisme parapublic culturel est d'amener le plus grand monde à voir des spectacles de qualité voire exigeants.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle