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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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9. Des TPC qui recourent au discours indirect libre

La modalisation persuasive s'exprime aussi dans les TPC à travers des formes littéraires que l'on qualifiera de plus modernes, inspirées principalement par le genre romanesque.

On y trouve ainsi, quoique rarement, des fragments au style indirect libre, forme narrative aujourd'hui couramment pratiquée par les romanciers contemporains dans le sillage d'écrivains novateurs du XXème siècle. Ecrivains parmi lesquels on peut citer Céline, Joyce, Faulkner ou Giono qui, les premiers, ont pratiqué cette technique que Dominique Mainguenau résume en une formule simple : « le mélange étroit de deux voix »95(*). Le discours indirect libre consiste en effet à mêler à la voix englobante du narrateur (parfois lui-même personnage) d'autres voix qu'aucun signe graphique (tirets, guillemets) ne distingue. Cette technique subtile combine le plus souvent une énonciation à la troisième personne (voix englobante du narrateur), le point de vue de deux ou de plusieurs personnages (visions subjectives embrayées par des expressions de perception) ainsi que des discours différents (embrayés par des expressions de parole) par leur thématique ou leurs niveaux de langue qui permettent de discriminer la voix du narrateur des voix des autres personnages incluses dans le discours.

Ni extrait de spectacle, ni résumé factuel, le discours indirect libre appliqué au TPC (qui ne prétend évidemment pas à la complexité et à la richesse du modèle qui l'a inspiré) à l'avantage d'immerger in medias res le lecteur au coeur de la fiction96(*). C'est le cas dans cet extrait de spectacle jeune public qui, s'ouvrant sur un bref extrait au discours direct, laisse rapidement place au discours indirect libre :

[ discours direct : ] « Ohaoy, pitchipitchipoy ! » [discours explicatif: ] C'est le mot de passe qui retentit  dans la forêt ; l'annonce, pour nos deux amoureux, de [discours descriptif : ] leur rendez-vous galant, au pied de leur arbre. Car l'un et l'autre en ont assez du monde et de son tumulte. [discours indirect libre :] Marre des horloges, des cartes bleues, des clefs d'ceci ou d'cela. Et si on restait à l'écart, dans notre arbre, au milieu des oiseaux? Et si on grimpait tout là-haut ? Si on allait sur la lune, au calme, rien qu'avec notre amour ? Au calme, oui, mais éternellement... quel ennui ! Alors on regarde en bas et on se dit qu'il faut apprendre à vivre avec ce monde-là, sans se résigner. [ jugement :] Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles poétiques.» (David, Là-haut la lune, j. p., annexe n° 9)

Le découpage proposé monte comment le discours indirect libre s'agence ici avec d'autres séquences textuelles. Ainsi le rédacteur fait entendre une voix « homogène »97(*), quand il explique (« c'est le mot de passe qui retentit dans la forêt »), quand il décrit («leur rendez-vous galant, au pied de leur arbre ») ou quand il porte un jugement ( « Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles poétiques.»). Ces va-et-vient entre la monophonie et la polyphonie peuvent, comme dans la clausule du TPC cité, s'accompagner d'un basculement de la modalisation persuasive à la modalisation méliorative. Si la rupture causée par le passage de la voix hétérogène à la voix homogène paraît atténuée par un lexique (« lunaire », « poétique »), qui prolonge le registre poétique mis en place en amont du texte, c'est bien une seule voix qui se fait entendre dans la clausule sous la forme d'un jugement fait de termes positifs axiologiques (« donne corps magnifiquement ») ou contextuels (« où fourmillent les trouvailles poétiques. »)

En revanche, dans les lignes signalées en gras, cette voix se trouve comme volontairement absorbée par son sujet, ses personnages et leurs discours. Ainsi remarque-t-on qu'aucune mention relative à la matérialité du spectacle (jeu des acteurs, scénographie et dispositif technique, réaction de la salle) n'est convoquée. Seule importe dans ce cas l'histoire telle qu'elle pourrait être perçue au niveau des personnages.

Le rédacteur n'apparaît plus alors comme le médiateur direct entre le public et le spectacle à promouvoir. Sans renoncer à sa subjectivité, il devient plutôt une caisse de résonance par laquelle se fait entendre la polyphonie de la fiction. Il est un réceptacle où se mêlent tout à la fois les voix jamais individualisées des personnages (on ne sait, par exemple, pas qui dit en avoir « marre des clefs d'ceci ou d'cela ») et sa propre voix de rédacteur qui se dissout dans son adhésion aux propos tenus dans et par la fiction. Ici, donc, « on ne peut pas (pour reprendre les mots de Dominique Mainguenau) dire exactement quels mots appartiennent à l'énonciateur cité et quels mots à l'énonciateur citant. »98(*)

Cette distinction entre « énonciateur cité » et « énonciateur citant » peut tenir à un fil. Ainsi dans le TPC « Même pas seul », j'ai voulu écrire un fragment (déjà commenté d'un point de vue rythmique) au discours indirect libre99(*) :

« Ils vivent là dans un F2, tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23, annexe n° 24)

Recevant par la poste, trois mois après mon stage, la brochure de la Saison tout public, j'ai constaté qu'une correction avait été apportée. Le « c'est pas les vacances » oralisant que les personnages Rose et Jacky auraient pu prononcer s'est transformé en un « ce n'est pas les vacances », beaucoup plus « écrit ». L'ajout du « n' », signe de la voix du rédacteur et donc de sa médiation, suffit à ruiner l'effet que devait produire le discours indirect libre, à savoir l'immersion direct du lecteur dans l'univers de la fiction, « à niveau » de personnage et sans le regard en surplomb du rédacteur100(*).

* 95 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 96 Dominique MAINGUENAU (2005, op. cit.) remarque que cette « volonté de cumul que l'on retrouve dans le discours indirect libre » [...] « est plus rare dans la presse que dans le roman » (chap. 13, « Discours indirects, formes hybrides). Elle est également relativement rare dans les TPC et très majoritairement employée à partir d'un objet ayant originellement un contenu verbal ou du moins narratif. Ainsi le discours indirect libre est parfois utilisé dans les TPC de type théâtral (pièce mais aussi one man ou woman show, marionnettes) alors que les rédacteurs n'y recourent pas pour les concerts de chanson française, la musique classique ou les expositions.

* 97 Sophie MOIRAND (1990, op. cit.) oppose les « textes homogènes » (qui parlent d'une seule voix) et les « textes hétérogènes » qui laissent entendre plusieurs voix.

* 98 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 99 Celui-ci, dans sa globalité, n'est peut-être pas stricto sensu une séquence de discours indirect libre. Il peut s'apparenter à ce que Dominique Mainguenau appelle une « contamination » du discours du rédacteur par le milieu, le spectacle qu'il évoque (MAINGUENAU Dominique, 2005, op. cit)

* 100 D'autres fragments au DIL peuvent être repérés dans les TPC 2007-2008 de l'ODC : dans « La Petite Reine » (David, j. p.) - première phrase ; dans « Mister Django et Madame Swing » (David, j. p.) - avant-dernière phrase, à partir de « Pouah ! » ; dans « La Luna Negra » (Vincent, t. p., p. 19) - 2e § de « Autrefois [...] » à « tout se dégrade ».

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault