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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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8. Des figures de style pour persuader

Le TPC se présente également comme un objet séduisant en usant de figures de style forgées de longue date par la tradition littéraire. Loin d'en faire un recensement complet dans les textes de la Saison 2007-08, nous nous limiterons à quelques remarques et exemples.

On peut, de prime abord, s'étonner que la simple comparaison (avec les outils « comme », « ainsi que », « pareil à », etc.) soit quasi absente de la modalisation persuasive. En fait, il apparaît que ce trope appartient davantage à la part informative du TPC sous la forme de comparaisons-référence qui (comme on l'a vu précédemment) permettent de catégoriser un artiste, un spectacle, par rapport à d'autres artistes ou genres artistiques. Aussi est-il probable qu'intuitivement, par souci de clarté, les rédacteurs n'utilisent pas les mêmes formes selon qu'ils cherchent à informer ou à séduire.

Ainsi, lorsque la modalisation persuasive est à l'oeuvre, ce sont des figures de l'analogie moins repérables, plus disséminées dans le discours qui s'imposent. On peut citer cette métaphore (à la frontière de la comparaison-référence car construite sur une allusion culturelle) pour désigner le héros d'un spectacle qui a le pouvoir de rétrécir :

« Liliputien au pays des couteaux, des détergents, de l'électro-ménager ou des casseroles sur le feu, notre journaliste retrouve une taille d'homme pour inventorier, en chanson et avec son public, les pièges du home sweet home. » » (David, Méfy, méfie-toi, j. p., annexe n° 12)

L'analogie est un moyen persuasif intéressant dans l'écriture d'un TPC car elle permet d'ouvrir l'évocation-promotion de la manifestation culturelle sur d'autres objets du monde et de donner au texte une sorte de profondeur de champ. C'est ce qui se produit à la fin du TPC sur F. Hanteville :

« [...] Et l'on est tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en oeuvres d'art singulières : taureaux à l'encolure puissante ou petites vaches malicieuses qui sont autant d'odes à la vie. On se dit alors que sa ménagerie « recyclée » est soeur de ces tortues géantes crevant le ventre plein du plastique que charrient nos océans mondialisés [...] ». (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

La coloration polémique (et un tant soit peu politique) que prend le texte dans sa clausule peut surprendre. Elle n'est pas le fait d'un rédacteur qui, suivant son bon vouloir, séduirait en profitant d'une préoccupation sociale en vogue, l'écologie, ou d'une idéologie montante, l'altermondialisme. Ce ton engagé amené par l'analogie (à travers le vocable charnière « soeur de »), je l'ai insufflé dans mon texte parce que les organisateurs de l'exposition (La Poste et Ouest France) souhaitaient la placer (peut-être avec opportunisme...) sous le signe du développement durable. Ainsi l'ouverture sur le monde91(*), la profondeur de champ de l'analogie ici n'est pas gratuite. Elle répond à une commande et s'inscrit dans le contexte thématique de l'exposition.

Vincent emploie souvent des métaphores littéraires et poétiques dans les séquences descriptives de ses TPC. Ces métaphores ont d'abord l'avantage d'offrir une variété de synonymes qui, par exemple, dans le cas d'un spectacle musical, se substituent au verbe « jouer » :

«  Derrière lui (Kevin Doherty), James Delaney tisse sur ses claviers un écho discret » (Vincent, Kevin Doherty, t. p., p. 26)

Au-delà de la diversité que la métaphore permet sur l'axe syntagmatique de la langue, l'image produite par le verbe « tisser » a également un fort pouvoir évocateur. Par cet emploi, Vincent fait plus que parler de notes de musiques : il parvient à camper, en usant d'un seul mot, une ambiance, à suggérer l'idée d'une « trame » musicale92(*). Une « trame », un « tissu » sonore, qui aurait pour rôle de mettre en valeur la prestation du chanteur-guitariste irlandais Kevin Doherty, à la façon d'une toile de fond (« écho discret ») mais peut-être aussi comme quelque chose qui enveloppe (l'une des fonctions du textile).

La métaphore peut aussi dans les TPC de l'ODC prendre un tour périphrastique. C'est le cas dans mon texte sur le spectacle musical Toc-Toque dans lequel je cherche, en partie sous l'influence de la prose poétique de Francis Ponge93(*), à donner l'idée d'une vie secrète des objets :

« [...] Commence alors un ballet époustouflant de fouets mécaniques, un concerto drolatique pour bouilloires et théières qui confie à tous un secret : sous la nappe à carreaux du quotidien, le monde des choses palpite, prêt à livrer une musique insoupçonnée... » (David, Toc-toque, j. p., annexe n° 16)

La périphrase « sous la nappe à carreaux du quotidien » se substitue, de manière métonymique, à une formulation plus directe, qui aurait pu être simplifiée, « dé-métaphorisée », en un simple « sous le quotidien » ou «derrière le quotidien ». L'expression métaphorique a été préférée car elle s'inscrit dans la thématique de la cuisine et contribue à donner au texte une continuité lexicale. Elle amorce aussi, je crois, de manière cohérente et originale, la clausule qui porte un jugement général sur le spectacle en en dégageant une sorte de morale.

Mais, beaucoup plus nettement que la métaphore, une autre figure de style s'impose quantitativement dans l'écriture des TPC : l'antithèse.

On trouve cette figure qui consiste à rapprocher des signifiés qui entrent en contradiction le plus souvent à la clausule, passage décisif, on l'a dit, du texte promotionnel culturel. C'est ainsi qu'elle apparaît sous ma plume dans le texte sur le sculpteur Denis Monfleur,

« [...] Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale / d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite au recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) / aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa destinée. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50 - annexe n° 18)

dans celui sur le spectacle de danse contemporaine « Même pas seul »,

« [...] Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre une vision à la fois très amère / et douce de la vie de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent /, se rapprochent, dans un va-et-vient vachard / et tendre qui, entre petites tragédies / et grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur de/ deux petites gens. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23 - annexe n° 24)

ou dans les chutes des TPC jeune public « Pinocchio » et « Pepe et Stella » :

« [...] ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en / déconvenues bien réelles, éprouve la difficulté d'être si humain, tout en déplorant de n'être que / marionnette... » (David, Pinocchio, j. p., annexe n° 15)

« [...] Une Odyssée de poche qui parle de séparation, d'attente / et de retour ; où le cheval Stella, promis à l'abattoir, traverse la mort et mille autres dangers. Un itinéraire vers l'inconnu, tracé par les étoiles, qui conduit nos deux héros à quitter la toute-puissance de l'enfance pour vivre / la fragile beauté d'une vie d'homme. » (David, Pepe e Stella, j. p., annexe n° 14)

L'antithèse est également présente à la clôture du texte de Martine sur l'exposition de photographies de l'artiste italien Luciano Ferrara :

« [...] Luciano Ferrara ouvrira la Saison 2008 au château de Carrouges. Il apportera un peu de l'incandescence de sa terre du Sud dans / notre hiver normand. » (Martine, Luciano Ferrara, t. p., p. 28)

Cette écriture du paradoxe s'explique sans doute en partie par le domaine concerné : la culture. En effet, celle-ci, quand elle est de qualité, a à voir avec la complexité et s'avère (à l'instar de tout ce qui est humain) rarement univoque. L'antithèse (et sa forme plus poussée, l'oxymore) permet de dire ce foisonnement des contraires et de souligner, derrière le dissemblable (qui va parfois jusqu'à prendre une dimension ontologique), une forme de cohérence.

Admettons aussi, toutefois, que l'antithèse peut plus prosaïquement être un « truc » de rédacteur, une « ficelle » du métier. Le figure, en effet, permet d'exprimer de manière plus ou moins fumeuse, la chose et son contraire, astuce précieuse pour parler, sous un voile d'intelligence, d'un spectacle ou d'une exposition lorsqu'on en maîtrise mal le sujet ou que les informations dont on dispose sont insuffisantes en nombre ou en qualité.

Terminons ce commentaire des figures de style par un apax remarquable dans les textes des Saisons 2007-08 : l'emploi d'un chiasme.

« Coiffé de mitaines et entouré d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant, il n'a pas toujours fait ça.

Autrefois, il avait une vie normale. Marié. Deux enfants. Situation stable. Puis, un jour, il est licencié et à partir de là tout se dégrade. Le voilà sans domicile, errant, la nuit, à la recherche d'on ne sait quel havre de paix. Tout à coup, une vieille enseigne, aux néons flétris : « La Luna Negra, Cabaret ».

Un vieux propriétaire et une dame de joie fanée vont l'accueillir.

« Petit... on ne voit bien qu'avec le coeur » qu'ils lui disent. Un rêve au pays de la réalité. Une réalité au pays du rêve» (Vincent, La Luna Negra, t. p., p. 19)

Le chiasme comme l'antithèse est une figure du paradoxe. Croisant quatre termes dans une construction en miroir de type AB / BA, il en constitue la forme la plus complexe. Particulièrement frappant par sa mécanique à la fois logique ( le thème de la première proposition devenant le rhème de la seconde et vice versa) et mélodique (une même signe étant répété deux fois), le chiasme aspire, lui aussi, à l' « autorité » du slogan ou du proverbe. Il condense l'idée dans une formule choc qui doit emporter, de manière définitive, l'adhésion du destinataire. Ainsi, souvent convoqué à la fin d'une démonstration ou d'un jugement, il a, le plus souvent, une portée argumentative.

Vincent y recourt dans la clausule de son TPC sur la pièce La Luna Negra dont la séquence textuelle dominante est une description de type romanesque (premier et deuxième paragraphe), avec, à la fin du deuxième paragraphe, un effet de complication (élément perturbateur) comme ceux que l'on trouve dans les textes narratifs : « Tout à coup, une vieille enseigne, aux néons flétris : « La Luna Negra, Cabaret ». // Un vieux propriétaire et une dame de joie fanée vont l'accueillir. [...] »

La clausule (quatrième et dernier paragraphe), outre le chiasme, comporte un extrait de discours rapporté : « « Petit... on ne voit bien qu'avec le coeur » qu'ils lui disent. » Cet échantillon de discours direct joue (ou plutôt devrait jouer) un rôle décisif, celui d'avant- dernier maillon de la chaîne discursive censé préparer ce point d'orgue du TPC que devrait être le chiasme. Or, l'enchaînement, le lien entre le chiasme final et le texte de type romanesque qui précède est peu clair. La figure du paradoxe semble ici un peu plaquée, placée en position conclusive pour l'ornement. L'effet d'autorité recherché nous semble manqué et, par là-même, c'est tout le texte qui en pâtit alors que, par ailleurs, il relevait, à notre avis94(*), jusqu'à la dernière phrase, pleinement et efficacement de la modalisation persuasive.

On pourrait, certes, admettre la pertinence du premier mouvement du chiasme « Un rêve au pays de la réalité. » Il est en effet possible de conjecturer que le cabaret où échoue Valentin Saitou va être un endroit onirique (« rêve » étant mis en valeur car placé en position de thème) où il va pouvoir échapper au réel (« réalité » étant le rhème). Cependant, même en suivant cette hypothèse, toute confusion n'est pas levée car que signifie, dans la phrase qui amorce le chiasme, « voir bien avec le coeur » ? S'agit-il de voir avec l'imaginaire, à travers le rêve, donc, ou de voir, comme le laisse plutôt entendre, usuellement, le mot « coeur », avec les yeux de l'amour ?

Dans son second mouvement (« Une réalité au pays du rêve »), qui met l'accent sur le thème « réalité », la pertinence de la figure du paradoxe est beaucoup plus discutable et donc peu prégnante. En effet, que fait ce second mouvement, sous couvert de virtuosité stylistique, sinon rappeler ce sur quoi le reste du TPC a déjà beaucoup insisté, à savoir le fait qu'il s'agisse d'une fiction onirique ancrée dans une réalité (notamment économique) contemporaine ?

On peut conclure, à la lumière de ce dernier exemple, ce survol des figures de style dans les TPC par une remarque, à valeur de recommandation, que je m'adresse d'abord à moi-même. Si la figure de style peut contribuer à donner un tour séduisant au texte qui, par ricochet, donnera peut-être au destinataire l'envie de se rendre au spectacle, le rédacteur doit l'utiliser avec prudence et maîtrise : afin, d'une part, qu'une figure utilisée confusément ne compromette pas la dimension informative inhérente au genre ; afin, d'autre part, qu'elle ne vienne saper l'impact d'autres moyens d'expression employés judicieusement dans une promotion relevant de la modalisation persuasive.

* 91 L'image des tortues géantes mourant d'avoir ingéré des sacs plastiques à la dérive m'a été « inspirée » par un sujet, à fort impact émotionnel, vu dans le journal télévisé de France 2, quelques semaines avant la rédaction de mon texte.

* 92 On parle aussi souvent, dans le même registre métaphorique du tissu, de « nappes » sonores.

* 93 PONGE Francis (1942), Le Parti pris des choses, Gallimard.

* 94 Notre méthode qui consiste à examiner les TPC de l'ODC objectivement et sans anonymat touche peut-être ici à l'une de ses limites. D'abord parce qu'elle me place, en dépit de l'engagement pris dans l'introduction, dans un rôle de censeur assez désagréable. Ensuite parce que mon jugement peut être tout à fait erroné et que, par ailleurs, il est fort possible que certains dysfonctionnements m'aient échappé dans mes propres textes : on voit la paille dans l'oeil du voisin sans voir la poutre dans le sien...

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle